Hanegbi désapprouve les photos de suspects palestiniens arrêtés
L'armée affirme que les suspects de terrorisme sont déshabillés pour s'assurer qu'ils ne portent ni armes ni explosifs
Emanuel Fabian est le correspondant militaire du Times of Israël.

Les images de Palestiniens en sous-vêtements rassemblés par l’armée israélienne qui ont circulé ces derniers jours ont suscité des inquiétudes quant aux procédures d’arrestation d’Israël à Gaza et des questions sur d’éventuelles violations des droits humains ou humiliations.
Un certain nombre de photos et de vidéos qui ont fuité en ligne ces derniers jours montrent des dizaines d’hommes palestiniens presque entièrement dévêtus arrêtés. Sur certaines photos, ces suspects sont assis ou agenouillés par terre, parfois les yeux bandés, tandis que d’autres montrent des groupes défilant les mains liées ou des terroristes présumés remettant leurs armes.
L’armée israélienne a confirmé avoir arrêté des centaines de personnes et a affirmé que les terroristes du Hamas se rendaient en grand nombre, alors que le groupe terroriste palestinien s’effondre sous la pression de l’opération de Tsahal visant à l’anéantir.
Mais l’armée a également indiqué qu’un grand nombre des personnes qu’elle avait arrêtées avaient été libérées par la suite, et des responsables ont indiqué que les soldats pourraient opérer selon un protocole consistant à arrêter d’abord et à interroger ensuite.
Dimanche soir, Tzahi Hanegbi, le conseiller à la Sécurité nationale d’Israël, a déclaré que les suspects devaient être fouillés pour s’assurer qu’ils ne portaient pas d’armes ou d’explosifs, mais que les photos d’eux en sous-vêtements « ne profitent à personne » et que leur diffusion par Israël cesserait.
Le porte-parole de l’armée israélienne, le contre-amiral Daniel Hagari, a expliqué la procédure d’arrestation en détail plus tard dans la journée de dimanche, mais il a également déclaré que les photos humiliantes n’avaient pas été diffusées par son bureau et que les troupes modifieraient la procédure d’arrestation dans les cas où elle ne serait pas correctement suivie.
Vendredi, Hagari, a déclaré que plus de 200 « suspects » avaient été appréhendés, mais que, parmi eux, seules des « dizaines » avaient été transférées à l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet et à l’unité 504 du Directorat du renseignement militaire pour y être interrogées sur leur implication présumée dans des activités terroristes.

Le porte-parole du gouvernement, Eylon Levy, a déclaré vendredi à CNN qu’Israël interpellait tous les hommes en âge de se battre qu’il trouvait dans les zones où les évacuations avaient été ordonnées – à savoir tout le nord de Gaza et certaines parties du sud également – « afin de déterminer qui sont les terroristes ».
« Les personnes que nous voyons sur ces images sont toutes soupçonnées d’être des terroristes », a souligné Levy. « Nous aurions préféré que tous les terroristes du Hamas portent des uniformes indiquant clairement Hamas sur leur casque, car cela aurait permis de les identifier plus facilement. Mais lorsque les [membres] du Hamas se déguisent en civils et se battent au sein de zones civiles, ils rendent leur localisation très difficile. »
Selon la Douzième chaîne, environ 700 individus ont été placés en détention, et 60 % d’entre eux n’ont pas été considérés comme des terroristes. Haaretz, citant l’évaluation de hauts responsables de la Défense, a rapporté que seuls 10 à 15 % des hommes arrêtés seraient affiliés au Hamas.
L’armée israélienne a déclaré dimanche à l’AFP que les troupes présentes à Gaza interpellaient et interrogeaient des individus suspectés d’être impliqués dans des « activités terroristes ».

