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Irak : les Kurdes ont commencé à voter pour leur indépendance

L'élection non contraignante, qu'Israël est le seul pays à soutenir, a irrité l'Iran et la Turquie, inquiets de leurs propres minorités kurdes

Kurdes irakiens devant le parlement de la région autonome du Kurdistan, à Erbil, le 15 septembre 2017. (Crédit : Safin Hamed/AFP)
Kurdes irakiens devant le parlement de la région autonome du Kurdistan, à Erbil, le 15 septembre 2017. (Crédit : Safin Hamed/AFP)

Les Kurdes d’Irak ont commencé à voter lundi pour leur indépendance lors d’un référendum historique qui doit ouvrir la voie à un État pour lequel ils luttent depuis près d’un siècle, ont rapporté des journalistes de l’AFP.

Le scrutin, initié par le président kurde Massoud Barzani, se tient non seulement dans la région autonome du Kurdistan (nord de l’Irak), qui comprend les provinces d’Erbil, Souleimaniyeh et Dohouk, mais aussi dans des zones que se disputent les Kurdes et le gouvernement central irakien.

A Souleimaniyeh, deuxième ville du Kurdistan, Diyar Omar, un employé de 40 ans, est venu voter en habit traditionnel kurde.

« Nous allons obtenir notre indépendance par les urnes et je suis très heureux d’être le premier votant », a-t-il affirmé en arrivant au bureau de vote.

« Je suis très heureux de pouvoir participer de mon vivant à ce scrutin d’indépendance », a-t-il ajouté.

Une fête

A Erbil, devant le plus important centre vote, une vache a été égorgée avant le début du vote alors qu’une longue file de votants en habit traditionnel attendait l’ouverture des bureaux.

« J’ai apporté cette vache car aujourd’hui c’est la naissance de l’Etat et car c’est la tradition d’égorger une vache lors des naissances », a assuré Dalgach Abdallah, un avocat de 27 ans.

« Je suis venu très tôt pour être le premier à voter pour l’Etat kurde. C’est une fête aujourd’hui. C’est pour cela que j’ai mis l’habit traditionnel que j’ai acheté pour l’occasion », a déclaré Diyar Aboubakr, 33 ans, un travailleur journalier.

Le Premier ministre irakien Haider Al-Abadi (Crédit : CC BY 2.0)
Le Premier ministre irakien Haider Al-Abadi (Crédit : CC BY 2.0)

Cette consultation constitue toutefois un pari risqué car le Premier ministre irakien, Haider al-Abadi, a clairement fait savoir qu’il prendrait « les mesures nécessaires » pour préserver l’unité du pays.

Des pays voisins comme la Turquie et l’Iran, inquiets de voir leurs minorités kurdes suivre l’exemple, ont aussi menacé de représailles. Le président iranien Hassan Rouhani s’est entretenu par téléphone dimanche soir avec Abadi pour réitérer son « soutien total », selon l’agence iranienne Irna.

Les bureaux de vote doivent rester ouverts jusqu’à 18h00 pour permettre aux 5 375 000 inscrits de se prononcer.

Selon, l’agence kurde Rudaw, Massoud Barzani, souriant et en habit traditionnel a voté tôt ce matin.

Au total, 12 072 bureaux de vote sont installés dans la région autonome du Kurdistan et dans des zones que se disputent les Kurdes et le gouvernement central irakien.

Un Kurde irakien devant les listes électorales affichées devant un bureau de vote d'Erbil, à la veille du référendum sur l'indépendance du Kurdistan irakien, le 24 septembre 2017. (Crédit : Safin Hamed/AFP)
Un Kurde irakien devant les listes électorales affichées devant un bureau de vote d’Erbil, à la veille du référendum sur l’indépendance du Kurdistan irakien, le 24 septembre 2017. (Crédit : Safin Hamed/AFP)

Ainsi, dans la riche province pétrolière de Kirkouk et dans celle de Ninive dans le nord du pays, comme dans celles de Dyala et de Salaheddine, au nord de Bagdad, plus de deux millions d’électeurs sont appelés à se rendre dans les 4 869 bureaux de vote, selon la commission électorale.

