GB : Victoire écrasante du Labour aux législatives et succès de l’extrême droite
Le Labour remporterait 410 sièges sur les 650 de la Chambre des Communes tandis que Nigel Farage en a décroché 13
Le Royaume-Uni bascule au centre-gauche : les travaillistes ont remporté une victoire écrasante lors des législatives jeudi, mettant fin à 14 ans de pouvoir conservateur et ouvrant les portes de Downing Street à leur chef Keir Starmer.
Les résultats doivent tomber tout au long de la nuit mais les sondages de sortie des urnes publiés à la clôture des bureaux de vote laissent peu de doute sur l’issue de ce vote qui ouvre un nouveau chapitre de l’histoire politique du pays.
Selon ces projections des télévisions britanniques, le Labour remporterait 410 sièges sur les 650 de la Chambre des Communes.
Si c’est un peu moins que le raz-de-marée de Tony Blair en 1997 (418), il devance largement le parti conservateur du Premier ministre sortant Rishi Sunak, désavoué par les électeurs avec seulement 131 députés élus. C’est loin des 365 Tories élus il y a cinq ans sous Boris Johnson et le pire résultat de la formation depuis le début du 20e siècle.
Les libéraux-démocrates (centristes) se renforceraient avec 61 députés. Mais la surprise du scrutin vient surtout du parti anti-immigration et anti-système Reform UK : il gagnerait 13 sièges, une entrée bien plus fracassante que prévu pour la formation de la figure de la droite dure Nigel Farage.
En revanche, les indépendantistes écossais subissent un sérieux revers avec seulement 10 circonscriptions remportées sur 57 en Ecosse.
Alors que l’extrême droite est susceptible d’accéder au pouvoir en France et que Donald Trump semble bien placé pour retourner à la Maison Blanche, les Britanniques ont choisi massivement un dirigeant modéré de centre-gauche.
Keir Starmer, un ancien avocat spécialiste des droits humains de 61 ans, doit être chargé vendredi par le roi Charles III de former un nouveau gouvernement.
« À tous ceux qui ont fait campagne pour le parti travailliste lors de ces élections, à tous ceux qui ont voté pour nous et qui ont fait confiance à notre nouveau parti travailliste, merci », a sobrement réagi Keir Starmer sur X.
Neuf ans seulement après être entré en politique et quatre ans après avoir pris la tête du Labour, il sera confronté à une aspiration considérable au changement.
Comme l’avaient prédit les sondages tout au long de la campagne, les conservateurs sont sanctionnés après 14 années mouvementées qui ont laissé aux Britanniques un sentiment de déclin.
Le Brexit a déchiré le pays et n’a pas rempli les promesses de ses partisans. L’envolée des prix des deux dernières années a appauvri les familles, plus nombreuses que jamais à dépendre des banques alimentaires pour se nourrir.
Il faut attendre parfois des mois pour des rendez-vous médicaux dans le service public NHS. Les prisons risquent de manquer de places dès les jours qui viennent.
Dans une ambiance de luttes fratricides permanentes chez les conservateurs, les scandales politiques sous Boris Johnson et les errements budgétaires de Liz Truss, qui n’a tenu que 49 jours au pouvoir, ont fini d’exaspérer les électeurs.
En 20 mois à Downing Street, leur successeur Rishi Sunak n’est jamais parvenu à redresser la barre dans l’opinion. Il a tenté un dernier coup de poker en convoquant ces élections en juillet sans attendre l’automne comme beaucoup le pensaient, mais sa campagne a été calamiteuse.
L’ancien banquier d’affaires et ministre des Finances de 44 ans a accumulé les bévues et semblé manquer de sens politique, écourtant sa présence aux célébrations du 80e anniversaire du Débarquement en Normandie et tardant à réagir aux soupçons de paris frauduleux dans son camp sur la date des élections.
Face à la défaite inévitable, son camp en était réduit ces derniers jours à mettre en garde sur le risque d’une « super majorité » laissant le Labour sans contre-pouvoirs.
En face, Keir Starmer a mis en avant ses origines modestes – mère infirmière et père outilleur – contrastant avec son adversaire multimillionnaire, et promis le retour de la « stabilité » et du « sérieux », avec une gestion des dépenses publiques très rigoureuse.
Peu charismatique mais déterminé, il promet de transformer le pays comme il a redressé le Labour, le recentrant sur le plan économique et luttant contre l’antisémitisme : méthodiquement, sans coup d’éclat ni état d’âme.
Il assure vouloir relancer la croissance, redresser les services publics, renforcer les droits des travailleurs, réduire l’immigration et rapprocher le Royaume-Uni de l’Union européenne – sans revenir sur le Brexit, sujet tabou de la campagne.
« Peu importe l’ampleur de la majorité », a assuré la numéro deux du Labour Angela Rayner sur ITV après la publication des sondages sortie des urnes. « Ce qui compte, c’est le mandat qu’aura Keir Starmer, que nous puissions aller de l’avant et tourner la page du chaos et du déclin que nous avons connus sous les conservateurs ».
Dès la semaine prochaine, Keir Starmer, qui devrait dans l’ensemble poursuivre la politique étrangère britannique actuelle, fera ses premiers pas sur la scène internationale à l’occasion du sommet des 75 ans de l’Otan à Washington.
Lors de son dernier déplacement de campagne mercredi, il a assuré que son gouvernement se mettrait immédiatement au travail, reconnaissant : « nous ne bénéficierons d’aucune période de grâce ».