« Ceux qui s’avèrent ne pas prendre part à des activités terroristes sont libérés » et « les détenus sont traités conformément au droit international ».
Selon l’armée israélienne, les personnes considérées comme une menace potentielle sont déshabillées pour s’assurer qu’elles ne portent pas d’armes ou d’explosifs.
« Il est souvent nécessaire que les suspects de terrorisme retirent leurs vêtements afin que ceux-ci soient fouillés et pour être sûr qu’ils ne dissimulent pas une ceinture d’explosifs ou d’autres armes », a-t-il expliqué l’armée à l’AFP.
En vertu des dispositions de la Convention de Genève, il est illégal d’exposer les prisonniers de guerre à la « curiosité publique », afin de préserver leur dignité et de les protéger contre toute identification publique et contre d’éventuelles représailles. Certains pays estiment que les terroristes capturés ne sont pas couverts par les protections prévues par cette convention.
L’armée n’a pas commenté la source des images, qui ont commencé à être diffusées sur Internet jeudi. Mais il apparaît qu’au moins certaines photos et vidéos ont été prises depuis des positions militaires, et certains ont émis l’hypothèse qu’elles avaient été divulguées intentionnellement dans le cadre d’une campagne visant à briser le moral des terroristes du Hamas.
Dans un cas, un homme rend ses armes à trois reprises, ce qui soulève des questions.
https://twitter.com/RonShenkman/status/1733629323502854371
S’exprimant dimanche soir à la chaîne publique israélienne Kan, Hanegbi a confirmé que les photos avaient été prises « avec l’autorisation nécessaire » des autorités israéliennes, mais a déclaré qu’il désapprouvait cette pratique.
« Je pense que vous ne verrez plus de photos de ce genre à partir de maintenant », a-t-il dit.

Hanegbi a expliqué qu’il était essentiel de s’assurer que les suspects de terrorisme arrêtés ne portaient pas d’armes ou d’explosifs. « J’espère qu’il y aura beaucoup plus de gens qui se capituleront sans se battre et déposeront leurs armes, mais ils seront contrôlés puis rhabillés. Ils n’ont pas besoin d’être placés comme on le voit sur ces premières images », a-t-il déclaré.
Plus tard dimanche, lors de sa conférence de presse nocturne, le porte-parole de Tsahal a expliqué plus en détail les procédures d’arrestation et a fait le lien avec les photos. Il a indiqué que les photos qui avaient circulé avaient été prises à Jabaliya et Shejaiya, des bastions du Hamas dans le nord de la bande de Gaza, où les forces israéliennes continuent de se battre. De « nombreux terroristes » ont été tués dans ces zones, mais « de nombreuses personnes » ont également émergé au cours des combats, certaines d’entre elles se rendant et déposant leurs armes.
Ceux qui capitulent sont déshabillés par précaution, « parce que nous craignons qu’ils portent des ceintures d’explosifs ». Au fil des ans, a-t-il fait remarquer, « il est arrivé que des personnes se fassent exploser aux côtés de nos troupes ».
Les hommes sont ensuite interrogés sur le terrain, et des membres du Hamas sont souvent identifiés, tandis qu’il s’avère que d’autres n’appartiennent pas à des groupes terroristes. Une fois l’interrogatoire terminé, « ils se rhabillent. C’est ce qui doit se passer. Là où ce n’est pas le cas, nous changerons les choses », a-t-il déclaré.
Les terroristes présumés sont ensuite emmenés en Israël pour un interrogatoire plus approfondi, a indiqué Hagari, tandis que les civils sont emmenés dans des zones sûres dans le sud de la bande de Gaza.
Lundi matin, un haut-responsable israélien a reconnu que les photos de centaines de Palestiniens apparaissant en sous-vêtements, après leur arrestation par l’armée israélienne à Gaza, pouvaient être « gênantes ».
Il a toutefois insisté auprès du Times of Israel, sous couvert d’anonymat, que Tsahal n’arrêtait que les individus faisant l’objet de soupçons concrets et que ce déshabillage était nécessaire pour s’assurer que les hommes ne cachaient pas des armes ou des explosifs.
Israël a lancé son opération militaire après que des milliers de terroristes du Hamas ont envahi le sud du pays le 7 octobre, se déchaînant sur les communautés et tuant 1 200 personnes, pour la plupart des civils, et prenant plus de 240 autres personnes en otage.
Tsahal affirme avoir tué 7 000 membres du Hamas ou terroristes alliés dans le but de détruire le groupe terroriste palestinien, de libérer tous les otages et de s’assurer qu’une telle attaque ne puisse plus jamais se reproduire.
Les photos ont suscité un mépris viscéral et des critiques de la part de certains. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui a subi des pressions de la part de Jérusalem en raison de ses vaines tentatives pour obtenir l’accès aux Israéliens toujours retenus en otage à Gaza, s’est dit préoccupé par les images.
« Nous insistons fortement sur l’importance de traiter toutes les personnes qui ont été arrêtées avec humanité et dignité, conformément au droit international humanitaire », a déclaré un porte-parole du CICR dans un communiqué repris par Reuters.

