Israël en guerre - Jour 528

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Gallant: Ne pas avoir attaqué le Hezbollah en 2023 est « la plus grande opportunité manquée » d’Israël

Le ministre de la Défense limogé a accusé Netanyahu d'avoir été trop hésitant face à l'usage de la force à Gaza et au Liban, affirmant aussi qu'Israël aurait pu "rapatrier plus d'otages, plus tôt et à un coût moindre"

Le ministre de la Défense Yoav Gallant, au centre, parle avec le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir à la Knesset, le 15 février 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Le ministre de la Défense Yoav Gallant, au centre, parle avec le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir à la Knesset, le 15 février 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Dans une interview diffusée jeudi, l’ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, a accusé le Premier ministre Benjamin Netanyahu d’avoir fait preuve de trop d’hésitation face au recours à la force militaire contre le Hamas et contre le Hezbollah. Il lui a aussi reproché d’avoir compromis un accord viable de cessez-le-feu au mois de mai, et de ne pas avoir présenté de plan politique susceptible de tirer profit des succès militaires remportés sur le terrain, dans la bande de Gaza.

Dans cet entretien – le premier à être accordé par Gallant à une chaîne de télévision israélienne depuis son limogeage par Netanyahu, au mois de novembre – le général qui est aussi député israélien a aussi évoqué les échecs du gouvernement et de l’armée à prévenir et à riposter au pogrom commis par le Hamas, le 7 octobre 2023. Cette attaque sanglante avait été à l’origine de la guerre actuelle.

Gallant a appelé de ses vœux l’établissement d’une commission d’enquête sur ce qui s’était passé, déclarant qu’il apporterait une coopération totale dans le cadre de telles investigations et qu’il accepterait les conclusions tirées s’agissant de ses propres responsabilités et de ses propres manquements.

L’un des premiers sujets abordés dans l’interview accordée à la chaîne d’information N12 a été celui des pressions exercées par Gallant concernant le lancement d’une offensive majeure contre le groupe terroriste du Hezbollah au Liban, le 11 octobre 2023, quatre jours après l’invasion meurtrière du Hamas sur le sol israélien.

L’ancien ministre de la Défense a estimé que le refus du gouvernement d’amorcer une telle campagne contre le Hezbollah – ce que lui-même prônait donc avec force – avait été « la plus grande opportunité manquée par l’État d’Israël depuis sa création, sur le plan sécuritaire ».

« Nous savions que les hauts-responsables du Hezbollah allaient se réunir. Nous aurions pu lancer des frappes aériennes et tuer les chefs du Hezbollah, les chefs iraniens, [le chef du Hezbollah Hassan] Nasrallah, et tous les autres. Tout le sommet de la hiérarchie du Hezbollah », a-t-il regretté.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à gauche, rencontrant le ministre de la Défense Yoav Gallant, au centre, et les chefs militaires au quartier général de Tsahal, à Tel Aviv pour une évaluation de la sécurité, le 8 octobre 2023. (Crédit : GPO)

« Immédiatement après cela, nous aurions pu avoir mené un plan d’attaque contre tous les systèmes de missiles et de roquettes – de la même manière que nous l’avons fait presque un an après, au mois de septembre – et nous n’aurions pas touché seulement 70% ou 80% d’entre eux mais 90% ou plus, parce qu’une importante quantité de ces armements étaient concentrés dans des entrepôts », a-t-il affirmé.

Le Hezbollah aurait cessé d’exister

De plus, l’ancien ministre a déclaré que l’opération « bipeurs » – une opération qui avait été marquée par l’explosion de milliers de bipeurs appartenant à des membres du Hezbollah, ce qui avait marqué le début de l’offensive israélienne qui devait prendre pour cible le groupe terroriste, onze mois plus tard – était « déjà prête bien avant la guerre » et elle aurait pu ainsi être effectuée au même moment que les frappes que lui-même réclamait, dès octobre 2023.

« Le Hezbollah en tant qu’organisation militaire aurait cessé d’exister – plus de leadership, plus de missiles, plus de roquettes, la majorité de ses hommes armés tués sur le terrain », a dit Gallant.

