Frédéric Encel, si le Front National siégeait à l’Élysée…
En cas de victoire de Marine Le Pen, se rapprocherait-elle de son alliée russe ? Quelles conséquences attendre de cette orientation sur les relations franco-israéliennes ? Éclairage du géopolitologue Fréderic Encel
Le géopoliticien Fréderic Encel explique les conséquences probables d’une victoire de Marine Le Pen à l’élection présidentielle sur les relations franco-israéliennes.
Quelles pourraient être les conséquences d’une victoire de Marine Le Pen sur les relations franco-israéliennes ?
Sans aucune doute un vrai refroidissement. D’une part car le gouvernement israélien – tout comme l’opinion du reste – est défavorable à l’extrême-droite, même si contrairement à son père Marine Le Pen ne tient pas de propos antisémites ou négationnistes – d’autre part, parce que le FN est violemment anti-américain et, concernant le Proche-Orient, favorable à Assad.
Refus de la double-nationalité, port de la kippa en public et casheroute remise en question, si ces promesses du FN étaient appliquées, cette tension exercée sur la communauté juive française pourrait-elle interférer dans les relations franco-israéliennes ?
La France est un Etat souverain et Israël ne disposerait pas de leviers importants pour tenter d’infléchir des initiatives de ce type, surtout que les restrictions en matière religieuse ou traditionnelle ne concernerait pas que le judaïsme.
En outre, la vocation de l’Etat juif étant de rassembler tous les membres du peuple juif en son sein, je pense que le gouvernement israélien chercherait plutôt à convaincre des citoyens français juifs d’immigrer en Israël.
Les relations diplomatiques, elles, se réchauffent ou se tendent davantage sur des questions géopolitiques ou commerciales.
A quelle politique arabe peut-on s’attendre de la part du FN ?
Autrefois, le FN était viscéralement pro-arabe, au sens où la quasi-totalité des dirigeants arabes étaient des dictateurs de type nationaliste, et généralement opposés aux Etats-Unis. L’antisémitisme et l’anti-sionisme viscéral des dirigeants de l’extrême-droite française ajoutaient à ce prisme.
Or, quid du monde arabe aujourd’hui ? Existe-t-il encore d’un point de vue géopolitique ? On peut en douter et, en outre, d’anciens despotes sanguinaires tel Saddam Hussein – très proche de Jean-Marie Le Pen – sont passés de vie à trépas.
Quant à l’Algérie, il serait tout à fait stupéfiant que le FN puisse s’y faire des amis en haut lieu !… En vérité, au Moyen-Orient comme ailleurs, le programme du FN en termes de défense et d’Affaires étrangères est au mieux non crédible, au pire aberrant.
Quelles conséquences du tropisme pro-russe de Marine Le Pen, et du militantisme pro-Assad d’un Chatillon ? Est-il envisageable, Marine Le Pen au pouvoir, que la France en vienne à s’aligner sur l’axe Russie-Iran-Syrie ?
Je ne le pense pas car les tendances stratégiques, diplomatiques et économiques lourdes prévalent en général sur l’idéologie.
Par ailleurs, tous les caciques du FN ne sont pas aussi fascisants ni obnubilés par un bourreau comme Assad. Cela dit, un président FN à l’Elysée, cela signifierait sans doute la sortie de l’OTAN, la glaciation avec nos amis et alliés anglo-saxons, et, oui, un rapprochement avec Moscou et Téhéran.
Or, il faut insister : même si un dialogue constant doit se maintenir avec la Russie – car il s’agit d’une grande puissance – nos intérêts nationaux fondamentaux demeurent à l’Ouest.
Docteur en Géopolitique, maître de conférences à Sciences-Po Paris et professeur à la Paris School of Business, grand Prix de la Société de Géographie. Il vient de publier avec Yves Lacoste Géopolitique de la nation France (PUF, 2016), et organisera les Rencontres géopolitiques annuelles de Trouville les 27-28 mai 2017 : les Occidentaux et le Moyen-Orient (Hôtel de Ville – Entrée libre).