Exemption militaire : Les Haredim poussent à la dissolution de la Knesset, faute de l’adoption d’un projet de loi
« Netanyahu sait qu'il n'y aura pas de loi sur l’évasion. Il cherche uniquement à gagner du temps », a déclaré Lapid, avertissant les plus importants rabbins ultra-orthodoxes

Suite à l’échec du gouvernement à faire adopter une loi exemptant les étudiants de yeshiva du service militaire, les responsables des deux partis ultra-orthodoxes du pays discutent activement de la possibilité de quitter la coalition. Le président du mouvement Yahadout HaTorah Yitzchak Goldknopf pousserait à la présentation d’un projet de loi permettant la dissolution de la Knesset et la tenue de nouvelles élections.
Les partis Shas et Yahadout HaTorah avaient tous deux exigé l’adoption du projet de loi militaire controversé avant le début de la fête de Shavouot, le 1er juin, précisant que tout retard mettrait en danger la pérennité de l’existence du gouvernement.
Les ultra-orthodoxes, également appelés Haredim, avaient reculé à plusieurs reprises face aux précédents ultimatums. Mais en raison des événements récents – avec notamment les projets de Tsahal d’augmenter le nombre d’ordre de mobilisation envoyés aux jeunes hommes ultra-orthodoxes – leurs relations avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu semblent approcher d’un point de rupture.
Selon le site d’information ultra-orthodoxe Behadrei Haredim, Yahadout HaTorah étudie actuellement les différentes possibilités, qui pourraient aller de « paralyser totalement la coalition » à présenter un projet de loi visant à dissoudre la Knesset – une mesure favorisée par le dirigeant du parti, Goldknopf.
Le Conseil des sages de la Torah du parti devrait se réunir mercredi. L’objectif sera de discuter des prochaines étapes pour le parti et de tenir ses députés au courant « d’une importante décision », a rapporté le site.
Mardi dernier, le rabbin Dov Lando, chef du courant dit « lituanien » de l’ultra-orthodoxie non hassidique, a rencontré le rabbin Néhémie Alter, le fils du chef de la mouvance hassidique Gur. Tous les deux ont échangé au sujet des éventuelles dispositions à prendre si le gouvernement ne respectait pas les délais fixé par Yahadout HaTorah.

L’admor, ou grand rabbin, de Gur Yaakov, Aryeh Alter, s’est déclaré favorable au départ de la coalition. Lando, dans une lettre ouverte publiée mardi dernier, a lancé une mise en garde, expliquant que si les étudiants de yeshiva étaient « enrôlés de force, nous ne pourrions pas rester les bras croisés, et nous serions obligés de prendre des mesures que nous ne désirons pas ».
Selon Kikar Hashabbat, un autre site d’information haredi et selon le quotidien Maariv, Goldknopf pousse actuellement à la création d’une loi permettant la dissolution de la Knesset et forçant la tenue de nouvelles élections. Il travaille activement à convaincre la direction du groupe Degel HaTorah de son parti de soutenir cette décision.
« Les questions du projet de loi et de la dissolution du gouvernement seront tranchées dans quelques jours, pas dans quelques semaines. En l’absence d’accord sur les principes de la loi, nous quitterons le gouvernement dès les prochains jours », a fait savoir Kikar Hashabbat citant des responsables du Shas et de Yahadout HaTorah.
Dans un article publié mardi, le journal Hamevaser, lié au groupe Agudat Yisrael du parti de Goldknopf, a indiqué que si le gouvernement ne mettait pas fin au projet de conscription des étudiants de yeshiva, le parti Yahadout HaTorah se verrait « forcé d’agir » et de prendre « des mesures sans précédent ».
Les hauts dirigeants du parti séfarade Shas devraient également se réunir afin de discuter de l’avenir de leur participation à la coalition.
« Juste après Shavouot, la question du maintien du Shas au sein du gouvernement et de la coalition sera mise au programme des discussions des rabbins du Conseil des Sages de la Torah », ont déclaré sous couvert d’anonymat de hauts responsables du Shas, jeudi dernier, dans un article à la une du journal officiel du parti, HaDerech.
« Nous espérons que le Premier ministre prendra ses responsabilités et veillera sans plus attendre à l’avancée des négociations », ont-ils fait savoir.

