« Héritier de Pétain » : Macron sévèrement critiqué pour son recadrage de Borne
Le premier secrétaire du PS a rappelé sur Twitter qu'Elisabeth Borne était la fille d'un rescapé de la Shoah et qu'elle était légitime à rappeler "la filiation de l'extrême droite"
Emmanuel Macron a assuré mercredi qu’Elisabeth Borne avait toute sa « confiance », après avoir semblé recadrer sa Première ministre sur la manière de contrer le Rassemblement national (RN) et s’être attiré de sévères critiques à droite comme à gauche.
« Je veux ici lui redire toute ma confiance », a déclaré le chef de l’Etat devant la presse qui l’interrogeait lors d’un déplacement à Bratislava.
« Quand j’ai des choses à dire au Premier ministre depuis six ans, je le dis dans un colloque singulier dont rien ne sort et nous réglons les choses ensemble », a-t-il affirmé. « Je ne le fais jamais autour de la table du Conseil des ministres, par médias interposés. »
Une mise au point censée dissiper l’impression de recadrage née de propos qu’il a justement tenus mardi en Conseil des ministres, et qui avaient été rapportés à la presse par des participants. Et ce alors que les spéculations vont bon train sur la dégradation des relations entre les deux têtes de l’exécutif.
Des propos qui ne passent pas : droite et gauche ont accusé mercredi Macron de « banaliser » le Rassemblement national après s’être démarqué la veille de d’Elisabeth Borne qui avait estimé que le parti lepéniste était l' »héritier de Pétain ».
Lors du Conseil des ministres, le chef de l’Etat a affirmé mardi qu’il ne fallait pas combattre l’extrême droite « par des arguments moraux » mais par « le fond » et « le concret ». Et il a recadré la Première ministre qui avait assuré dimanche ne pas croire « à la normalisation » du Rassemblement national.
La charge la plus virulente est venue d’Olivier Marleix, le patron des députés Les Républicains, qui se présente comme un héritier du gaullisme et qui a fustigé sur Public Sénat des propos « malvenus » de la part du chef de l’Etat.
Il a notamment rappelé qu’Emmanuel Macron avait été élu en 2017 et réélu cinq ans plus tard au second tour face à Marine Le Pen grâce au « barrage républicain », assurant que la « diabolisation » du RN lui avait bien permis d’accéder à l’Elysée et d’y être reconduit l’an dernier.
« Maintenant qu’il n’est plus rééligible, venir nous dire qu’après lui finalement le déluge, je trouve ça extrêmement malsain de sa part (…) », s’est emporté l’élu LR, dénonçant un « cynisme assez incroyable » de la part du chef de l’Etat.
Face à des propos qu’il dénonce comme une « banalisation » de l’extrême droite, M. Marleix s’est employé à rappeler que parmi les membres fondateurs du Front national devenu le Rassemblement national figurait Pierre Bousquet qui « a été un officier de la Waffen SS ». François Brigneau, vice-président du Front national, était milicien sous Vichy.
Des propos partagés par Xavier Bertrand, le président LR de la région Hauts-de-France, qui a également appelé à ne pas oublier « l’histoire » du RN afin de ne pas contribuer à sa banalisation.
Le recadrage de la Première ministre illustre de nouveau la dégradation de la relation entre les deux têtes de l’exécutif. Au point que pour certains, à gauche, le chef de l’Etat, en est venu à ignorer l’histoire personnelle d’Elisabeth Borne.
Le premier secrétaire du PS Olivier Faure a ainsi rappelé sur Twitter qu’Elisabeth Borne était la fille d’un rescapé de la Shoah et qu’elle était légitime à rappeler « la filiation de l’extrême droite ».
Comment le PR ose recadrer E Borne, fille de rescapée des camps, parce qu’elle a rappelé la filiation idéologique de l’extrême-droite !? Si il y a décivilisation c’est celle du président. https://t.co/Ur686Dfyrq
— Olivier Faure (@faureolivier) May 30, 2023
Toujours à gauche, plusieurs responsables ont également dénoncé des ambiguïtés d’Emmanuel Macron vis-à-vis de l’extrême droite.
Le député de la France insoumise (LFI) Eric Coquerel a déploré que son parti soit plus la cible des critiques de l’exécutif que l’extrême droite. Et il a rappelé sur BFMTV les propos du chef de l’Etat en 2018, lorsqu’il avait jugé « légitime » de rendre hommage aux maréchaux de la Grande Guerre, dont Philippe Pétain, chef du régime collaborationniste de Vichy de 1940 à 1944.
Le recadrage a incité l’eurodéputé écologiste David Cormand à conseiller sur Twitter à la cheffe du gouvernement de démissionner après « un tel désaveu sur un point aussi fondamental ».
Un constat que ne partage pas le ministre de l’Economie Bruno Le Maire qui a nié, au contraire, que la Première ministre ait été désavouée par le président.
A ses yeux, Elisabeth Borne est « parfaitement fondée » à rappeler des faits historiques. Et il est possible de le faire « tout en combattant le RN sur ses propositions et ses idées », a-t-il ajouté.
Au sein de l’opposition, il n’y a finalement que l’extrême droite qui ait épargné Emmanuel Macron, concentrant ses attaques sur les propos de la Première ministre.
A l’image de Jordan Bardella, le président du Rassemblement national, qui a saisi l’occasion pour demander à Elisabeth Borne de s’excuser pour des déclarations qui ont, selon lui, « choqué beaucoup de Français »
Pour sa part, la vice-présidente exécutive de Reconquête!, Marion Maréchal, a dénoncé, « la pauvreté intellectuelle » des déclarations « ringardes » de la Première ministre, donnant « raison » à Emmanuel Macron pour s’en être distancié.
Elle a toutefois regretté que le président se soit limité à critiquer la stratégie pour combattre le RN sans se prononcer sur le fond, y voyant une insulte aux « millions d’électeurs » de l’extrême droite.