L’ex-ministre de la Défense a indiqué que quand il avait présenté son plan à Netanyahu, le Premier ministre avait insisté pour que cette proposition soit débattue avec les États-Unis. Cela avait été à ce moment, a-t-il ajouté, qu’il avait su que l’offensive n’aurait pas lieu.

« Conformément à ce qu’il m’a demandé, j’ai parlé avec Jake Sullivan, le conseiller à la Sécurité nationale des États-Unis », a raconté Gallant. « Au bout de quelques minutes, Ron Dermer [le ministre des Affaires stratégiques] s’est joint à la conversation et on m’a opposé un ‘non’ catégorique », s’est souvenu l’ancien ministre de la Défense.

« Je suis retourné voir le Premier ministre et je lui ai dit : ‘Nous devons le faire’. Il m’a alors montré du doigt tous les bâtiments, de l’autre côté de la fenêtre, et il m’a dit : ‘Vous voyez ces bâtiments ? Ils seront tous détruits par les capacités restantes du Hezbollah. Lorsque nous les aurons frappés, ils détruiront tout ce que vous voyez ici’, » s’est rappelé Gallant.

Un homme tenant un talkie-walkie portant le logo de la société japonaise Icom, après avoir retiré la batterie lors des funérailles des personnes tuées lorsque des bipeurs, distribués aux terroristes du Hezbollah, ont explosé au Liban la veille, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 18 septembre 2024. (Crédit : Anwar Amro/AFP)

Netanyahu a défendu sa décision de refuser la proposition qui lui avait été faite par son ministre de la Défense de l’époque, en confiant jeudi à la Quatorzième chaîne que l’ouverture d’une guerre sur deux fronts alors que le pogrom du 7 octobre venait tout juste d’être commis aurait été « une horrible erreur ».

Le Premier ministre a également affirmé qu’il n’y avait qu’environ 150 bipeurs piégés qui se trouvaient entre les mains du Hezbollah au mois d’octobre 2023, « alors que nous en avons piégé des milliers » au cours des mois suivants.

Une affirmation qui a entraîné une rapide réaction de Gallant qui a alors écrit sur le réseau social X que « l’Opération bipeurs avait été préparée des années avant la guerre et elle était prête à être menée le 11 octobre ».

« Contrairement à ce qui a été dit, des milliers de bipeurs se trouvaient entre les mains des terroristes au moment où j’ai suggéré d’attaquer le Hezbollah », a-t-il noté.

Il a affirmé que si le plan avait été activé dès le mois d’octobre 2023, les dégâts causés par les bipeurs auraient été secondaires par rapport aux dommages causés par les talkies-walkies qui avaient également été remplis d’explosifs.

Si des dizaines d’hommes armés du Hezbollah avaient été tués et que des milliers d’autres avaient été blessés lors de l’attaque, qui avait eu lieu le 16 et le 17 septembre, les explosions des bipeurs avaient fait beaucoup de plus de victimes que celles des talkies-walkies.

Expliquant ce phénomène, Gallant a indiqué qu’au mois de septembre 2024, « la grande majorité des talkies-walkies se trouvaient dans des entrepôts et leur explosion n’a donc causé aucun dégât ». S’adressant à la chaîne d’information N12, l’ancien ministre a expliqué que les appareils avaient été inspectés par le Hezbollah, dont les soupçons s’étaient éveillés.

Des personnes se rassemblent sur les lieux de la mort du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dans la banlieue sud de Beyrouth, au Liban, le 29 septembre 2024. (Crédit : AP Photo/Hassan Ammar)

Au cours de l’entretien, Gallant a également évoqué la frappe qui avait tué Nasrallah. Il s’est rappelé qu’il avait téléphoné à Netanyahu avec le chef d’état-major de Tsahal, Herzi Halevi – le chef de gouvernement était alors en visite aux États-Unis – pour obtenir l’autorisation de lancer le raid. Après avoir donné son feu vert aux deux hauts-responsables, Netanyahu leur avait demandé d’attendre qu’il ait prononcé son discours devant l’Assemblée générale des Nations unies.

 » Quatre-vingt-quatre tonnes de bombes se sont abattues… et Nasrallah a quitté ce monde », a déclaré l’ancien ministre.

