High tech : Les Palestiniens, solutions à la pénurie d’employés israéliens ?
Plus de 3 000 étudiants palestiniens décrochent chaque année un diplôme, ce qui crée un excédent de jeunes talents, aptes à combler les besoins du secteur israélien

Les compagnies de high-tech israéliennes ont commencé à réaliser que la solution à leur pénurie de ressources humaines pourrait se trouver à deux pas de chez elles… en Cisjordanie.
Plus de 3 000 étudiants décrochent chaque année un diplôme en informatique ou en ingénierie à l’université An-Najah, en Cisjordanie, ce qui crée un excédent de jeunes talents palestiniens. Bien qu’il n’occupe que peu de place sur une mappemonde, l’Etat d’Israël est un véritable géant de la high-tech, et cela représente une opportunité de taille pour les Palestiniens.
« Nous avons des années de retard par rapport à la high-tech israélienne », affirme Ibrahim, un jeune Palestinien qui travaille pour ASAL Tech, une société de développement de logiciels et d’externalisation basée à Rawabi. « Mais nous espérons profiter un peu de cette expérience. »
Rawabi, fleuron palestinien de la technologie, est une ville-projet estimée à 1,4 milliard de dollars située entre Modiin (en Israël) et Ramallah (en Cisjordanie).
Le projet de Bashar Masri, un Palestino-américain milliardaire qui a fait fortune grâce à ses projets immobiliers au Maroc, en Jordanie et en Egypte, vise à créer des milliers de nouveaux emplois permanents dans la ville.

Mais Rawabi ne suffira pas à résoudre la crise de l’emploi palestinienne. Le taux de chômage dans les Territoires palestiniens a grimpé à 31,7 % pour le troisième trimestre 2018. A Gaza, selon une évaluation de la Banque mondiale, 54 % de la population active est sans emploi. En Israël, le taux de chômage est de 4 %.
Il n’est donc pas surprenant que de plus en plus de Palestiniens aient recours à des permis de travail en Israël. Plus de 100 000 Palestiniens travaillent actuellement en Israël, dont 30 000 sans permis.
Si obtenir un permis de travail auprès du ministère de l’Intérieur s’avère être une procédure simple, après vérification du casier judiciaire, trouver un emploi demeure une tâche plus ardue. De plus, de nombreux Palestiniens versent jusqu’à un tiers de leur salaires à des intermédiaires ou des agences de sous-traitance.
Construire des passerelles

