France: le Conseil d’Etat s’oppose à l’interdiction systématique des manifestations pro-Hamas
La plus haute instance juridique indique qu'il revient aux seuls préfets d'apprécier "au cas par cas" s'il y a un risque de troubles à l'ordre public

Le Conseil d’Etat français a rappelé mercredi au gouvernement que les manifestations pro-Hamas ne pouvaient être interdites systématiquement et qu’il revenait aux seuls préfets d’apprécier « au cas par cas » s’il y avait un risque de troubles à l’ordre public.
Dans un télégramme adressé aux préfets le 12 octobre par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, cinq jours après l’attaque sanglante perpétrée en Israël par le Hamas, consigne a été donnée d’interdire les « manifestations pro-palestiniennes, parce qu’elles sont susceptibles de générer des troubles à l’ordre public ».
« Il appartient aux seuls préfets d’apprécier s’il y a lieu d’interdire une manifestation localement en fonction des risques de troubles à l’ordre public. Aucune interdiction ne peut être fondée uniquement sur ce télégramme ou sur le seul fait que la manifestation vise à soutenir la population palestinienne », a indiqué le Conseil d’Etat dans un communiqué.
« Si le juge regrette la rédaction approximative de ce télégramme, il note que les représentants de l’État à l’audience, mais aussi les déclarations publiques du ministre, ont précisé son intention : rappeler aux préfets qu’il leur appartient, dans l’exercice de leurs compétences, d’interdire les manifestations de soutien à la cause palestinienne justifiant publiquement ou valorisant, de façon directe ou indirecte, des actes terroristes comme ceux qui ont été commis en Israël le 7 octobre 2023 par des membres de l’organisation Hamas », a précisé la plus haute juridiction administrative française.
Pour ces raisons, « le juge des référés du Conseil d’État estime que le télégramme adressé aux préfets ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifestation et à la liberté d’expression et rejette la demande de l’association Comité Action Palestine », conclut le communiqué.
Pour Vincent Brengarth, l’un des deux avocats du Comité action Palestine, « c’est un complet désaveu pour le ministère de l’Intérieur dont la regrettable maladresse rédactionnelle est pointée. Aucune interdiction systématique n’est possible sur la base de ce télégramme. Le ministère se fait rappeler clairement le droit par le Conseil d’Etat ».

Sollicité par l’AFP, le ministère de l’Intérieur n’a pas souhaité réagir.
Cette décision intervient à la veille d’un nouvel appel à un rassemblement à Paris lancé par la CAPJPO-Europalestine, une association militant pour la reconnaissance des droits du peuple palestinien.
Responsable du programme « Libertés » chez Amnesty International France, Fanny Gallois avait dénoncé, avant la décision du Conseil d’Etat, une « entrave à la liberté d’expression » de ceux qui « souhaitent actuellement exprimer pacifiquement leur soutien au peuple palestinien ».
« Les appels à la haine et les propos discriminatoires ne sont évidemment pas protégés par cette liberté d’expression », a-t-elle souligné, mais présumer que les manifestants tiendraient nécessairement de tels discours participe d’un amalgame dangereux ».