Guatemala : Bernardo Arevalo, qui a étudié en Israël, élu président
Le nouveau président anti-corruption a étudié à l’Université hébraïque de Jérusalem et exercé en tant que consul et ministre conseiller à l’ambassade à Tel Aviv
En deux mois, Bernardo Arevalo, vainqueur dimanche de l’élection présidentielle au Guatemala, est passé du statut de quasi-inconnu à celui de président élu d’un pays profondément inégalitaire qu’il a promis de débarrasser de la corruption.
Ce sociologue et député social-démocrate de 64 ans est le fils du président Juan José Arevalo (1945-1951), qui a marqué le pays de son empreinte. Il avait notamment mis fin en 1945 à 13 années de dictature de Jorge Ubico, un admirateur d’Adolf Hitler qui avait imposé le travail forcé à la population autochtone maya.
Pendant son mandat, Juan José Arevalo (1904-1990) avait reconnu l’État d’Israël en 1948. Il a ensuite été ambassadeur dans plusieurs pays, dont Israël et la France, durant son exil – il avait dû quitter le pays après l’arrivée au pouvoir d’une junte militaire. Un coup d’État organisé par les États-Unis a ensuite renversé son successeur constitutionnel Jacobo Arbenz.
Au cours de la mission d’ambassadeur de son père en Israël, Bernardo, aujourd’hui président, a étudié à l’Université hébraïque de Jérusalem et obtenu un baccalauréat en sociologie, avant d’obtenir un doctorat en philosophie et anthropologie sociale de l’Université d’Utrecht aux Pays-Bas.
Bernardo Arevalo a lui aussi été actif dans la diplomatie du Guatemala en Israël. Entre 1984 et 1986, il a été premier secrétaire et consul à l’ambassade à Tel Aviv, puis ministre conseiller de 1987 à 1988, année de son retour dans son pays. Il a par la suite été vice-ministre des Affaires étrangères en 1994-1995, avant d’être ambassadeur en Espagne jusqu’en 1996. Pays ami et partenaire d’Israël, le Guatemala a transféré son ambassade à Jérusalem en 2018, après la décision similaire de l’administration Trump.
Bernardo Arevalo, né en 1958 dans la capitale uruguayenne, Montevideo, a promis de suivre la voie tracée par son père au Guatemala. « Je ne suis pas mon père, mais je marche sur le même chemin qu’il a construit et nous le ferons ensemble », avait-il déclaré mercredi lors de la clôture de sa campagne devant des centaines de partisans rassemblés dans la capitale.
« Nous avons été les victimes, les proies, de politiciens corrompus pendant des années », avait-il ajouté, appelant les électeurs à se rendre aux urnes. « Voter, c’est dire clairement que c’est le peuple guatémaltèque qui dirige ce pays, et non les corrompus », avait-il assuré.
Vêtu presque toujours d’un costume bleu, moustache et barbe taillée, il a largement battu l’ancienne Première dame Sandra Torres, qui a perdu son troisième scrutin consécutif malgré le soutien du parti au pouvoir, de plusieurs partis de droite, de l’église et des milieux économiques.
Il a remporté le scrutin avec 59 % des voix, contre 36 % à sa rivale, Sandra Torres, selon un décompte du Tribunal suprême électoral (TSE) portant sur 95 % des suffrages exprimés.
« Le peuple guatémaltèque a parlé haut et fort », a déclaré Bernardo Arevalo à la presse après sa victoire en prononçant un discours fort contre la corruption.
Il a aussi indiqué que les présidents de deux pays voisins, le Mexicain Andrés Manuel López Obrador et le Salvadorien Nayib Bukele, l’avaient appelé pour le féliciter et discuter d’un programme commun.
Le président sortant de droite Alejandro Giammattei a rapidement réagi sur X (anciennement Twitter), félicitant M. Arevalo et l’invitant « à entamer une transition ordonnée dès le lendemain de l’officialisation des résultats ».
« La victoire de M. Arevalo signifie la défaite de la vieille politique, du parti au pouvoir (…). Une autre ère commence pour notre pays et nous devrons nous mobiliser pour une transition pacifique », a noté l’analyste indépendant Miguel Angel Sandoval.
Le scrutin s’est déroulé sans qu’aucun « incident significatif » ne soit signalé, selon le TSE, qui a souligné sans plus de précision un « pourcentage historique de participation ».
Lors du premier tour, le 25 juin, Bernardo Arevalo avait créé la surprise en prenant la deuxième place sous la bannière du parti Semilla (graine en espagnol). Jusque là, il était placé en 8e position avec 2,9 % des intentions de vote.
Attaques du ministère public
Celui qui a cristallisé les espoirs de changement, notamment chez les jeunes qui représentent 16 % des 9,4 millions d’inscrits, a cependant fait les frais depuis sa spectaculaire percée le 25 juin des attaques du ministère public qui a multiplié les procédures contre son parti. La spectaculaire percée de Bernardo Arevalo inquiète en effet les élites économiques et politiques du pays, perçu comme un danger pour leurs intérêts.
Sur avis du parquet, un juge avait ordonné la suspension de Semilla pour de supposées irrégularités lors de sa création en 2017. La Cour constitutionnelle avait suspendu cette décision, finalement annulée vendredi par la Cour suprême.
La veille, le procureur Rafael Curruchiche, sanctionné pour « corruption » par Washington, avait cependant annoncé de possibles arrestations à venir de dirigeants du parti.
Outre la corruption, le nouveau président élu entend améliorer l’éducation et combattre la violence et la misère dont souffrent 59 % des 17,6 millions de Guatémaltèques.
Dans un pays profondément catholique, il s’est déclaré opposé au mariage homosexuel et à l’avortement, seulement autorisé en cas de danger pour la santé de la mère.
Le nouveau président élu devrait prendre ses fonctions le 14 janvier 2024, en remplacement du président de droite Alejandro Giammattei, dont le mandat a été marqué par la répression contre les magistrats et les journalistes qui dénonçaient la corruption.
Trois décennies après la fin de sa brutale guerre civile, le pays le plus peuplé d’Amérique centrale est aussi enlisé dans la pauvreté et la violence, ce qui pousse chaque année des milliers de Guatémaltèques à émigrer.