« Fioretta », road trip d’un père et son fils, en Europe, à travers 500 ans d’histoire juive
Présenté en avant-première dimanche à Tel Aviv, le documentaire de Matthew Mishory suit les descendants d'Arnold Schoenberg à la découverte de racines depuis longtemps enfouies à Vienne, Prague et Venise
« Fioretta », le savoureux documentaire généalogique juif du cinéaste israélo-américain Matthew Mishory, est indéniablement une œuvre pleine d’amour, filmée par une équipe juive profondément engagée dans sa culture et son histoire, désireuse de partager avec le public l’histoire de cette quête.
Le film, présenté en avant-première israélienne ce dimanche à Tel Aviv, suit Randy et Joe Schoenberg, le père et son fils, originaires de Los Angeles, sur les traces de l’histoire de leur famille en Europe il y a de cela 500 ans.
La première mondiale du film a eu lieu le 30 septembre dernière à Woodstock, New York, avant sa projection au Festival du film de Zurich le 5 octobre dernier. Après Israël, « Fioretta » sera projeté le 19 octobre au Newport Beach Film Festival en Californie, suivi d’une sortie limitée en salles dans la région de Los Angeles.
Tourné principalement à Vienne, Prague et Venise, « Fioretta » est un hommage gracieux à une société juive européenne en grande partie disparue, qui fait la part belle à des synagogues magnifiquement restaurées, des cimetières anciens à l’histoire chaotique et des archives modernes et bien organisées. Au cours de leur périple, les Schoenberg rencontrent des cousins très intéressants, des universitaires et des artistes, entre autres personnages qui les aident en chemin.
Randy Shoenberg est le petit-fils du célèbre compositeur Arnold Shoenberg, pilier de la musique classique du 20e siècle. C’est un philanthrope et avocat très connu, spécialisé dans la restitution des œuvres d’art pillées par les nazis. Le procès qu’il a remporté en 2004 contre le gouvernement autrichien concernant la restitution de cinq peintures de Gustav Klimpt à leur propriétaire d’origine, Maria Altmann, a été porté sur les écrans dans le film de 2015 « Woman in Gold ».
Son enthousiasme pour la généalogie, l’histoire et particulièrement celle de sa famille imprègne le film « Fioretta », et son fils Joey, âgé de 18 ans, aspirant chef sardonique avec les ongles vernis d’un noir de jais, est un parfait faire-valoir, dégageant une formidable énergie faite de « Woauh, papa, vraiment ? » et qui se coule progressivement dans cette aventure.
Dans ce film dédié à la généalogie et à la judéité, c’est Joey, celui qui semble le plus éloigné de toutes ces questions, qui utilise ses connaissances en hébreu pour retrouver une pierre tombale ancienne dans une scène importante.
« Fioretta » est une sorte de road trip des Schoenberg à travers l’Europe, à la croisée d’une réalité on ne peut plus moderne et d’un passé toujours plus palpable.
Le récit père-fils, au coeur du film, est renforcé par les rencontres avec les « fous » qui les aident dans leur périple, explique au Times of Israel Randy Shoenberg.
« Les gens que nous avons rencontrés et la communauté que nous avons créée » sont l’un des principaux points forts, estime Shoenberg. Bon nombre de ces personnes rencontrées en chemin « ne sont pas juives, mais elles attachent du prix à prendre soin des cimetières, de l’histoire juive et préserver cette histoire. Il n’y a plus vraiment beaucoup de Juifs en Europe, et certainement pas assez pour s’occuper de toute cette histoire ».
Né en Autriche en 1874, Shoenberg le compositeur est parti s’installer aux États-Unis dans les années 1930 suite aux persécutions des nazis. Il n’est délibérément pas au coeur de « Fioretta » même si c’est sa lignée maternelle qui fait l’objet des recherches de ce film.
« C’est une figure tellement importante, pour tout dire essentielle », estime le réalisateur Mischory, ajoutant qu’ils n’ont pas souhaité que sa gravité imprègne le documentaire.
« Beaucoup de gens passent leur vie à étudier mon grand-père », ajoute Randy Shoenberg. Il s’est, lui, plutôt dit : « Qui d’autre pourrait être intéressant ? »
L’exploration des archives le conduit à des découvertes inattendues, comme l’information sur ladite Fioretta, Vénitienne du 16e siècle dont le mari, le rabbin Eliyahu Menachem Halfon, s’est exprimé publiquement sur le fameux divorce du roi Henri VIII.
Halfon est également l’auteur d’un long commentaire de la Torah consultable à la Bodleian Library d’Oxford. Avec Eli Brackman, rabbin Habad travaillant à Oxford, Shoenberg a récemment pu en numériser les pages manuscrites, que Brackman traduit et partage aujourd’hui sous forme numérique dans l’étude hebdomadaire de la Torah.
« 500 ans plus tard, ce rabbin Halfon se voit offrir une deuxième vie. Dans le film, et avec ces gens qui s’intéressent soudain à nouveau à ce qu’il a fait », explique Shoenberg.
Se disant obsédé par la généalogie, Shoenberg administre un groupe Facebook spécialisé dans la généalogique juive. « J’ai une chance folle » de découvrir autant de pans de mon histoire juive, confie-t-il, l’attribuant en partie au fait que ce côté de sa famille est venu en Amérique avant la Shoah.
L’ombre de la Shoah plane parfois sur le film – comme ce passage obligé dans le camp de concentration où une autre branche de la famille a fini sa vie – mais « Fioretta », en dépit des synagogues vides et des tombes parfois négligées, met l’accent sur ce passé juif retrouvé, un passé juif vibrant au coeur de l’Europe, aux mains de ceux qui œuvrent à le préserver.
Malgré le très grand nombre de personnes impliquées, le film est « l’histoire de Randy et Joey », rappelle Mishiry. « Faire en sorte que ce film ne soit pas vampirisé par un personnage historique était de la plus haute importance. »
Les paysages jouent également un rôle important, car Mishory utilise des prises de vue aériennes, des panoramiques lents et des zooms volontiers méditatifs pour révéler en douceur les lieux découverts par les Shoenberg. Dans une scène, on voit les Shoenberg découvrir le siège de l’un de leurs ancêtres dans une synagogue.
Documentariste plusieurs fois récompensé et cinéaste originaire de Los Angeles, Mishory a déjà travaillé sur des thèmes similaires dans ses œuvres précédentes. Son film de 2015 « Absent », qui fait partie de la collection Yad Vashem, invite à une visite du village moldave dont ses propres grands-parents étaient originaires avant de partir s’installer en Israël.
Son film de 2018 « No Place of Exile » évoque la vie du compositeur / pianiste juif autrichien Artur Schnabel, contemporain d’Arnold Schoenberg qui a également immigré en Amérique suite à la prise de pouvoir des nazis.
Mishory a aujourdhui en projet une version documentaire de « Israel: A Concise History of a Nation Reborn » de Daniel Gordis, qui sera tournée en Israël l’année prochaine. Il doit également revenir en décembre pour filmer une séquence de son projet « Mosolov’s Suitcase », un film en trois parties sur le compositeur d’avant-garde ukraino-soviétique Alexander Mosolov.
La Première israélienne de « Fioretta » a eu lieu le dimanche 8 octobre au musée ANU de Tel Aviv.
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