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Irak : l’outsider anti-américain Moqtada Sadr remporte les législatives

Marquées par une abstention record, les élections ont abouti à l'assemblée la plus fragmentée depuis le premier scrutin multipartite de 2005

Des Irakiennes font la queue à un bureau de vote du district Wadi Hajar à Mossoul, le 12 mai 2018, encore partiellement en ruines après le combat qui duré des mois pour vaincre l'Etat islamique (EI) (Crédit :  AFP PHOTO / AHMAD AL-RUBAYE)
Des Irakiennes font la queue à un bureau de vote du district Wadi Hajar à Mossoul, le 12 mai 2018, encore partiellement en ruines après le combat qui duré des mois pour vaincre l'Etat islamique (EI) (Crédit : AFP PHOTO / AHMAD AL-RUBAYE)

Le turbulent leader chiite Moqtada Sadr, rendu célèbre par son combat contre les forces américaines en Irak, a remporté les législatives mais il devra désormais composer avec les autres formations pour gouverner un pays miné par la corruption.

Selon les résultats définitifs du scrutin du 12 mai annoncés samedi après un long décompte, l’alliance inédite entre le populiste Sadr et les communistes a obtenu 54 sièges. Elle est suivie de celle des pro-Hachd al-Chaabi, supplétif crucial de l’armée dans la lutte anti-jihadistes (47 sièges) et de celle du Premier ministre sortant Haider al-Abadi (42 sièges).

Pour Moqtada Sadr, un religieux de 44 ans devenu le héraut des manifestations anti-corruption en Irak, avec ces résultats « la réforme a gagné et la corruption est affaiblie » dans un pays riche en pétrole mais peu doté en infrastructures.

Marquées par une abstention record, les élections, les premières après la victoire annoncée fin 2017 sur le groupe jihadiste Etat islamique (EI), ont abouti à l’assemblée la plus fragmentée depuis le premier scrutin multipartite de 2005.

Après la chute en 2003 de l’ex-président Saddam Hussein, consécutive à l’invasion américaine de l’Irak, la Constitution a été rédigée pour empêcher un retour à la dictature et les différentes forces politiques doivent négocier de savantes alliances pour former un gouvernement.

Des Irakiennes font la queue à un bureau de vote du district Wadi Hajar à Mossoul, le 12 mai 2018, encore partiellement en ruines après le combat qui duré des mois pour vaincre l’Etat islamique (EI) (Crédit : AFP PHOTO / AHMAD AL-RUBAYE)

« Nous entrons dans la phase de formation des coalitions » à proprement parler, a déclaré à l’AFP le politologue irakien Hicham al-Hachémi.

Et ces négociations, généralement longues après chaque scrutin parlementaire, s’annoncent cette fois-ci plus compliquées encore.

La liste gagnante du religieux Moqtada Sadr, qui a obtenu moins de 20 % des 329 sièges du futur Parlement, doit s’allier à une myriade de forces pour obtenir une majorité et gouverner. Les tractations sont déjà en cours.

Le jeu de Washington et Téhéran

Sans oublier le jeu des influences étrangères. Les Etats-Unis et l’Iran chiite, deux pays par ailleurs ennemis, sont les principaux acteurs internationaux en Irak et leur aide a été cruciale pour vaincre l’EI.

Washington et Téhéran ont chacun dépêché un émissaire à Bagdad pour orienter les tractations. Parce qu’en Irak, les deux ennemis partagent un même objectif: faire barrage à Moqtada Sadr.

Pour les Etats-Unis, il reste le chef de la puissante milice qui a combattu leurs troupes. Celle-ci a été depuis dissoute.

L’Iran, voisin de l’Irak et poids lourd régional chiite, ne fait pas confiance à ce turbulent descendant d’une lignée de religieux chiites qui a multiplié les bravades à l’encontre de l’ancien très proche allié iranien.

Se posant en nationaliste, jaloux de l’indépendance politique de l’Irak, celui qui porte le turban noir des descendants du prophète est allé jusqu’à se rendre en Arabie saoudite, puissance régionale sunnite et surtout ennemi juré de l’Iran.

Pour lui faire barrage, l’Iran peut compter, selon les commentateurs, sur l’ex-Premier ministre Nouri al-Maliki qui a obtenu 26 sièges et sur les élus sur la liste des pro-Hachd al-Chaabi, ces groupes paramilitaires financés par Téhéran qui ont aidé l’armée irakienne à chasser l’EI de tous les centres urbains.

Deux jours après les élections, comme à chaque important événement politique et militaire en Irak, l’influent général iranien Ghassem Soleimani est venu à Bagdad pour rencontrer les principaux chefs politiques.

L’émissaire américain Brett McGurk a lui aussi vu les dirigeants à Bagdad et dans la région autonome du Kurdistan.

« Technocrates »

Dans ce contexte, Moqtada Sadr « va probablement essayer de former une large coalition, en incluant des partis chiites -potentiellement la liste de M. Abadi -, sunnites et kurdes », explique à l’AFP Raphaele Auberty, chercheuse au sein du think-tank BMI.

Mais, ajoute-t-elle, si Moqtada Sadr parvient à mettre sur pied une coalition, « la fragmentation du paysage politique va compliquer les prises de décisions ».

Favori, donné un temps gagnant et soutenu par la communauté internationale, M. Abadi est arrivé troisième. C’est lui qui avait été nommé Premier ministre en 2014, grâce à un accord tacite entre Washington et Téhéran, pour remplacer M. Maliki, après que l’EI se soit emparé d’un tiers de l’Irak.

Les sunnites, dont les deux principales listes comptent 35 députés élus, et les Kurdes, avec une cinquantaine de sièges, sont courtisés car incontournables pour obtenir la majorité au Parlement.

Dans les colonnes du Washington Post, M. Abadi a plaidé pour « des ministres technocrates » et un gouvernement « clairement non-élitiste, représentant le peuple plutôt qu’une partie ou une dénomination ».

C’est ce que Moqtada Sadr réclame.

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