L’offensive terrestre à Gaza

Selon Gallant, Netanyahu ne s’était pas seulement montré hésitant face à une attaque contre le Hezbollah, au début de la guerre – il était aussi réticent face à l’idée d’envoyer des troupes à Gaza, faisant de sombres prédictions sur le coût d’une éventuelle campagne terrestre, des prédictions qui devaient par ailleurs s’avérer inexactes.

« Avant l’opération terrestre, le Premier ministre m’a dit qu’il y aurait des milliers de soldats tués à Gaza. Je lui ai répondu qu’il n’y aurait pas des milliers de morts et qu’au-delà de ça, à quoi servait donc l’armée ? Comment était-ce possible de ne pas intervenir après le massacre d’un millier de nos concitoyens, les kidnappings, le meurtre de femmes, d’enfants et de personnes âgées ? »

« Et puis, il y a eu le raisonnement : ‘Ils vont utiliser les otages comme des cibles humaines’, » s’est souvenu l’ancien ministre de la Défense.

Des soldats israéliens déplaçant un char dans une zone de rassemblement près de la frontière avec la bande de Gaza, dans le sud d’Israël, le 15 octobre 2023. (Crédit : Ohad Zwigenberg/AP Photo)

« Je lui ai dit que nous et le Hamas, ces animaux à visage humain, nous n’avions qu’une seule chose en commun : nous voulions tous les deux protéger les otages », a expliqué Gallant, qui a souligné que le Hamas avait alors besoin des otages vivants pour les utiliser comme outil contre Israël.

« Ça a été une lutte », a encore dit Gallant en évoquant les efforts livrés pour faire en sorte que le gouvernement lance une opération terrestre. « Tout ça a pris du temps. Finalement, le chef d’état-major et moi-même avons mis en œuvre cette décision », a-t-il ajouté.

L’accord sur les otages et « le jour d’après » à Gaza

Alors qu’il lui était demandé s’il pensait que le gouvernement avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour rapatrier les personnes qui avaient été enlevées le 7 octobre pour être retenues en otage à Gaza, l’ancien numéro un de l’establishment de la Défense a répondu : « Je ne le pense pas ».

« Nous aurions pu ramener plus d’otages, plus tôt et à un coût moindre. La proposition qui avait été faite au début du mois de juillet – que le Hamas avait acceptée – est identique à l’accord actuel, mais celui-ci est largement moins bon à plusieurs égards », a estimé Gallant.

« Moins d’otages sont encore en vie – et ça me désole de le dire – plus de temps s’est écoulé, et nous payons un prix plus élevé parce qu’il y a au moins 110 meurtriers de plus qui seront libérés dans ce processus », a-t-il déploré.

Le ministre de la Défense Yoav Gallant rencontrant les familles des Israéliens retenus en otage à Gaza par des terroristes palestiniens, le 5 novembre 2023. (Crédit : Ariel Hermoni/Ministère de la Défense)

Alors qu’il lui était demandé qui, selon lui, était à blâmer pour l’échec de l’accord qui avait été présenté au mois de juillet, Gallant a raconté l’histoire suivante qui avait commencé à la fin avril :

« Au sein du cabinet de guerre, nous avions pris la décision à l’unanimité d’avancer vers un accord, au cours duquel nous nous retirerions du couloir de Netzarim, et il y avait alors différentes possibilités pour nous permettre de déterminer combien d’otages seraient libérés en échange de combien de prisonniers. »

« Dans la soirée, il y avait eu une discussion au sein du cabinet, et le ministre des Finances Bezalel Smotrich, qui n’était pas au courant – ou n’était pas censé être au courant – du plan, est entré et il a dit : ‘Il y a un plan qui prévoit le rapatriement de 18 otages en échange du retrait de Netzarim’, et il ajouté qu’il s’y opposerait et qu’il quitterait le gouvernement », a dit Gallant.

« Je ne sais pas [qui le lui avait dit]. Je ne lui avais pas dit. Nous avions fait savoir à l’establishment de la sécurité que nous devions ramener 33 otages, et que le nombre minimum était de 18. Le nombre qui a été communiqué aux médias quelques heures plus tard était de 18. »

La chaîne d’information N12 avait indiqué, à la fin de l’année dernière, que c’était le bureau de Netanyahu qui avait transmis l’information à Smotrich.

