Interdits d’accès à Meron, les fidèles juifs fêtent Lag BaOmer à Jérusalem-Est
Ils sont des milliers à s'être recueillis sur la tombe de Shimon HaTzadik sous l’œil de la police, qui avait fermé le quartier sensible de Sheikh Jarrah
Des milliers de fidèles juifs ont afflué, samedi soir, dans le quartier tendu de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, pour célébrer la fête juive de Lag BaOmer, le gouvernement ayant décidé de fortement limiter les festivités traditionnelles sur le mont Meron, par crainte de roquettes venues du Liban, dans le contexte d’attaques transfrontalières quotidiennes de la part des terroristes du Hezbollah.
Des centaines de policiers avaient fermé le secteur de la tombe, à Jérusalem-Est, du grand prêtre du IIe siècle Shimon HaTzadik (Simon le Juste), et interdit l’entrée de ce quartier à majorité palestinienne par des barricades, pour la venue d’Israéliens religieux de tout le pays, rassemblés dans un grand stade avec des entrées séparées pour les hommes et les femmes.
Aux alentours de minuit, le grand rabbin séfarade Yitzhak Yosef a prononcé un discours devant les milliers de personnes rassemblées sur la pelouse. Il a pris la parole depuis la section des hommes, les femmes suivant son allocution sur grand écran.
Pour les Juifs, Lag BaOmer marque une césure dans la période de quasi-deuil de 49 jours entre le début de Pessah et Chavouot : en hébreu, l’expression signifie le « 33e jour du Omer ».
Normalement, quelque 100 000 personnes se retrouvent au mont Meron, en Galilée, célèbre lieu de pèlerinage sur la tombe présumée du sage du 2ème siècle, Rabbi Shimon Bar Yochaï. Cette année, le gouvernement a annulé cet événement de grande ampleur en raison de la guerre, invitant les fidèles à se rendre plus au sud, à Beit Shemesh et Jérusalem, et notablement, au mur Occidental.
La police avait édicté une interdiction totale de se trouver dans les environs du mont Meron, déclaré zone militaire d’exclusion. Sur place, les célébrations se sont limitées à trois cérémonies d’allumage de feu de joie auxquelles n’ont pu assister qu’une trentaine de personnes chacune.
Malgré tout, des centaines d’hommes et garçons haredim ont tenté de se rendre sur place, certains d’entre eux ayant lancé des bouteilles sur les policiers. Deux hommes au moins ont été exclus du complexe par des policiers.
חרדים קיצונים מתפרעים בהר מירון pic.twitter.com/NVeVPWgAvQ
— יואלי ברים yoeli brim (@yoeli_brim) May 25, 2024
Les trois feux de joie traditionnels n’ont commencé que vers 5 heures du matin – le premier sous la conduite du chef de la dynastie hassidique Boyan Nachum Dov Brayer, le deuxième sous celle du grand rabbin de Jérusalem, Shlomo Amar, et le dernier par le grand rabbin de Safed, Shmuel Eliyahu.
Cette fête est très importante pour les Juifs orthodoxes pour plusieurs raisons : c’est en effet le jour anniversaire de la mort du sage Shimon Bar Yochai, mais également aussi celui de la fin d’une épidémie de peste qui, d’après la tradition talmudique, aurait fait des milliers de victimes parmi les étudiants du sage de l’époque mishnaïque Rabbi Akiva.
À Sheikh Jarrah, samedi soir, le public se composait essentiellement de Haredim – étudiants de yeshiva, rabbins et parents avec leurs enfants. Ils étaient nombreux à être venus d’ailleurs que Jérusalem, en particulier du nord d’Israël et de Cisjordanie.
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Shimon Goldstein, un habitant de Tibériade venu à Jérusalem pour l’occasion, a dit au Times of Israel qu’il ne nourrissait aucune crainte concernant de possibles violences grâce à une impressionnante présence policière.
