Israël en guerre - Jour 368

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Analyse

Gaza : Le Hamas empêtré dans un inconfortable tango avec Israël

Le groupe terroriste et Jérusalem ont pris des initiatives pour maintenir le calme mais si la colère populaire devait croître, il pourrait bien y avoir de nouvelles violences

Avi Issacharoff

Avi Issacharoff est notre spécialiste du Moyen Orient. Il remplit le même rôle pour Walla, premier portail d'infos en Israël. Il est régulièrement invité à la radio et à la télévision. Jusqu'en 2012, Avi était journaliste et commentateur des affaires arabes pour Haaretz. Il enseigne l'histoire palestinienne moderne à l'université de Tel Aviv et est le coauteur de la série Fauda. Né à Jérusalem , Avi est diplômé de l'université Ben Gourion et de l'université de Tel Aviv en étude du Moyen Orient. Parlant couramment l'arabe, il était le correspondant de la radio publique et a couvert le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak et l'actualité des pays arabes entre 2003 et 2006. Il a réalisé et monté des courts-métrages documentaires sur le Moyen Orient. En 2002, il remporte le prix du "meilleur journaliste" de la radio israélienne pour sa couverture de la deuxième Intifada. En 2004, il coécrit avec Amos Harel "La septième guerre. Comment nous avons gagné et perdu la guerre avec les Palestiniens". En 2005, le livre remporte un prix de l'Institut d'études stratégiques pour la meilleure recherche sur les questions de sécurité en Israël. En 2008, Issacharoff et Harel ont publié leur deuxième livre, "34 Jours - L'histoire de la Deuxième Guerre du Liban", qui a remporté le même prix

Des étudiants palestiniens montrent leurs compétences militaires à la faculté de droit et de police de Khan Younès, dans la bande de Gaza, le 24 octobre 2019 (Crédit :  AP/Adel Hana)
Des étudiants palestiniens montrent leurs compétences militaires à la faculté de droit et de police de Khan Younès, dans la bande de Gaza, le 24 octobre 2019 (Crédit : AP/Adel Hana)

Les armes utilisées contre Israël, vendredi, et les attaques qui ont visé des cibles du Hamas à Gaza en riposte illustrent, et ce pour la énième fois, le manque de politique claire de Jérusalem vis-à-vis du Hamas et de l’enclave palestinienne gouvernée par le groupe terroriste, ces dernières années.

Mais il faut être deux pour danser le tango et, au cours des récentes semaines, le Hamas a également montré qu’il n’avait défini aucune stratégie claire dans son approche vis-à-vis d’Israël.

Durant le week-end, l’un des responsables de l’organisation, Khalil al-Hayya, a annoncé que les manifestations sur la barrière frontalière avec l’Etat juif reprendront vendredi prochain, après trois semaines de suspension dans le but d’éviter des affrontements non nécessaires avec l’armée israélienne.

Même si le Hamas a mis le holà sur les manifestations, il y en a eu néanmoins une. Elle a été spontanée, sans organisation préalable du Hamas et sans transport sur les lieux du rassemblement et elle s’est achevée par la mort d’un adolescent palestinien de 16 ans, Fahd al-Estelle Mahan Yunis, qui aurait été tué par des tirs israéliens, selon des informations transmises par Gaza.

Des personnes endeuillées transportent la dépouille d’un adolescent israélien, Fahd al-Astal, tué la veille à proximité de la clôture frontalière avec Israël, dans le sud de la bande de Gaza, le 30 novembre 2019 (Crédit : SAID KHATIB / AFP)

Annonçant la reprise des manifestations frontalières, le groupe terroriste – dirigeant de facto de la bande de Gaza – semble tenter de répondre aux critiques publiques croissantes de son approche jugée conciliante à l’égard d’Israël.

Ce qui ne signifie pas nécessairement que les tensions vont augmenter et que le Hamas va se tourner vers davantage d’agressivité – le groupe terroriste pourrait d’ailleurs chercher à prendre le contrôle du mouvement de protestation pour s’assurer qu’il ne dégénérera pas.

L’assassinat ciblé, le 12 novembre, du leader du groupe terroriste du Jihad islamique palestinien Baha Abu al-Ata, commandant puissant de l’aile armée de l’organisation, et les flambées de violence qui ont suivi ont marqué un tournant significatif dans les relations entre Israël et le Hamas.

Suite à cet assassinat ciblé, Israël s’est retenu de viser des cibles appartenant au Hamas tandis que le groupe terroriste au pouvoir de la bande de Gaza a choisi de rester à l’écart des attaques commises par le groupe terroriste palestinien du Jihad islamique contre l’Etat juif.

Le Hamas a été également vivement interpellé par des membres du Jihad islamique pour cette décision. Plusieurs personnes ont ainsi tenté de s’en prendre à Mahmoud a-Zahar, un responsable du Hamas, aux abords de la tente de deuil qui avait été dressée aux abords du domicile d’Abu al-Ata.