« Il avait fallu quelques jours au Hamas pour comprendre ce qui se passait dans les médias israéliens, et ils avaient annoncé qu’ils se retiraient de l’accord – et, en pratique, tout s’est effondré. Et ce n’est qu’à la fin du mois de mai que l’accord est revenu, par le biais du discours du président ».

Alors que les journalistes lui demandaient si Netanyahu avait accepté l’accord – moins avantageux cette fois-ci – en raison des pressions exercées par Trump, Gallant a répondu :

« Netanyahu tient plus compte de Trump qu’il ne tient compte de [Itamar] Ben Gvir », faisant référence au politicien d’extrême droite dont le parti, Otzma Yehudit, a quitté le gouvernement en signe de protestation contre l’accord de cessez-le-feu qui est entré en vigueur le 19 janvier. « Ce n’était pas le cas du président américain Biden. Voilà, vous savez tout ».

Le ministre de la Défense Yoav Gallant, au centre, parle avec le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir à la Knesset, le 15 février 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Appelé à expliquer pourquoi son souvenir de la manière dont Netanyahu avait torpillé les négociations sur les otages ne correspondait pas à celui de l’administration Biden – elle avait accusé en permanence le Hamas d’être le seul obstacle dans ces pourparlers – Gallant a laissé entendre que l’administration américaine avait peut-être été influencée par des considérations de politique intérieure, avec des électeurs qui auraient pu s’offusquer d’un président qui aurait mis Israël en cause plutôt que le Hamas, et ce, à la veille d’une élection présidentielle.

« J’ai entendu les Américains pendant toute la durée de la guerre. Quelque chose a changé vers le mois d’août, lorsque les États-Unis sont entrés dans la saison électorale », a-t-il déclaré.

Mais pourquoi les responsables de l’administration Biden n’ont-ils pas changé de ton une fois l’élection passée ?… À cette question, l’ancien ministre a répondu que « les gens ont tendance à s’engager dans l’héritage qu’ils laisseront derrière eux ».

Gallant a également – et ce n’est pas la première fois – accusé le gouvernement de ne pas avoir su tirer parti des succès militaires remportés à Gaza en refusant de mettre en œuvre un plan visant à remplacer le Hamas en tant qu’autorité dirigeante dans la bande de Gaza.

« Pendant un an, j’ai dit : ‘Construisez une alternative’. Le Premier ministre, même s’il s’en est pris à moi, a accepté cette idée », a confié l’ancien chef de la Défense israélienne. « Mais rien de ce qui est nécessaire n’a été fait à ce jour ».

Gallant s’est fermement opposé à la perspective d’un régime militaire israélien à Gaza « dans le but de réaliser les rêves de personnes totalement déconnectées de la réalité, avec l’établissement d’implantations au cœur de la bande de Gaza ».

« Les résultats seront catastrophiques », a-t-il mis en garde.

Le Likud « s’est égaré »

Parmi les autres sujets abordés dans l’interview, l’avenir de Gallant au sein du Likud – le parti au pouvoir – et les efforts livrés pour faire avancer une loi qui officialiserait l’exemption de service militaire obligatoire dont bénéficient les étudiants ultra-orthodoxes qui fréquentent les yeshivot.

« La question du recrutement des Haredim est un exemple clair de la façon dont le parti du Likud s’est égaré », a-t-il dit, critiquant les députés de la faction du parti qui « pensent qu’ils peuvent contourner [Itamar] Ben Gvir sur sa droite ».

Il a également déploré les attaques lancées par des membres de la Knesset à l’encontre des chefs de Tsahal et des responsables du Shin Bet.

« Le Likud doit continuer à diriger le pays et l’État d’Israël a besoin du Likud, et nous réglerons ces problèmes », a-t-il continué.

Malgré son limogeage par Netanyahu et malgré sa décision ultérieure de démissionner de son poste de député, Gallant a affirmé qu’il resterait, quoi qu’il arrive, membre du Likud. Alors qu’il lui était demandé si son avenir politique était encore acquis au lendemain du pogrom du 7 octobre, au vu des échecs essuyés par l’establishment de la Défense et de l’incapacité de ce dernier de prévenir et de répondre au massacre, Gallant a répondu que « c’est le public qui décidera, de préférence après avoir entendu les membres d’une commission d’enquête d’État dire qui a été responsable et pourquoi ».

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