Grossi : L’Iran aura suffisamment d’uranium d’ici « quelques semaines, pas quelques mois »
Le chef de l'AIEA a noté que fabriquer une arme atomique demandera beaucoup plus de temps, et il a estimé que les activités iraniennes "attirent indéniablement l'attention"

Le chef du groupe de veille du nucléaire au sein des Nations unies a annoncé que l’Iran n’était qu’à quelques semaines de produire suffisamment d’uranium enrichi pour fabriquer une bombe nucléaire et il a ajouté que les activités du régime des mollahs, en plus de l’accès limité offert par la république islamique à ses usines nucléaires, « attirent indéniablement l’attention ».
Mais le chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a estimé auprès du Deutsche Welle, dans un article publié lundi, qu’attaquer les structures nucléaires de l’Iran était « interdit ».
Grossi a noté que l’Iran aurait suffisamment d’uranium enrichi « d’ici quelques semaines, pas d’ici quelques mois » pour produire une bombe atomique.
« Mais cela ne signifie pas que l’Iran aura ou pourra avoir une arme nucléaire dans le même intervalle de temps », a-t-il précisé. « Une ogive nucléaire en état de fonctionnement nécessite de nombreuses autres choses à côté de la production du matériau fissile ».
Les objectifs poursuivis par l’Iran en matière nucléaire, a-t-il réaffirmé, donnent lieu à « des spéculations » même s’il a critiqué le pays pour ses activités d’enrichissement qui « attirent l’attention ». Il a aussi déploré les relations opaques de la république islamique avec les inspecteurs de son groupe de veille, des inspecteurs qui ne sont pas autorisés à accéder à des structures qui, a-t-il dit, devraient être pourtant examinées.
Grossi a déclaré qu’il y avait encore des questions non-résolues au sujet du programme nucléaire iranien – avec notamment des traces d’uranium enrichi qui ont été retrouvées à des endroits où elles ne devaient pas être.
« Quand vous rassemblez tous ces éléments, alors, bien sûr, vous finissez avec un grand nombre de points d’interrogation », a dit Grossi, qui a aussi noté qu’une délégation de l’AIEA allait bientôt partir pour Téhéran.
« J’irai là-bas avec pour objectif de remettre les choses sur les rails, c’est nécessaire s’ils veulent être crus », a-t-il poursuivi.

Les propos de Grossi surviennent dans un contexte de flambée récente des tensions entre Israël et l’Iran. Après le lancement, par la république islamique, de centaines de drones et de missiles en direction d’Israël, en riposte à la mort de généraux du Corps des gardiens de la révolution islamique en Syrie, qui avaient été tués lors d’une frappe israélienne présumée, la communauté internationale avait craint des représailles de l’État juif contre les structures nucléaires de l’Iran.
« Attaquer des usines nucléaires est absolument interdit », a mis en garde Grossi tout en condamnant toute la rhétorique employée à l’égard de la menace nucléaire en général.
« Je pense que la normalisation du discours sur l’arme nucléaire, sur l’utilisation ou sur la production d’arme nucléaire est absolument déplorable », a-t-il continué.
Au début des années 2000, le guide suprême iranien, l’Ayatollah Ali Khamenei, qui avait le dernier mot sur le programme nucléaire qui avait été mis en place par la république islamique, avait émis une fatwa – un décret religieux – interdisant le développement de la bombe atomique qui, selon lui, était « contraire à l’esprit de l’islam ».
Mais si Téhéran nie chercher à fabriquer une telle arme, Israël et l’Occident pensent que le pays a conservé un programme d’armement atomique au moins jusqu’à l’année 2003.
Grossi a indiqué, au mois de février, que l’Iran avait continué d’enrichir de l’uranium à un taux de pureté allant jusqu’à 60%, ce qui est bien au-delà du taux nécessaire pour un usage commercial et ce qui est seulement légèrement inférieur, au niveau technique, au taux nécessaire pour produire une bombe atomique, à 90% de pureté.
La république islamique déclare que son programme nucléaire est d’ordre civil, soulignant la fatwa. Toutefois, les experts disent qu’il n’y a pas d’application civile pour un uranium enrichi à ce niveau. Par ailleurs, l’Iran a renforcé, dans le passé, ses activités nucléaires à des fins d’intimidation pendant des périodes de tensions accrues avec l’Occident.
Israël et d’autres pays accusent l’Iran de chercher à fabriquer une bombe atomique malgré l’interdiction, réclamant des sanctions et une menace militaire crédibles si le pays devait dépasser les limites qui lui ont été fixées.
Un commandant de premier plan du Corps des gardiens de la révolution islamique a averti, la semaine dernière, que le pays pourrait réexaminer sa politique en matière nucléaire – faisant référence à la fatwa qui avait été émise par Khamenei, interdisant la production d’une bombe atomique. Toutefois, le ministère iranien des Affaires étrangères a indiqué, lundi, qu’un tel armement n’avait pas sa place dans la doctrine iranienne.
Les tensions entre Israël et l’Iran se sont apaisées après une première moitié du mois d’avril qui a été particulièrement crispée – des crispations causées par une frappe israélienne présumée qui avait pris pour cible un bâtiment du consulat iranien de Damas, en Syrie. L’attaque avait tué sept membres du Corps des gardiens de la révolution islamique et notamment deux généraux.
La riposte de Téhéran avait eu lieu le 13 avril et plus de 500 drones et missiles avaient été tirés en direction d’Israël. L’État juif, avec l’aide des États-Unis et de ses autres alliés, avait intercepté presque la totalité des projectiles. Mais une enfant de sept ans, une petite Bédouine, avait été grièvement blessée dans cette agression qui avait aussi entraîné des dégâts mineurs sur la base aérienne de Nevatim, située aux abords de Beer Sheva.
Israël, en guise de réponse, aurait attaqué une base aérienne proche d’Ispahan, dans le centre de la république islamique, dans la matinée de vendredi, endommageant un système de défense anti-radar. L’Iran a minimisé cette frappe, disant que rien ne la reliait à Israël et apaisant ainsi les craintes portant sur une guerre régionale plus large.
Selon le New York Times, ce système gardait l’usine nucléaire secrète de Natanz, qui aurait été creusée sous la surface au sol. L’attaque aurait été aussi un message transmis par l’État juif à la république islamique, avertissant cette dernière que l’armée israélienne serait bien en mesure de commettre des frappes beaucoup plus douloureuses sans pour autant être détectée.
Un accord historique sur le nucléaire qui avait été conclu, en 2015, entre l’Iran et les grandes puissances avait permis d’alléger les sanctions appliquées à la république islamique qui, en échange, avait revu à la baisse son programme nucléaire, prévenant ainsi tout développement d’une bombe atomique. Une partie de cet accord prévoyait que les inspecteurs des Nations unies pourraient contrôler les sites nucléaires de la république islamique.
Mais après le retrait des États-Unis de cet accord – un retrait unilatéral qui avait été décidé par l’administration Trump – Téhéran avait relancé son programme nucléaire, produisant de l’uranium enrichi à un degré de pureté largement supérieur à celui qui était spécifié dans l’accord, le JCPOA (Joint Comprehensive Plan of Action).
Les négociations qui avaient été entreprises par l’administration Biden pour permettre aux États-Unis de réintégrer l’accord et à l’Iran de se soumettre à nouveau à ses dispositions sont tombées dans l’impasse, sans perspective d’en sortir.