Des roquettes sont tirées depuis la bande de Gaza vers Israël, le 13 novembre 2019. (Anas Baba/AFP)

Depuis cet assassinat ciblé, beaucoup d’informations suggèrent qu’Israël et le Hamas chercheraient chacun le retour au calme et qu’ils exploreraient la possibilité d’un accord plus large.

Il y a quelques raisons pour lesquelles le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Naftali Bennett préfèrent poursuivre une perspective de paix plutôt que de chercher à renverser ou à affaiblir le régime – notamment le désir d’avoir carte blanche pour prendre en charge les menaces représentées par l’Iran et par ses groupes mandataires alliés sur la frontière nord.

Le résultat est que Bennett – qui était, dans le passé, l’une des voix s’exprimant le plus en faveur de frappes plus dures sur le Hamas – choisit la même voie que ses prédécesseurs au ministère de la Défense.

Vendredi soir, après des tirs non-spécifiés en direction d’Israël (qui n’auraient pas été des roquettes), il s’est contenté de raids de riposte de pure forme sur des « cibles du Hamas », n’entraînant pas de victimes et contenant l’inflammation au niveau minimum.

Une frappe aérienne israélien à Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 27 novembre 2019. (Abed Rahim Khatib / Flash90)

Selon des informations parues dans les médias, Bennett songerait aussi à passer un large accord avec le Hamas – une organisation terroriste qui a juré de détruire Israël – notamment en donnant son feu vert à des projets tels que la construction d’une île artificielle et d’un port maritime à Gaza.

Même Avigdor Liberman, le chef d’Yisrael Beytenu qui avait déclaré, à une occasion, qu’il donnerait 4 heures au leader du Hamas, Ismail Haniyeh, pour qu’il restitue les dépouilles des soldats israéliens capturés ou qu’il serait assassiné le cas échéant, se montrait plus combatif dans ses relations avec le Hamas quand il détenait le portefeuille de la Défense.

Le Hamas semble également soucieux de prendre des initiatives afin d’éviter que les choses ne deviennent incontrôlables.

Lundi et mardi dernier, des missiles ont été tirés depuis Gaza vers Israël mais il semble que les projectiles aient été lancés par les compagnons de lutte d’Abu al-Ata, qui voulaient faire passer un message au Hamas.

Les terroristes protestaient contre l’arrestation de membres du Jihad islamique par les forces du Hamas qui voulaient enrayer les tirs de roquettes.

Le Hamas aurait pris des actions fortes pour empêcher le Jihad islamique de lancer des roquettes vers l’Etat juif.

Le Hamas voit d’où vient le vent. Mercredi, les banques de Gaza ont commencé à verser la dernière tranche de liquidités qataries à environ
70 000 familles nécessiteuses. Doha, semble-t-il, prévoit aussi de continuer à envoyer de l’argent et de soutenir des projets visant à améliorer les infrastructures hydrauliques, d’électricité et autres dans la bande.

Les Palestiniens reçoivent une aide financière du Qatar dans un bureau de poste de Gaza City, le 27 novembre 2019 (Crédit : Hassan Jedi/Flash90)

Le Hamas a également entendu les informations laissant entendre que l’Etat juif chercherait à conclure un accord de cessez-le-feu plus large, qui pourrait comprendre un arrangement déterminant l’entrée d’un grand nombre de Gazaouis en Israël pour travailler.

Et, au même moment, une proposition d’élections parlementaires palestiniennes est encore envisagée. Le Hamas est avide d’obtenir des résultats pour en imposer au public palestinien et investit beaucoup d’efforts en faveur de la stabilité dans la bande et de l’amélioration de la situation humanitaire là-bas.

On peut qualifier cela de seconde Autorité palestinienne (AP) – en concurrence directe avec l’AP de Mahmoud Abbas en Cisjordanie. Cette nouvelle AP fait énormément pour maintenir le calme avec Israël – mais elle ne fera pas tout.

Des combattants des brigades Ezzedine Al-Qassam, aile militaire du groupe terroriste du Hamas, derrière un fusil automatique à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 11 novembre 2019 (Crédit : Said Khatib/AFP)

Et nous en arrivons donc aux événements survenus la semaine dernière, et à cette impression indubitable que le Hamas tente d’avoir sa part du gâteau – et de le manger aussi. Il souhaite passer à l’action contre le Jihad islamique mais pas au point de mettre en danger son soutien dans sa base politique. Il annulera le mouvement de protestation le long de la frontière mais, si la rue le demande, à Gaza, le Hamas sera alors le premier à en prendre la tête.

En fin de compte, la région reste inflammable et suffisamment mûre pour connaître de nouveaux combats.

Le Hamas, comme Israël, devra décider s’il s’intéresse davantage à danser le tango ou s’il optera plutôt pour une autre sorte de corps-à-corps.

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