Festival de Sundance 2020 : ces films que les Juifs vont adorer
Alors que le festival annuel touche à sa fin, un aperçu de ce rassemblement en marge d'Hollywood révèle que des films formidables - et très juifs - seront en salles cette année
PARK CITY, Utah — D’abord, le cadre : une petite station de ski au sommet d’une montagne de l’Utah. Elle n’est pas très grande, il n’y a pas beaucoup de structures publiques et les trottoirs y sont gelés en permanence. Oui : Park City est assurément le meilleur endroit pour organiser un festival du film reconnu à l’international.
Et si je me plains, c’est précisément parce que j’adore. Cette année, il s’agissait de la onzième fois d’affilée que je me rendais au festival du film de Sundance. Et si la cuvée de cette édition n’était pas exceptionnelle, je l’affirme, c’est toujours merveilleux d’y assister. (Mais s’il vous plaît, ne venez pas, il y a déjà assez de monde).
Cent dix-huit long-métrages ont été projetés cette année (c’était la première fois qu’ils étaient présentés au public pour la plupart), représentant 27 pays. Quarante-quatre d’entre eux étaient des premiers films. Plutôt que de tout vous raconter, je vais faire le choix de me limiter à une règle de trois (qui avait fonctionné pour Abraham, Isaac, et Jacob, et qui sera très utile ici) et je vais vous parler de trois œuvres de fiction vraiment formidables, avec un indiscutable penchant juif.
« Worth »
Difficile de dire que « Worth » sera une expérience de cinéma légère et riante – c’est une histoire très forte et très délicate traitant d’un sujet difficile. C’est un film qui est aussi extrêmement juif et pas seulement parce que les deux personnages principaux de l’œuvre sont des membres de la Tribu. La prétention centrale du long-métrage – s’interroger sur la possibilité d’un être humain à définir la valeur pécuniaire d’une vie – est ancrée dans les récits du roi Salomon et elle mène à un grand débat philosophique. Elle est juive dans son essence même.
Michael Keaton y incarne Ken Feinberg, avocat et professeur qui, en tant que « Special Master », a supervisé le fonds versé aux victimes des attentats du 11 septembre. Feinberg, ressentant la nécessité de « faire quelque chose », offre son expérience juridique très spécifique à l’administration Bush, terrifiée à juste titre par la possibilité que les attaques n’entraînent des plaintes contre les compagnies aériennes, handicapant l’économie. Feinberg (un « avocat juif », selon un plaignant furieux, quoique en deuil) a conscience du fait qu’il ne parviendra à atteindre ses objectifs qu’en se montrant impartial, mais c’est alors que Charles Wolf, un veuf interprété par Stanley Tucci vient le défier – et que tous deux établissent un mode de compréhension plus humain.
Dans son second rôle, Stanley Tucci débarque comme s’il sortait des pages d’une histoire d’Isaac Bashevis Singer. C’est un homme digne, pudique, qui ne recherche que la justice. Il n’élève pas la voix, mais il ne dissimule pas son insatisfaction. Il est l’incarnation de l’homme vertueux.
Les scènes entre Keaton et Tucci, avec les dialogues remarquablement écrits par Max Borenstein, sont éternelles par nature. Des propos sournois sur les ordres tombés du Sinaï donnent à l’ensemble une saveur juive supplémentaire.
Le projet précédent de la réalisatrice Sara Colangelo était la fabuleuse adaptation du film israélien « l’Institutrice », avec Maggie Gyllenhaal.
« Kajillionaire »
Et puis il y a « Kajillionaire », écrit par la réalisatrice Miranda July (née Miranda Grossinger) – un film qui appartient à une autre galaxie que celle de « Worth ».
Une famille, constituée de deux actrices juives américaines (Debra Winger et Evan Rachel Wood), plus Richard Jenkins, forme une communauté d’escrocs vivant dans un Los Angeles surréaliste.
Quand nous les rencontrons pour la première fois, les deux parents savent déjà très bien comment envoyer leur excentrique fille dans un bureau de poste au moment où les caméras ne peuvent pas la filmer – dans l’espoir qu’elle puisse se saisir d’un colis alors même que tous les regards sont détournés.
