Guillaume Erner : « L’antisémitisme est une sorte d’explication du monde qu’il faut pourchasser »
L'auteur de « Judéobsessions » dénonce l'amalgame qui est fait entre les Français juifs et la politique du gouvernement Netanyahu et l'explosion de l'antisémitisme en pleine crise au Proche-Orient

« Avant, on me traitait de Juif, ensuite de sioniste et maintenant de journaliste génocidaire ». C’est ainsi que résume le présentateur de la matinale de France Culture Guillaume Erner son nouvel ouvrage, Judéobsessions, publié fin janvier 2025 aux éditions Flammarion.
Invité samedi soir sur le plateau de « Quelle époque », sur France 2, pour présenter son livre et parler de l’antisémitisme en France, qui connaît une véritable explosion depuis le pogrom du 7 octobre 2023 perpétré par le Hamas dans le sud d’Israël, Erner a dénoncé les amalgames qui poussent un grand nombre de personnes à assimiler les Juifs de France à la politique israélienne et à sa conduite de la riposte contre les terroristes palestiniens.
« Je suis Français et j’ai la ferme intention de rester en France », a-t-il commencé par dire.
En France, a-t-il affirmé, il y a « l’idée d’assimiler tous les Juifs à une même faction, une même force agissante, et puis l’idée que le mal dans le monde, la totalité du mal, est incarné par ce pays, Israël ».
« Ce qui est certain, c’est que l’antisémitisme est aujourd’hui une sorte d’explication du monde pour certains, y compris dans la politique française. Et cette explication du monde, c’est quelque chose qui doit être absolument pourchassé. »
« Personne ne peut dénier à quiconque le droit de critiquer Israël […] Moi, je critique la politique de Netanyahu depuis que Netanyahu existe. En revanche, on a le droit de dire aussi qu’il n’y a pas de lien entre le fait d’être juif et le fait de perpétrer des crimes dans telle ou telle partie du monde », a dénoncé Guillaume Erner.
Il a également déploré le fait que cet antisémitisme pousse un nombre accru du Français juifs à envisager d’émigrer en Israël. « Je ne connais pas un Juif qui ne se soit pas dit un jour : ‘On se lève et on se casse’. »
Le champion de tennis handisport Michaël Jérémiasz, également présent sur le plateau pour parler du problème de l’accessibilité des espaces publics par les personnes handicapées, a décidé d’intervenir dans le débat.

« Il y a quelque chose de profondément injuste », a-t-il estimé. « Parce qu’il y a un gouvernement d’extrême-droite […] et parce qu’il y a ce qu’il se passe depuis le 7 octobre […] il faudrait qu’il y ait une part de responsabilité [des Juifs] là-dedans, et d’amalgame…. Un Juif qui vit en France n’a rien à voir avec [le gouvernement israélien], mais de la même manière qu’un Israélien qui vit aujourd’hui en Israël, qui est un citoyen et qui ne soutient pas ce que Netanyahu fait, n’est pas responsable de ça. »
« Vous dites ‘aujourd’hui’, mais non pas ‘aujourd’hui’ en fait », a renchéri l’ancien animateur et désormais invité permanent de l’émission Christophe Dechavanne, rappelant qu’en France « on était quand même les champions du monde des lettres anonymes dans les années 1940 ».
Et Guillaume Erner d’acquiescer : « L’affaire Dreyfus veut dire que la politique française moderne s’est construite sur, non pas une erreur judiciaire, mais une monstruosité, sur un montage qui accusait un Juif innocent d’être coupable, parce qu’il était juif ».
« Et à partir de là, la gauche n’a pas fait le ménage », a-t-il rappelé. « Il y avait [Jean] Jaurès qui soutenait Dreyfus et [Jules] Guesde qui lui, en revanche, lui était très hostile. On retrouve aujourd’hui ce type de partition », a-t-il asséné, se faisant l’écho, implicitement, des accusations d’antisémitisme régulièrement portées contre le parti d’extrême-gauche La France insoumise depuis le 7 octobre.
Christophe Dechavanne a apporté une triste conclusion au débat en estimant « que chez les antisémites, il y a quelque chose de passionnel. Ils sont presque incapables d’expliquer pourquoi. Il y a quelque chose de très ancré, souvent ça passe les générations ».