Implantations : Israël s’apprête à bâtir 7 000 logements et réactive le projet E1
Il s’agit de la plus importante opération depuis des années. L’audience supposée statuer sur les recours au projet E1, rompant la continuité palestinienne en Cisjordanie, a été reportée
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Israël tente à nouveau de relancer le projet très controversé d’implantation dans la zone E1, qui aurait pour conséquence de mettre un terme à la continuité du peuplement palestinien en Cisjordanie, alors qu’il a déjà donné le feu vert, jeudi, à la construction de 7 000 logements au sein d’implantations existantes.
C’est le plus grand nombre de nouvelles constructions jamais autorisé en une seule séance.
Ces mesures retentissantes, destinées à renforcer la présence d’Israël au-delà de la Ligne verte, sont prises par un gouvernement Netanyahu qui fêtera bientôt son deuxième mois au pouvoir.
Les accords conclus pour constituer la coalition actuelle envisageaient déjà d’étendre sensiblement les implantations et d’annexer de grandes parties de la Cisjordanie, sur lesquelles le gouvernement pense que « le peuple juif a un droit exclusif et inaliénable » à vivre et prospérer.
Netanyahu a un droit de veto sur la question des annexions, dont il devrait logiquement faire usage dans la mesure où cette décision fermerait sûrement la porte à un accord de normalisation avec l’Arabie saoudite.
Mais les critiques estiment que le gouvernement maintient le cap sur son projet d’annexion de facto, comme l’illustre la décision, jeudi, de confier au ministre des Finances d’extrême droite, Bezalel Smotrich, l’Administration civile, organe du ministère de la Défense chargé d’autoriser la construction des implantations.
Le premier sous-comité de planification de l’Administration civile réuni dans ce nouveau format a d’ores et déjà autorisé la construction de 7 157 logements au sein d’implantations et devrait publier sous peu des appels d’offres pour 2 000 logements supplémentaires d’ici la fin de la semaine.
Parmi les programmes examinés mercredi et jeudi, figurent les projets de construction de 5 257 logements dans 35 implantations, autorisés lors de la phase antérieure de planification, et de 1 900 logements qui ont reçu l’ultime autorisation.
Le volume total des autorisations données cette semaine dépasse de loin celui des années précédentes, que ce soit 2022 (4 427 logements) ou 2021 (3 645).
Les projets autorisés cette semaine concernent notamment quatre avant-postes illégaux – Mevoot Yericho, Nofei Nehemia, Pnei Kedem et Nativ Haavot -, qui seront donc légalisés après autorisation de la phase finale.
Ce projet de construction de 433 logements a été autorisé pour compenser les 15 logements détruits par les autorités à Netiv HaAvot, car construits sur des terres appartenant à des propriétaires palestiniens.
Cette liste ne comprend pas les neuf avant-postes que le gouvernement a annoncé vouloir légaliser, ce mois-ci, en réaction aux attentats terroristes de Jérusalem-Est.
Cette décision a suscité un très grand nombre de condamnations de par le monde, car la majeure partie de la communauté internationale estime les implantations illégales, là où Israël opère un distinguo entre implantations légales, autorisées par le ministère de la Défense sur des terres appartenant à l’État, et les avant-postes illégaux, construits sans permis et souvent sur des terrains appartenant à des propriétaires palestiniens privés.
Toutefois, des avant-postes sont parfois établis avec l’approbation tacite de l’État, et les gouvernements passés ont fait en sorte de légaliser certaines de ces communautés non reconnues, dont le nombre total avoisine la centaine.
Parmi les projets autorisés au stade de la planification, on recense 408 logements à Maale Amos, au nord-est d’Hébron, 308 à Nokdim, 486 à Givat Zeev, au nord de Jérusalem, 627 à Kochav Yaakov, 356 dans l’implantation voisine d’Adam et enfin, 346 à Mitzpe Yericho, dans le désert de Judée.
Les projets ayant reçu l’autorisation de construction finale concernent 380 logements dans l’implantation de Kedumim (celui de Smotrich), au nord de la Cisjordanie, 212 dans l’implantation voisine de Rechelim, 210 dans celle de Mevo Horon et enfin 179 dans celle d’Einav.
Alors que le sous-comité de planification supérieur se réunissait jeudi, le sous-comité de l’Administration civile chargé d’examiner les objections juridiques aux projets d’implantations a reporté au 27 mars l’audience prévue pour statuer sur l’opposition au projet de règlement de la zone connue sous le nom de E1.
Le projet de construction de 3 412 logements dans le nouveau quartier de Maale Adumim est qualifié d’« apocalyptique » par ses opposants car il aurait pour conséquence de diviser la Cisjordanie en deux régions, l’une nord et l’autre sud, empêchant le développement d’une métropole palestinienne reliant Jérusalem-Est à Bethléem et Ramallah, dont les Palestiniens espèrent depuis longtemps qu’elle sera le fondement de leur futur État.
Le gouvernement précédent avait tenté de tenir cette audience à trois reprises, au moins, avant d’accepter de la reporter sous la pression des États-Unis et des pays européens.
Si l’audience sur la zone E1 a effectivement lieu le mois prochain et que les objections sont levées, comme c’est souvent le cas pour de tels recours, le projet devra toutefois obtenir d’autres autorisations avant que les travaux ne commencent. La procédure prend généralement des mois, si ce n’est des années.
Mais chaque nouvelle étape rend ces projets plus difficiles à contrecarrer, et l’autorisation du programme pour la zone E1, après la phase de recours, marquerait une victoire majeure des tenants des implantations.
L’organisme de surveillance des implantations La Paix Maintenant a réagi aux annonces de jeudi par une déclaration affirmant que le gouvernement « détruisait toute chance de solution politique et de paix ».
Il a ajouté que l’« unique but du projet E1 était d’empêcher physiquement la continuité territoriale requise pour l’établissement d’un futur État palestinien » et, qu’en agissant ainsi, le gouvernement « crachait au visage des États-Unis » après s’être engagé cette semaine à geler les projets d’implantations durant plusieurs mois.
Certes, cet engagement n’inclue pas les projets examinés cette semaine et le sous-comité de planification de l’Administration civile se réunit tous les trimestres, quoi qu’il arrive.
« Ce gouvernement annexionniste agit comme s’il exécutait un plan qui nous entraîne vers un apartheid avéré», a ajouté La Paix Maintenant.
Yossi Dagan, responsable de résidents d’implantations dans le nord de la Cisjordanie, s’est réjoui de l’autorisation rétroactive donnée à 118 logements situés dans l’avant-poste de Nofei Nehemia, dans le ressort de son conseil régional de Samarie, après 20 ans de lutte.
« C’est une excellente nouvelle pour la Samarie, pour l’implantation et pour toute la nation d’Israël », a-t-il dit, utilisant le nom biblique pour désigner les lieux.
Shlomo Neeman, président du conseil des maires de Yesha, a déclaré que les autorisations constituaient « un formidable coup de pouce ».