Il a choisi de venir se recueillir sur la tombe de Shimon HaTzadik plutôt que d’aller à Beit Shemesh, non seulement pour écouter le discours de Rabbi Yitzhak Yossef, mais aussi en raison de la commodité des lieux.
« À Beit Shemesh, je n’aurais eu nulle part où m’asseoir. Je suis un homme déjà un peu âgé, ici j’ai de quoi m’asseoir », dit-il en riant.
Les autorités de Jérusalem n’avaient pas autorisé l’allumage de feux de joie, une des coutumes de Lag Baomer. Seul Rabbi Yossef a pu allumer un feu sur scène, devant une foule qui dansait, aux alentours de minuit.
Le rabbin a ensuite prononcé un bref discours face au public, en évoquant Shimon HaTzadik.
« Dans Pirkei Avot, Shimon HaTzadik dit que le monde repose sur trois choses : la Torah, le service du Temple et les actes de piété », a expliqué Yossef, ajoutant que le fait que le grand prêtre parle de la Torah prouvait l’importance centrale de son étude.
« Il nous faut prier et étudier sans relâche pour le bien des soldats de l’armée israélienne et le retour rapide de tous les otages. Bénies soient les personnes déplacées du nord, qui pourront bientôt rentrer chez elles. Avec l’aide de Dieu, nous gagnerons la guerre », a-t-il poursuivi.
La célébration de Sheikh Jarrah avait été organisée par le ministère des Affaires et du Patrimoine de Jérusalem, sous la direction du ministre Meir Porush, du parti Yahadout HaTorah, comme alternative à celle de Meron, a confirmé un porte-parole du ministère au Times of Israel.
La tombe de Shimon HaTzadik, lieu de pèlerinage moins connu mais toujours fréquenté au moment de Lag BaOmer, réunit généralement une dizaine de milliers de fidèles à cette occasion. Cette année, le ministère tablait sur une fréquentation trois fois lus élevée.
La tombe de Shimon HaTzadik, à Sheikh Jarrah, quartier majoritairement palestinien et point névralgique du conflit depuis le début des années 2000, était un lieu de pèlerinage de la communauté juive de l’ancien Yishouv de Jérusalem dès l’époque ottomane. Il permettait aux nombreux Juifs incapables d’entreprendre un long et difficile voyage vers le nord de pouvoir se recueillir sur place.
À la fin du XIXe siècle, les Juifs ont commencé à s’installer dans les parages, dans deux quartiers, ceux de Shimon HaTzadik et de Nahalat Shimon. Ils ont dû fuir face à l’armée jordanienne durant la guerre d’indépendance d’Israël, en 1948. Les autorités jordaniennes, en charge de Jérusalem-Est entre 1948 et 1967, ont par la suite installé à Sheikh Jarrah des réfugiés palestiniens venus de l’intérieur de la Ligne verte, où vivent encore beaucoup des leurs.
Le quartier est passé sous contrôle israélien en 1967 et est devenu un point focal du conflit israélo-palestinien au début des années 2000, lorsque des organisations juives privées, sans lien avec les anciens propriétaires, ont commencé à racheter des maisons occupées par des familles palestiniennes pour les remettre à des Juifs.
À l’extérieur du stade, samedi soir, les habitants juifs de Sheikh Jarrah avaient organisé leur propre feu de joie. Ils n’ont pas souhaité témoigner. Sous couvert d’anonymat, l’un d’entre eux a dit que ce feu de joie avait été autorisé par la police.
Par voie de communiqué publié mercredi, Ir Amim, organisation pacifiste qui examine la politique du gouvernement à Jérusalem-Est, avait averti de la venue, pour se recueillir sur une tombe juive, de nombreux pèlerins.
« Pour les autorités, le fait d’autoriser cet événement et de promouvoir l’expulsion et le déplacement des Palestiniens de Sheikh Jarrah ne plaide pas en faveur de la diversité mais est au contraire une façon d’israéliser Jérusalem-Est », a écrit Ir Amim dans ce communiqué.
Canaan Lidor a contribué à cet article.