La représentante Elise Slotkin, une démocrate du Michigan qui a fait une longue carrière à la CIA et au Pentagone, a indiqué qu’elle ne se souvenait pas de scènes similaires en Irak, lorsque les États-Unis ont dû faire face à un défi similaire dans ce pays à la suite de son intervention en 2003.
« Cela fait partie de cette réflexion plus large sur la façon de déterminer la différence entre un civil et un activiste dans un endroit extrêmement peuplé », a-t-elle expliqué sur CNN. « C’est l’une des choses les plus difficiles à faire, et cela exige donc une extrême prudence de la part des militaires qui lancent ces opérations. »
Le ministre jordanien des Affaires étrangères, Ayman Safadi, a affirmé lors d’une conférence de presse vendredi que certaines des personnes interpellées étaient des médecins et des journalistes.
Le média en langue arabe Al-Araby Al-Jadeed, basé à Londres, a déclaré jeudi que, parmi les Palestiniens en sous-vêtements, se trouvaient son journaliste Diaa al-Kahlout et des membres de sa famille.

Certaines des personnes arrêtées puis relâchées ont déclaré à l’Associated Press qu’elles avaient été maltraitées, notamment battues et qu’on leur avait donné peu d’eau.
Ahmad Nimr Salman a affirmé que les hommes plus âgés souffrant de diabète ou d’hypertension auraient été ignorés lorsqu’ils ont demandé aux soldats d’enlever les colliers de serrages qui faisaient office de menottes autour de leurs poignets.
Il a raconté que les soldats leur demandaient : « Êtes-vous avec le Hamas ? » « Si nous répondions ‘non’, ils nous giflaient ou nous donnaient des coups de pied. »
Il a ajouté que son fils Amjad, âgé de 17 ans, était toujours détenu par les soldats.

Le groupe a été libéré au bout de cinq jours avec pour instructions de marcher en direction du sud. Dix détenus libérés sont arrivés à un hôpital de Deir al-Balah après avoir fait signe à une ambulance.
L’armée israélienne n’a fait aucun commentaire lorsqu’elle a été interrogée sur ces abus présumés.
Le Hamas a affirmé que les images ne montraient aucun membre de la branche armée du groupe terroriste palestinien en train d’être arrêté et a qualifié les images de mises en scène.
« Les affirmations de l’occupation [Israël, NDLR] selon lesquelles il s’agit de membres des Brigades Ezzedine al-Qassam sont des mensonges sans fondement », a déclaré Ezzat al-Risheq, un membre important du bureau politique du Hamas.
« Les héros des (brigades) al-Qassam (branche armée du Hamas, ndlr) ne se rendent pas et les mensonges de l’occupant (israélien) ne trompent personne », a réagi Ezzat al-Risheq, haut responsable du Hamas, dans un communiqué.
Il s’agit, a-t-il dit, de « civils non armés dans Gaza, après leur arrestation et des armes ont été placées près d’eux ». Les « affirmations de l’occupant qu’il s’agit (de terroristes) des Brigades al-Qassam sont des mensonges », a encore dit Risheq, dénonçant « une manigance ridicule et évidente ».
L’AFP a contribué à cet article.