Extrême droite française : Jean-Marie Le Pen jugé par les siens
Le fondateur et président d'honneur du Front national est convoqué au siège du parti où d'éventuelles sanctions seront décidées
Le sort de Jean-Marie Le Pen, figure historique de l’extrême droite française, se joue lundi avec une possible exclusion du parti Front national dirigé par sa fille Marine, avec laquelle la rupture semble définitive après de nouvelles provocations sur la Shoah ou « le monde blanc ».
Quarante-trois ans après avoir cofondé le FN, le vieux tribun, 86 ans, est convoqué au siège du parti à Nanterre, près de Paris, où les plus hautes instances doivent décider d’éventuelles sanctions à son encontre.
Jean-Marie Le Pen avait suscité le 2 avril une levée de boucliers en réitérant des propos sur les chambres à gaz « détails de l’histoire », qui lui ont déjà valu d’être condamné en justice. Une nouvelle procédure a été ouverte pour contestation de crime contre l’humanité.
Quelques jours plus tard, le patriarche enfonçait le clou en critiquant la démocratie et en insistant sur la nécessité de « sauver l’Europe boréale et le monde blanc ».
Autant de déclarations qui compromettent la tentative de stratégie de « dédiabolisation » du FN menée par Marine Le Pen, qui maintient une ligne nationaliste et anti-immigrés.
Depuis, le FN, profitant aussi d’une abstention grandissante, engrange les succès électoraux: arrivé en première place aux élections européennes de 2014, il a obtenu 62 élus lors de scrutins départementaux en mars, contre un seul sortant.
Mais le nouveau visage du parti n’a pas l’heur de plaire au patriarche qui, vendredi encore, a contesté l’autorité de sa cadette, en s’imposant à Paris sur une estrade où elle devait prendre la parole. Levant les bras en signe de victoire, l’eurodéputé s’est fait acclamer par les militants du parti, réunis pour leur défilé annuel, avant de s’en aller sans écouter le discours de sa fille.
« Jean-Marie Le Pen ne doit plus pouvoir s’exprimer au nom du Front national, ses propos sont contraires à la ligne fixée », a déclaré dimanche Marine Le Pen en qualifiant d' »inadmissibles » ses derniers actes.
Pour elle, son père « ne supporte pas l’idée que le Front national puisse avancer et enregistrer de bons résultats sans lui, avec une stratégie qui n’est pas la sienne et à laquelle il n’a jamais cru ».
‘Un vieux chanteur qui a du mal à partir’
Concrètement, Jean-Marie Le Pen pourrait perdre son statut de « président d’honneur » du FN. Un blâme, un avertissement ou une exclusion sont également envisageables.
« Tout est possible », déclarait dimanche, Florian Philippot, influent numéro deux du parti, pour qui Jean-Marie Le Pen ressemble à un « vieux chanteur qui a du mal à partir ».
Une exclusion comporterait toutefois des risques sérieux. « Ça ouvrirait les portes de l’enfer », prévient un membre du parti. « Il peut être tout aussi venimeux une fois exclu », remarque un autre.
Pour plusieurs cadres du parti, tout dépendra de la manière, conciliante ou provocante, dont le « menhir » (surnom lié à ses origines bretonnes) se présentera devant ses « juges ».
Lundi matin, un de ses proches a estimé que Jean-Marie Le Pen pourrait se montrer conciliant. « Je pense qu’il est tout à fait prêt – je suppose – à donner acte que ce qu’il dit n’engage pas nécessairement le FN », a déclaré l’eurodéputé Bruno Gollnisch.
S’il reste populaire auprès des militants historiques du FN, Jean-Marie Le Pen ne peut plus compter sur un large soutien en interne. Dans un sondage publié mi-avril, 67 % des sympathisants du FN se disaient favorables à son départ du parti et 74 % d’entre eux jugeaient sa présence médiatique comme un handicap pour le parti.