Harvard : Le point sur une année d’antisémitisme après le 7 octobre – universitaires
Des professeurs d'études juives de tous les États-Unis se sont réunis à Cambridge cette semaine pour faire le point sur une période d’hostilités sans précédent
CAMBRIDGE, Massachusetts – L’auditorium Fong du Boylston Hall de l’université de Harvard s’est progressivement rempli jusqu’aux trois quarts de sa capacité mardi pour une conférence de l’après-midi intitulée Antisemitism on Campuses: Reflections From Jewish Studies Faculty at Major American Universities [« L’antisémitisme dans les universités : Réflexions des professeurs d’études juives des grandes universités américaines ».
Après une année marquée par un activisme intense et des défis conséquents dans le sillage du pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre 2023, les intervenants américains et canadiens ont exploré les leçons à tirer de ces expériences.
L’agencement des places occupées dans l’auditorium a cependant retenu l’attention de l’organisateur, le professeur Derek Penslar de Harvard.
« Les extrémités sont remplies, le milieu est vide », a-t-il remarqué. Penslar, qui dirige le Centre d’études juives de Harvard et co-dirige un groupe de travail universitaire sur l’antisémitisme créé en réponse aux troubles provoqués sur les campus après le 7 octobre, a ajouté : « Cela nous apprend quelque chose – nous gravitons vers les extrémités, le centre disparaît. »
Les intervenants ont exprimé leur souhait de trouver un terrain d’entente au sein des universités, permettant la libre circulation des idées dans un cadre respectueux, y compris sur des sujets aussi sensibles que la question Israël-Palestine.
Magda Teter, titulaire de la chaire Shvidler d’études juives à l’université Fordham et présidente de l’Académie américaine pour la recherche juive, a critiqué « la culture des réseaux sociaux, qui ne permet que d’aimer ou de bloquer, créant une réactivité éphémère. Nous devons réapprendre à accepter le désaccord et non à nous annuler. »
« En classe, nous ne sommes pas toujours d’accord sur tout », a-t-elle ajouté. « Mais nous lisons quand même les textes, pas pour les bloquer ou les rejeter, mais pour en tirer de nouvelles idées, afin de quitter la classe ou la lecture enrichis, quelles que soient ces idées. »
Maurice Samuels, professeur à l’université de Yale et directeur du Centre d’études sur l’antisémitisme de cette prestigieuse école de l’Ivy League, a pris part à la conférence et relaté une rencontre fortuite avec un collègue juif antisioniste en décembre dernier.
À la suite du massacre perpétré par les terroristes du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, les universités à travers le pays ont été le théâtre de vives tensions, marquées par des manifestations pro-palestiniennes et anti-israéliennes. Ces mouvements se sont intensifiés à mesure que la guerre d’Israël contre le Hamas à Gaza se prolongeait.
En décembre 2023, trois présidentes d’université — Claudine Gay (Harvard), Liz Magill (Penn) et Sally Kornbluth (MIT) — ont témoigné devant une commission du Congrès, dirigée par la députée Elise Stefanik, pour évoquer la montée de l’antisémitisme sur les campus.
Leurs réponses, jugées trop légalistes, ont été largement critiquées, ce qui a conduit Magill et Kornbluth à démissionner.
Samuels a raconté que son collègue avait perçu cette audience comme un simple coup de publicité destiné à discréditer les manifestants pro-palestiniens et à museler toute forme de contestation dans les universités – mais que ce faisant, les accusations d’antisémitisme avaient été tellement répandues qu’elles en avaient été totalement décrédibilisées. En réponse, Samuels a présenté des preuves concrètes de la gravité du problème de l’antisémitisme en lui montrant les emails de menace provenant d’un expéditeur se nommant « Holocause Decimate » qui envahissait sa boîte de courrier indésirable. Ces menaces l’avaient conduit à alerter la police du campus.
« Comme je n’avais fait aucune déclaration sur la guerre et que je n’avais signé aucune lettre ou pétition en rapport avec Israël, il était évident que la seule raison pour laquelle j’étais ciblé était l’antisémitisme », a-t-il déclaré. « Un peu penaud, [mon collègue] s’est éloigné de moi aussi vite qu’il le pouvait, craignant peut-être que les ‘décimateurs de Shoah’ ne se cachent dans les buissons. »
Aucun sioniste n’est autorisé
L’antisémitisme, qu’il soit intentionnel ou involontaire, reste une préoccupation récurrente. Les tropes classiques ressurgissent : le contrôle présumé des Juifs sur le monde de la finance ou des médias, ou encore les pratiques d’organisations étudiantes interdisant aux sionistes d’adhérer, ce qui exclut de nombreux étudiants juifs, intentionnellement ou non. Rebecca Kobrin, codirectrice d’un centre d’études israéliennes et juives à l’université de Columbia, a visité le campement de protestation anti-Israël installé sur le campus. Cependant, elle a choisi de ne pas s’y rendre la nuit, invoquant des raisons de sécurité.
Alexander Kaye, directeur du Schusterman Center for Israel Studies à l’université Brandeis, a déclaré que « l’antisémitisme a connu une montée fulgurante en Amérique du Nord et dans le monde. Certains étudiants, professeurs, administrateurs et autres membres des communautés universitaires agissent de mauvaise foi et cherchent à empêcher tout dialogue ; ils restent perturbateurs, parfois menaçants, voire dangereux. »
Les intervenants ont toutefois noté que ce semestre a été relativement calme. Ils ont avancé plusieurs explications, notamment une application plus stricte des règles disciplinaires ou les divisions internes parmi les activistes pro-palestiniens. Parmi les stratégies proposées pour lutter contre l’antisémitisme dans les universités figuraient la collaboration avec les départements de diversité, équité et inclusion, ainsi que la création d’opportunités de dialogue. Cependant, les étudiants participant à ces initiatives ont parfois été critiqués par leurs pairs.
Les panélistes ont exprimé leur hésitation à l’idée de surveiller les discours sur les campus ou de faire appel à des organisations extérieures. Certains ont critiqué la manière dont Israël mène la guerre à Gaza, citant des chiffres non vérifiés fournis par le ministère de la Santé de Gaza, contrôlé par le Hamas, qui ne distingue pas entre terroristes et civils. Selon ces données, plus de 44 000 Palestiniens auraient perdu la vie, et l’infrastructure de Gaza aurait été largement détruite.
Dov Waxman, de l’UCLA, directeur du Centre d’études israéliennes de l’université, a dénoncé ce qu’il a décrit comme une « foule violente » ayant attaqué le campement anti-Israël organisé sur le campus de l’UCLA.
Après une après-midi chargée de discussions, les participants se sont rassemblés à Harvard Yard. Bien que les nuages assombrissaient l’espace historique, la conférence a permis d’éclaircir la situation au sein des établissements universitaires.
« La majorité des étudiants, selon moi — et cela représente un très grand nombre — sont ouverts, respectueux et curieux, tout en ayant des convictions profondes sur Israël, la Palestine ou d’autres questions », a déclaré Alexander Kaye. « Dans l’ensemble, ils comprennent que le monde est complexe et que les phénomènes historiques ne peuvent être réduits à des extraits sonores ou à des slogans. »
Quelques moments plus légers ont ponctué la journée, notamment lorsque Rebecca Kobrin a évoqué sa visite au campement de Columbia.
« Une personne s’est approchée de moi et m’a demandé : ‘Êtes-vous le professeur Kobrin ?’ J’ai répondu que oui… Elle m’a alors demandé si je voulais être sa directrice de thèse… »
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