Huit mois après le 7 octobre, le combat de proches d’otages pour qu’on ne les oublie pas
Un peu avant leur témoignage à l'ONU, une conférence à Sderot évoque les difficultés des proches d’otages du Hamas et invite les journalistes à donner leur avis
Huit mois après le 7 octobre, les proches d’otages disent avoir du mal à continuer à faire parler des leurs, en Israël comme ailleurs.
Ils ont tout tenté ou presque pour faire en sorte que l’on parle encore des otages, en allant d’expositions artistiques sur la Place des Otages, à Tel Aviv à des intrusions lors de réunions de commissions de la Knesset, mais ils sont nombreux à avoir l’impression de ne plus intéresser le grand public.
« Je pense qu’il faut faire preuve d’imagination pour susciter l’intérêt », a témoigné Meirav Leshem-Gonen, la mère de Romi, enlevée par le Hamas le 7 octobre lors de l’attaque de la rave Supernova. Elle l’a fait devant le parterre de journalistes et d’influenceurs des réseaux sociaux réunis au centre communautaire de Sderot, lundi après-midi.
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Faites pour attirer l’attention des médias, ces tables rondes organisées par le Forum des proches d’otages et de disparus ont attiré une centaine de personnes dans cette ville du sud d’Israël qui se remet doucement des massacres du Hamas.
Un grand nombre d’habitants sont revenus à Sderot pour y refaire leur vie, après le 7 octobre, mais les rues restent calmes et des soldats sont postés aux entrées de la ville.
De nombreux panélistes – proches d’otages, porte-paroles et journalistes – ont indiqué que le sort des otages n’intéressait plus guère en Israël.
« Cela fait plus de 200 jours, on a l’impression que les gens se sont habitués », a déploré Gil Dickmann, cousin de l’otage du Hamas, Carmel Gat. « Comment peut-on s’habituer à ce que des gens soient pris en otages ? C’est totalement anormal ».
Dickmann a expliqué de quelle manière il concevait le principe de défense des droits : « Il faut constamment innover. Si on a fait une chose une semaine, alors il faut faire quelque chose de différent la suivante – planter des tentes devant le domicile des membres du gouvernement, manifester à la Knesset. »
Lors de ces tables-rondes, d’autres participants ont évoqué l’indifférence, si ce n’est l’opposition, auxquels les défenseurs des otages sont confrontés à l’étranger.
« C’est terrible, il faut en faire toujours plus. Que peuvent-ils faire d’autre [les proches d’otages] pour attirer l’attention des médias étrangers ? », a questionné le correspondant national en chef d’ABC, Matt Gutman.
Cette conférence s’est tenue quelques jours avant son dernier appel en date à la communauté internationale, mercredi dernier, lorsque deux proches d’otages ont témoigné à Genève devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies dans le cadre d’une commission d’enquête.
Le Conseil et le gouvernement israélien ne sont pas en bons termes, essentiellement en raison de ce qu’Israël considère comme un parti pris anti-Israël de longue date.
Une des commissions sous son autorité a accusé l’armée israélienne d’avoir commis des crimes contre l’humanité lors de son offensive à Gaza, ce qu’Israël nie catégoriquement. Elle a par ailleurs constaté que les terroristes du Hamas avaient commis des crimes de guerre, notamment dans le cadre de son attaque sans précédent du 7 octobre dernier et des prises d’otages.
Mercredi dernier, la délégation israélienne a donc cédé son traditionnel temps de parole à Leshem-Gonen.
Pour cette dernière, les conclusions du rapport ne reflètent pas la réalité de l’attaque du 7 octobre. Elle a témoigné devant le Conseil des droits de l’homme le 19 juin dernier, à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination des violences sexuelles lors de conflits.
Elle a déploré que la commission ait banalisé « la gravité des violences sexuelles subies par les femmes en captivité en limitant leur souffrance au fait d’être montrées comme des trophées ».
Gonen a reproché à la commission ses « simplifications excessives et son attitude dédaigneuse », selon elle « révélatrices d’un plus gros problème, à savoir la réticence à affronter des vérités difficiles et la décision choquante de détourner le regard et d’abandonner des personnes sans défense ».
Lors de la conférence de la semaine dernière, Leshem-Gonen a, à l’instar d’autres proches d’otages, parlé de ses déceptions avant d’écouter les témoignages d’ex-otages raconter leur captivité aux mains du Hamas.
Danielle Aloni, 44 ans, libérée à la faveur d’un cessez-le-feu d’une semaine en novembre dernier, a rappelé depuis la tribune que les terroristes du Hamas l’avaient emmenée, elle et d’autres habitants de Nir Oz, dans les tunnels de Gaza dès le matin du 7 octobre, le jour où les terroristes ont tué plus de 1 200 personnes et fait 251 otages.
« Je l’ai déjà dit et je n’ai pas à en avoir honte – le terroriste qui m’attendait dans le tunnel alors que je descendais l’échelle a arraché mes bijoux », a-t-elle déclaré. « Il m’a tripotée et s’en est pris à mon intimité d’une façon extrêmement humiliante, au vu et au su de ma fille – par peur, je n’ai pas protesté. »
Au début de la conférence, les journalistes ont évoqué leur manière de parler des otages et expliqué ce qui avait eu le plus d’impact auprès du grand public depuis leur média respectif. Ils ont dans l’ensemble souligné l’existence d’une énorme différence entre la presse internationale et israélienne en ce qui concerne la couverture de la guerre.
« Très honnêtement, les médias israéliens traitent moins de ce qui se passe à Gaza, sont moins enclins à l’empathie par rapport à ce qui s’y passe, à juste titre », a expliqué l’ex-rédacteur en chef de Ynet, Ron Yaron.
Selon Yaron, c’est parce que les Israéliens sont moins dupes de l’hypocrisie du Hamas, « qui, d’un côté, s’insurge de la mort de civils innocents et, de l’autre, cache des armes et des otages chez ces mêmes innocents ».
Pour ABC, Gutman a, dans le cadre de la table ronde dédiée aux journalistes étrangers anglophones, parlé dans le détail de l’équilibre qu’il tente de trouver entre l’évocation de la situation des otages et de leurs proches et la souffrance, selon lui, « indicible et ô combien réelle », côté palestinien.
« Il y a dissonance entre la question des otages et la guerre bien réelle qui se déroule, et le nombre très élevé de victimes côté palestinien », a déclaré Gutman.
Selon le ministère de la Santé de Gaza dirigé par le Hamas, plus de 37 000 personnes sont mortes ou présumées mortes du fait des combats dans la bande de Gaza. Ce bilan, invérifiable, comprend sans doute les 15 000 terroristes dont Israël revendique la mort lors du conflit, auquel s’ajoute le millier de terroristes tués en territoire israélien dans la journée du 7 octobre.
« Il faut constamment veiller à cet équilibre. Dans les informations, il faut aussi rendre compte des personnes tuées et des difficultés à Gaza. C’est très difficile de jongler entre les deux », a-t-il poursuivi.
Contrairement à d’autres membres de la table ronde, Gutman a confié que l’histoire des otages touchait de près nombre de ses téléspectateurs.
« Ce que vivent les otages, leurs proches, touche profondément les téléspectateurs, du moins ici, à ABC, dont l’audience est plutôt âgée. Enormément de personnes, au fin fond des Etats-Unis, s’identifient à ces familles, ces parents et grands-parents d’otages. »
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