Irak : les partis chiites pro-Iran en tête des élections provinciales
Le scrutin était accompagné d'une forte désillusion dans un pays miné par une corruption endémique, et où les habitants souffrent au quotidien d'infrastructures en déliquescence et de services publics défaillants
Dans la plupart des provinces d’Irak, les partis chiites pro-Iran arrivent en tête des élections provinciales, selon des résultats préliminaires annoncés mardi par la commission électorale, illustrant une nouvelle fois l’emprise de ce camp sur la vie politique du pays.
Premier scrutin du genre en une décennie, des élections pour nommer les conseils provinciaux se sont tenues lundi dans 15 provinces du pays multiconfessionnel et multiethnique, où la communauté chiite est majoritaire parmi les 43 millions d’habitants.
Instaurés après l’invasion américaine et la chute de Saddam Hussein en 2003, les conseils jouissent d’importantes prérogatives : élection du gouverneur de la province et allocations des budgets de la santé, des transports ou de l’éducation.
Mais le scrutin était accompagné d’une forte désillusion au sein d’une partie de l’opinion publique dans un pays riche en hydrocarbures mais miné par une corruption endémique, et où les habitants souffrent au quotidien d’infrastructures en déliquescence et de services publics défaillants.
Mardi en conférence de presse, des responsables de la commission électorale ont lu pour chaque province le classement et le nombre de voix remportées par chaque formation politique, après un dépouillement de 94,4 % des bulletins de vote.
Dans neuf provinces du centre et du sud, deux tendances se dessinent : les grands vainqueurs sont soit les formations des gouverneurs sortant, ou surtout les coalitions formées par les partis pro-Iran dominant le Parlement.
Pour Dhi Qar, Missane, Bassora, Babylone, Najaf, Mouthana ou encore Wassit, les mêmes alliances se disputent souvent les premières places.
Parmi ces groupes pro-Iran, figure la coalition « Nabni » (« nous construisons »), emmenée par Hadi al-Ameri, un haut commandant du Hachd al-Chaabi, anciens paramilitaires désormais intégrés aux forces régulières.
Mais aussi la coalition « Etat de droit », de l’ancien Premier ministre Nouri al-Maliki, faisant partie du même bord politique.
Les talonnant de près il y a la coalition des Forces patriotiques de l’Etat (Ammar al-Hakim et l’ex-premier ministre Haider al-Abadi).
Faible participation
Dans la capitale Bagdad, la première place est remportée par Taqadom (Progrès en arabe), le parti de l’influent politicien sunnite Mohamed al-Halboussi.
Mais il est talonné de près par Nabni et Etat de droit, en deuxième et troisième positions.
M. Halboussi, ex-chef du Parlement, arrive en tête dans sa province majoritairement sunnite d’al-Anbar (ouest).
En fonction de leurs résultats, les différents partis vont se répartir les sièges au sein de chaque conseil. Si le conseil provincial de Bagdad compte 49 élus, celui de Bassora en compte 22.
Pour des experts, les élections de lundi venaient essentiellement consolider le camp pro-Iran. Majoritaires au Parlement, ces partis avaient nommé l’actuel gouvernement de Mohamed Chia al-Soudani.
Ces formations cultivent des liens historiques avec le puissant voisin iranien, partenaire commercial de premier plan qui jouit également d’une forte influence politique à Bagdad.
Après un bras-de-fer avec ses adversaires politiques, l’influent leader religieux chiite Moqtada Sadr a boycotté les élections provinciales. Il avait déjà annoncé son retrait de la vie politique au moment d’affrontements meurtriers à l’été 2022 en plein cœur de Bagdad.
« Le taux de participation est de 41% », a rappelé mardi en conférence de presse un responsable de la commission électorale, indiquant que 6,6 millions de personnes avaient voté, sur un total de 16,1 millions d’électeurs inscrits.
Un chiffre en baisse par rapport au dernier vote pour les conseils provinciaux organisé en 2013 où la participation s’élevait à 51%.
La participation la plus élevée a été enregistrée à Kirkouk (65 %), province multi-ethnique du nord que se disputent les grands partis des communautés arabe, kurde et turcomane.
Dans cette province riche en pétrole, l’Union patriotique du Kurdistan, UPK, remporte la première place. Mais pour nommer un gouverneur, la communauté kurde, divisée, devra affronter la compétition des coalitions turcomane et arabe.