S’il contient quelque chose d’intéressant, alors ils trouveront un magasin auquel le vendre pour obtenir quelques dollars. Dans l’intervalle, ils participeront avec assiduité à des concours publicitaires et rendront des objets volés contre une récompense.
Ils vivent sans payer de loyer dans un bureau condamné situé aux abords d’une usine de caoutchouc, ce qui implique des scènes où apparaissent des bulles roses et visqueuses à travers les murs.
C’est absurde et étrange, mais l’histoire sous-jacente donne un aperçu touchant d’une famille dysfonctionnelle – si vous parvenez à franchir cette première couche épaisse d’étrangetés (de nombreuses personnes en sont incapables. Miranda July est un peu la coriandre des réalisatrices : Elle n’est pas au goût de tout le monde).
J’ai personnellement trouvé le film fantastique et j’ai été particulièrement impressionné par Evan Rachel Wood, une belle jeune femme, qui arbore de larges pantalons de survêtement, les cheveux pendant comme ceux de Cousin machin dans la Famille Adams, très mal dans sa peau. C’est tout d’abord amusant lorsqu’elle sursaute au moment où une masseuse passe légèrement la main sur son épaule, mais cela devient de plus en plus triste.
« Possessor »
Être assis dans une salle de cinéma sans comprendre véritablement pourquoi vous ressentez ce que vous êtes en train de ressentir, c’est une affaire de famille chez les Cronenberg. Brandon Cronenberg est le fils du Juif le plus merveilleusement étrange du Canada, David Cronenberg, et il a (sagement) décidé de ne pas éviter les accusations de suivre les traces de son père.
« Possessor, » son deuxième long-métrage après le film similairement bizarre/grossier/drôle « Antiviral », qui avait été réalisé en 2012, respecte à peine les principes de la science-fiction. Une sombre compagnie de mercenaires inclut une brigade de tueurs d’élite qui peut, par le biais d’une technologie jamais expliquée, envoyer la conscience d’un assassin dans quelqu’un d’autre et charger ce quelqu’un de tuer une nouvelle cible.
Et ainsi, nous assistons à la capture de Christopher Abbott, le petit ami stupide de Tuppence Middleton dont le père est un directeur-général puissant interprété par Sean Bean. Andrea Riseborough (l’actrice que vous choisissez quand vous voulez aller encore plus loin dans la bizarrerie que Tilda Swinton) pénètre dans la conscience d’Abbott pour définir la cible. La suite est une orgie d’éclairages maussades, d’angles de caméra étranges, d’étalage de violence absurde et de sexe étonnamment ouvert. C’est formidable.
Comme dans les premiers films de son père (« Chromosome 3 », « Scanners », « Videodrome »), le long-métrage est intelligent en apparence (et peut-être l’est-il !), mais reste majoritairement un simple film de série B. Et on en a besoin. C’est très important de pouvoir se défouler avec quelque chose de « nuisible pour vous » – mais d’une manière qui reste créative.
Cela fait longtemps que j’ai la certitude que si vous n’avez pas de problème particulier en termes d’addiction, tous les adultes devraient connaître une ivresse sévère au moins une fois par an sous forme de soupape de relâchement (il suffit de voir Pourim) et, si possible, que cette ivresse soit provoquée par des libations de qualité – pas à la Kronenbourg. Un film comme « Possessor » permet d’atteindre un objectif similaire, par grand écran.
À noter également
Il y a eu quelques autres succès juifs à Sundance, cette année. « Palm Springs », une comédie stupide avec Andy Samberg, a battu le record de la somme investie par un distributeur dans un film indépendant au cours du festival. NEON et Hulu se sont ainsi accordés sur un chèque à hauteur de 17 500 000,69 dollars. Cette addition devrait entrer dans les livres d’histoire, mais elle correspond également à une blague immature.
L’une des meilleures interprétations que j’ai pu voir lors du festival a été celle de Michael Stuhlbarg dans le rôle de Stanley Hyman, critique et professeur, qui donne la réplique à Elizabeth Moss, dans le rôle de Shirley Jackson, dans le film « Shirley ». Réalisé par Josephine Decker, c’est un biopic inhabituel et désorientant dans lequel les époux se chamaillent et se tourmentent jusqu’à la naissance, enfin, d’une œuvre d’art brillante.
Tous ces films sortiront dans l’année, et valent assurément la peine d’être vus.
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