Selon des informations de la Treizième chaîne, la semaine dernière, plusieurs doyens de yeshivot séfarades ont accusé le Shas de plier face à la pression de Netanyahu, avançant que le parti aurait déjà dû quitter la coalition.
Dans une interview accordée à l’hebdomadaire national-religieux Makor Rishon publiée lundi soir, le député Yahadout HaTorah Yitzhak Pindrus a affirmé que son parti agissait en complète coordination avec le Shas « et faisait tout le nécessaire pour la poursuite de cette coordination ».
Le gouvernement a « toutes les chances de survivre » à ces événements, mais « il est aussi possible qu’il ne s’en sorte pas », a-t-il rapporté, ajoutant que « son parti avait fixé une ligne rouge : l’adoption de cette loi ».
Jusqu’à l’adoption de la loi, a averti Pindrus, les partis haredim poursuivront leur boycott législatif partiel et bloqueront la progression des projets de loi d’initiative parlementaire parrainés par les membres de la coalition. Cette décision a suscité une levée de boucliers parmi les membres du Likud, le parti au pouvoir de Netanyahu.
La Commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, sous la direction du député du Likud Yuli Edelstein, examine actuellement un projet de loi soutenu par le gouvernement visant à réglementer l’enrôlement des Haredim.
Edelstein s’est engagé à ce que toute loi sur le service des Haredim émanant de sa commission fixe des sanctions individuelles et « augmente considérablement l’assiette de conscription de Tsahal », tout en rejetant les suggestions visant à limiter de manière importante le rythme et l’ampleur du processus d’enrôlement des ultra-orthodoxes.
Le mois dernier, Edelstein a expliqué qu’il était possible que « dans trois semaines, toute l’affaire explose », autant d’indices laissant entrevoir que la loi, une fois réécrite, pourrait se révéler inacceptable pour les Haredim.

Réagissant à des informations selon lesquelles le secrétaire du cabinet Yossi Fuchs et Edelstein devraient se rencontrer mardi soir pour tenter de trouver un terrain d’entente sur la question, le chef de file de l’opposition Yair Lapid a alerté mardi les ultra-orthodoxes. Il leur a ainsi déclaré qu’ils étaient les dupes d’un Premier ministre qui n’avait aucune intention d’adopter ce qu’il a appelé une « loi de l’évasion ».
Devant les journalistes, en amont de la réunion hebdomadaire de son parti Yesh Atid à la Knesset, Lapid a reproché à Netanyahu d’avoir envoyé ses partisans rencontrer des représentants haredim à la Knesset pour « les supplier de lui accorder encore 10 jours, afin qu’il puisse mettre sur pied un projet de loi sur l’évasion qui leur permettrait à tous de ne pas être mobilisés par Tsahal en temps de guerre ».

« Un Premier ministre doté d’une once de responsabilité aurait dû expliquer aux Haredim [que] tout a changé le 7 octobre. Nous sommes en guerre, nous n’avons pas assez de soldats, votre privilège d’exemption [du service militaire] a expiré », a-t-il ajouté.
Affirmant que l’enrôlement au sein de Tsahal « ne nuit pas au monde de la Torah et n’entre pas en contradiction avec le judaïsme”, Lapid s’est directement adressé aux rabbins Alter et Lando, ainsi qu’à l’ancien grand rabbin séfarade Yitzhak Yosef.
« On vous trompe, sachez-le. Netanyahu sait qu’il n’y aura pas de loi sur l’évasion. Il cherche simplement à gagner du temps d’une manière ou d’une autre pour passer à travers l’échéance de la session [législative de la Knesset] d’été », a poursuivi Lapid.
« Tout ce qui l’intéresse, c’est d’être toujours au pouvoir durant son contre-interrogatoire, afin de pouvoir continuer à recevoir des ‘notes importantes’ pendant qu’il témoigne. Il vous vend un conte de fées et des promesses vides [et] ne pourra pas adopter la loi que vous souhaitez voir promulguée. »
Netanyahu est actuellement visé par un procès pour corruption.
Interrogé mardi par le Times of Israel sur l’éventualité d’une action de Yahadout HaTorah pour faire chuter le gouvernement, le député Pindrus a répondu : « Nous verrons après la réunion » avec Edelstein.
En juin dernier, la Haute Cour de justice avait rendu une décision selon laquelle les exemptions de service militaires accordées de longue date aux étudiants de yeshiva n’avaient aucune base légale, conduisant Tsahal à prendre des mesures permettant l’enrôlement de dizaines de milliers d’hommes auparavant exemptés. Peu d’entre eux ont toutefois rejoint l’armée. Depuis, les partis ultra-orthodoxes ont fait pression pour l’adoption d’une loi qui rétablirait leur statut particulier et empêcherait la conscription massive des Haredim.
Quelque 80 000 hommes haredi âgés de 18 à 24 ans sont actuellement éligibles au service militaire, mais ne se sont pas enrôlés. L’armée a déclaré se trouver face à une pénurie de main-d’œuvre et avoir actuellement besoin de quelque 12 000 nouveaux soldats, dont 7 000 sur les théâtres des combats.