C’est là qu’entre en scène le PIP, Palestinian Internship Program. Il s’agit d’un programme de stage, fondé en 2014 par l’investisseur israélo-américain Yadin Kaufmann, pour aider les jeunes Palestiniens à obtenir leur première expérience dans le secteur des start-up et de la high-tech.
Sa vision du programme consiste à construire des passerelles pour permettre aux Palestiniens de « créer leur propre start-up nation ».
« L’industrie de la high-tech israélienne s’est montrée très ouverte au PIP », déclare Anna Gol, directrice du programme.
« Nous avons actuellement 140 sociétés dans notre base de données, qui ont manifesté leur intérêt pour y participer, que ce soit en recevant un stagiaire, en organisant un atelier ou en étant un mentor pour les stagiaires. Mais nous avons besoin que davantage de compagnies s’impliquent et prennent un stagiaire ou deux. »
Israël cherche à exploiter de nouveaux talents, face à la pénurie d’employés qualifiés. Il y aurait entre 12 000 et 15 000 postes vacants. Cette pénurie serait une menace directe pour le secteur de la technologie, qui est le moteur de l’économie israélienne. Ce manque provient également du fait que de nombreuses compagnies israéliennes cherchent leur talents à l’étranger et les salaires versés montent alors en flèche.
Le programme PIP organise chaque année deux cycles de recrutement et a aidé 47 jeunes à finir leurs stages avec des multinationales qui ont des branches en Israël, notamment Intel, Thomson Reuters et HP Indigo, ainsi que chez l’Israélien Teva.
La plupart des postes de stagiaires sont des postes de développeurs web ou des ingénieurs informatiques, mais les domaines de la finance, de l’entrepreneuriat et du marketing commencent à susciter de plus en plus d’intérêt.
« Le plus gros défi que doivent relever les stagiaires de PIP, c’est l’écart entre les talents », explique Col, originaire de Toronto et diplômée d’un master en Résolution des conflits de l’université de Tel Aviv. « Les compagnies israéliennes sont très exigeantes, que ce soit pour un stage ou un emploi. Les diplômés palestiniens n’ont généralement pas le niveau des diplômés israéliens. cependant, ils ont le potentiel, et PIP donne aux stagiaires des opportunités de se former davantage en les mettant en relation avec des sessions de formations, des mentors et des ateliers. »
Les Palestiniens sont également confrontés aux problèmes du logement et du coût de la vie. « D’un point de vue culturel, cela peut nécessiter une certaine adaptation pour un jeune [qui a grandi dans] un village palestinien de s’installer à Tel Aviv pour un stage. C’est pourquoi, les équipes de PIP ont mis au point un réseau de soutiens pour aider les stagiaires à s’adapter à leur nouvel environnement », a déclaré Gol.
Le climat politique et les récentes tensions à Gaza ne sont pas en reste. Mais Gol assure que le secteur technologique reste imperturbable face à ces évènements. D’ailleurs, le premier cycle du programme, qui s’est déroulé pendant l’opération Bordure protectrice en 2014, a été un franc succès.
PIP est une organisation apolitique qui n’est affiliée ni à l’Autorité palestinienne ni au gouvernement israélien. Actuellement financée par MEPI (Middle East Partnership Initiatives), qui est gérée par le département d’Etat américain, elle travaille avec le COGAT, un organe du ministère de la Défense chargé de coordonner les activités israéliennes dans les Territoires palestiniens. Le COGAT accorde aux stagiaires de PIP les permis et l’assistance nécessaires pour les déplacements transfrontaliers.
Une start-up nation palestinienne ?
Il va de soi que les partenariats avec des villes comme Rawabi ne laissent pas insensibles les mouvements de Boycott, Désinvestissement et Sanction (BDS), entre autres groupes, qui les accusent de « normaliser » les relations avec Israël.
« Notre objectif est d’aider les jeunes palestiniens à développer leurs compétence de manière professionnelle et à les aider à démarrer dans la high-tech », souligne Gol. « Une fois qu’ils ont été en mesure de développer leurs compétences, ils peuvent avancer vers des postes de direction. Chez PIP, en 5 ans d’activité, nous avons vu des étudiants terminer leurs études, gérer des hubs palestiniens et créer leurs propres sociétés. Tout cela contribue à a croissance du secteur technologique palestinien. »
Alors, les Palestiniens peuvent créer leur propre start-up nation ? « C’est ce qu’ils font déjà », affirme Gol. « Mais pour continuer sur cette voie, il faut intensifier la confiance et investir dans une économie palestinienne basée sur la technologie. La plupart des jeunes adultes doivent endosser des rôles de dirigeants, et nous espérons voir davantage de sociétés israéliennes et de multinationales impliquées auprès de PIP en 2019. »
En plus de fournir un emploi et des opportunités aux jeunes Palestiniens, les programmes tels que PIP permettent de faire tomber des barrières sociales. « Les jeunes Palestiniens, qui ne connaissent les Israéliens qu’en soldats ou en politiciens, développent des relations personnelles et professionnelles avec les Israéliens durant leurs stages », détaille Gol.
« Les jeunes Israéliens qui ne connaissent les Palestiniens qu’à travers le prisme négatif des médias en apprennent davantage sur la culture et la société palestinienne – leurs collègues palestiniens sont de vraies personnes, avec de vraies expériences à partager, desquelles on peut apprendre. De véritables amitiés ont été créées par le biais de cette collaboration économique. »
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