France-Turquie: Les propos de M. Erdogan sont « inacceptables » – Josep Borrell
Sur Radio J, le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes a appelé à cesser d'être "naïfs" à l'égard de la Turquie comme "on l'a été en Europe ces 15 dernières années".
Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a dénoncé dimanche les propos « inacceptables » du président turc à l’égard de son homologue français, et appelé Ankara à « cesser cette spirale dangereuse de confrontation ».
« Les propos du président Recep Tayyip Erdogan à l’égard du président Emmanuel Macron sont inacceptables. Appel à la Turquie à cesser cette spirale dangereuse de confrontation », a-t-il tweeté.
M. Erdogan a mis en cause samedi la « santé mentale » de M. Macron en raison de son attitude envers les musulmans. En réaction, la France a rappelé à Paris son ambassadeur en Turquie « pour consultation ».
M. Borell est également revenu sur le Conseil européen début octobre à Bruxelles lors duquel les dirigeants de l’UE ont tenté d’apaiser les tensions avec le président Erdogan.
Ils se sont engagés à améliorer certaines coopérations et à relancer l’union douanière si la Turquie cesse ses forages illégaux dans les eaux de Chypre. Mais « si Ankara poursuit ses actions illégales, nous utiliserons tous les instruments à notre disposition », avait averti la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
« Les conclusions du Conseil européen contiennent une offre réelle pour relancer notre relation », a estimé M. Borell. « Mais il faut une volonté politique des autorités turques sur cet agenda positif. Dans le cas contraire, la Turquie sera encore plus isolée », a-t-il averti.
« Volonté de déstabilisation »
Le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes a dénoncé dimanche « une volonté de déstabilisation » de la part du président turc Recep Tayyip Erdogan, qui « se présente en protecteur des musulmans de façon complètement instrumentalisée ».
Interrogé dans l’émission radio Forum Radio J, Clément Beaune a appelé à cesser d’être « naïfs » à l’égard de la Turquie comme « on l’a été en Europe ces 15 dernières années ».
Selon lui, « ce n’est pas un hasard s’il n’y a pas eu de condamnation officielle » d’Ankara après l’attentat « immonde » contre un professeur de collège près de Paris, le 16 octobre, pris pour cible pour avoir montré des caricatures de Mahomet.
M. Erdogan cherche, a estimé M. Beaune, à « instrumentaliser un évènement dramatique pour dire: ‘la France se bat contre les Musulman’+, pour confondre Islam et islamisme ».
En Europe, « on a cru que l’AKP (le parti, ndlr) de M. Erdogan c’était une forme d’islamisme politique modéré. L’islamisme politique à visage humain, ça n’existe pas », a ajouté M. Beaune.
Face à des « insultes » proférées par le président turc à l’adresse d’Emmanuel Macron, M. Beaune a souligné qu’il fallait réagir « avec fermeté », comme cela a été fait avec le rappel « pour consultation » de l’ambassadeur de France en Turquie, « un geste rare » dont il faut « mesurer la solennité et la gravité ».
« Nous sommes une démocratie, un Etat de droit, nous ne réagirons pas par l’insulte et la calomnie mais par la fermeté la plus grande », a ajouté le secrétaire d’Etat, et ancien conseiller du président Macron aux questions européennes.
Pour M. Beaune, les déclarations « agressives » de M. Erdogan ne sont pas surprenantes outre mesure.
« La Turquie mène une stratégie politique, offensive, agressive, provocatrice tous azimuts », a poursuivi M. Beaune, en citant les tensions avec la Grèce en Méditerranée orientale, « son soutien » à l’Azerbaïdjan dans le conflit du Nagorny Karabakh, « son influence » en Bosnie, sa stratégie en Syrie et en Libye.
Il a dénoncé « une influence turque délétère » que l’on « voit aussi dans nos sociétés, par des associations, des réseaux sociaux ».
Selon lui, M. Erdogan cherche à « entretenir une ambiguité destructrice, en confondant la lutte contre l’islamisme que nous menons sans relâche et une lutte supposée qui n’existe pas contre l’Islam et les musulmans ».
En réaction aux appels au boycott de produits français dans certains pays arabes (Qatar, Koweït, Jordanie) et aux photos de M. Macron brûlées samedi à Gaza, M. Beaune a souligné qu’il faut voir si cela vient de « gouvernements organisés ou si ce sont des appels associatifs ciblés ».
« Cela ne doit que conforter notre détermination à continuer, nous ne renoncerons pas » à publier les caricatures de Mahomet et à défendre la liberté d’expression, a-t-il dit. « C’est notre modèle, c’est un combat culturel » face à des « projets d’intimidation contre l’émancipation, contre les Lumières ».