A Kirkouk, les mosquées ont lancé du haut des minarets des appels à aller voter, mais l’affluence était limitée.

« Si j’avais vingt doigts j’aurais voté vingt fois pour mon Etat », a clamé Ibtissam Mohammmad, 45 ans, en référence au fait que l’on doit tremper son index dans l’encre avant de mettre son bulletin dans l’urne.

Mais dans cette ville disputée où se côtoient Kurdes, Arabes et Turkmènes, certains n’étaient pas du même avis.

« J’ai le sentiment que mon identité, ma nationalité, mon patrimoine et mon histoire seront perdues », a déploré Abdullah Auji, un enseignant turkmène de 42 ans affirmant s’abstenir.

Des Kurdes irakiens vont voter pour le référendum d'indépendance du Kurdistan, à Erbil, la capitale de la région autonome, le 25 septembre 2017. (Crédit : Safin Hamed/AFP)
Des Kurdes irakiens vont voter pour le référendum d’indépendance du Kurdistan, à Erbil, la capitale de la région autonome, le 25 septembre 2017. (Crédit : Safin Hamed/AFP)

‘Tragédies du passé’

A Khanaqine, territoire de la province de Dyala revendiqué par les Kurdes, Oum Ali, 30 ans, explique que le référendum va déterminer son futur et celui de ses enfants. « Je ne veux pas la séparation avec l’Irak, ni de violence, ni de guerre », a-t-elle dit.

Le résultat ne fait aucun doute: les Kurdes, partagés entre l’Irak, la Syrie, l’Iran et la Turquie, n’ont jamais accepté le traité de Lausanne de 1923 les privant d’un État indépendant sur les dépouilles de l’empire ottoman.

Lors d’une conférence de presse dimanche dans sa capitale d’Erbil, Massoud Barzani s’est montré inflexible.

« Le partenariat a échoué avec Bagdad et nous ne le reprendrons pas. Nous sommes arrivés à la conviction que l’indépendance permettra de ne pas répéter les tragédies du passé », a-t-il martelé d’une voix calme mais ferme.

Massoud Barzani, au centre, président de la région autonome du Kurdistan irakien, pendant un rassemblement de soutien au référendum sur l'indépendance du Kurdistan, à Sulaimaniya, le 20 septembre 2017. (Crédit : Shwan Mohammed/AFP)
Massoud Barzani, au centre, président de la région autonome du Kurdistan irakien, pendant un rassemblement de soutien au référendum sur l’indépendance du Kurdistan, à Sulaimaniya, le 20 septembre 2017. (Crédit : Shwan Mohammed/AFP)

« Nous nous attendons à des réactions d’un côté ou de l’autre, mais nous en sommes venus à une conviction : quel que soit le risque et le prix, c’est mieux que d’attendre un sombre destin », a-t-il clamé.

Il a toutefois souligné qu’une victoire du « oui » ne serait que le début « d’un long processus » vers l’indépendance et qu’il était prêt à négocier avec Bagdad les frontières de son Etat.

Intervenant au même moment depuis Bagdad dans un discours solennel, le Premier ministre irakien a refusé le divorce.

« Prendre une décision unilatérale affectant l’unité de l’Irak et sa sécurité ainsi que la sécurité de la région avec un référendum de séparation est contre la Constitution et la paix civile », a-t-il insisté.

Pétrole en jeu

Un peu plus tôt, parmi les pays voisins, l’Iran avait pris une première mesure de rétorsion en interdisant jusqu’à nouvel ordre tous les vols avec le Kurdistan irakien, à la demande du gouvernement de Bagdad.

La Turquie, elle, a déjà averti que les représailles auraient des volets « sécuritaire » et « économique », pendant que son armée a intensifié ses manœuvres à la frontière.

Le gouvernement irakien a demandé dimanche à tous les pays de ne traiter qu’avec lui pour toutes les transactions pétrolières.

Le Kurdistan produit en moyenne 600 000 barils par jour dont 550 000 b/j sont exportés via Ceyhan, en Turquie.

Ces menaces, qui pourraient asphyxier économiquement le Kurdistan, inquiètent les électeurs même si l’entrain est de mise. A Erbil, les drapeaux kurdes flottent partout dans les rues.

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