Israël accélère la construction dans un quartier controversé de Jérusalem-Est
Les 1 257 unités de Givat Hamatos couperaient Bethléem, mettant fin à la contiguïté d'un Etat palestinien; pour Miki Zohar, cela permettra de relier les quartiers juifs
L’appel d’offres a été lancé dimanche matin pour la construction de 1 257 logements dans un quartier de Jérusalem-Est, ont annoncé l’Autorité des terres israéliennes et le ministère du Logement, s’attirant les critiques de l’Autorité palestinienne et de l’Union européenne.
S’il était construit, Givat Hamatos deviendrait le premier nouveau quartier juif de Jérusalem-Est en deux décennies. L’emplacement de ce quartier a suscité des inquiétudes.
« Givat Hamatos, avec Gilo, va complètement encercler le quartier palestinien de Beit Safafa. Un jour, s’il y a une solution à deux États et un État palestinien à Jérusalem-Est, Beit Safafa sera coupé du reste de Jérusalem-Est », a déclaré Aviv Tatarsky, chercheur à l’association Ir Amim, une organisation de gauche à Jérusalem.
En revanche, Miki Zohar (Likud), le responsable de la coalition du gouvernement Netanyahu, a salué ce développement comme permettant la contiguïté entre les quartiers juifs de Jérusalem. « C’est un quartier situé à un endroit stratégique entre Beit Safafa et de la rue Hébron. La construction ici est essentielle pour préserver la contiguïté juive entre [les quartiers de] Talpiyot et Gilo », a déclaré Miki Zohar.
Tatarsky a déclaré que ce projet pourrait également couper Jérusalem-Est – que les Palestiniens convoitent comme leur future capitale – de Bethléem au sud. « Le nouveau quartier créerait un fait accompli sur le terrain de telle sorte que si un futur gouvernement israélien souhaite parvenir à un accord avec les Palestiniens, il serait très difficile de le faire d’une manière qui maintienne la contiguïté territoriale », a déclaré M. Tatarsky.
Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a condamné cette initiative, la qualifiant de tentative d’Israël « de tuer la solution à deux États soutenue par la communauté internationale ».
« La poursuite de la politique d’offre du gouvernement d’occupation pour de nouvelles unités de logement dans les colonies ne changera rien au fait que toutes les colonies sont vouées à disparaître », a déclaré M. Abbas par l’intermédiaire d’un porte-parole.
Le chef de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, a déclaré qu’il était « profondément inquiet » par cette évolution.
« C’est un endroit clé entre Jérusalem et Bethléem en Cisjordanie occupée », a-t-il déclaré dans un communiqué. « Toute construction de colonies portera gravement atteinte aux perspectives d’un État palestinien viable et contigu et, plus largement, à la possibilité d’une solution négociée à deux États, conformément aux paramètres convenus au niveau international et avec Jérusalem comme future capitale de deux États ».
L’observatoire des implantations « La Paix maintenant » a averti que ce projet pourrait « porter un coup fatal à la solution à deux Etats ».
« Cette catastrophe peut encore être arrêtée, et nous espérons que les responsables gouvernementaux qui ressentent encore une toute petite part de responsabilité pour notre avenir collectif feront tout leur possible pour faire baisser les enchères », a déclaré La Paix maintenant dans un communiqué.
Le maire adjoint de Jérusalem, Aryeh King, un militant de longue date de l’organisation des implantations The Israel Land Fund, a salué la décision de construire à Givat HaMatos.
« J’ai bon espoir qu’il s’agira des premiers signes d’un dégel de la construction dans l’est de la ville, qui fera cesser la hausse du coût du logement dans la ville », a-t-il déclaré.
L’organisation Regavim, favorable aux implantations, a salué cette évolution en déclarant « Jérusalem est la capitale de l’Etat d’Israël, et nous sommes en faveur de l’exercice de la souveraineté de l’Etat dans sa capitale. »
Le plan de construction de Givat Hamatos a été avancé pour la première fois en 2012, ce qui a suscité une large condamnation de la part de la communauté internationale. Il a été reporté à plusieurs reprises pendant près de huit ans.
« [Givat Hamatos] est contraire à l’objectif déclaré d’Israël et cela enverrait un message très troublant s’ils procèdent à des appels d’offres ou à des constructions », a déclaré en 2014 un porte-parole de l’administration de l’ancien président américain Barack Obama, ajoutant que cette décision « remettrait en question l’engagement ultime d’Israël pour un règlement pacifique négocié ».
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a annoncé en février qu’il avait levé les restrictions sur la construction dans ce quartier, suscitant une nouvelle controverse.
« La coexistence à Jérusalem », avait alors déclaré Netanyahu. « Jérusalem est en train de se construire et de s’agrandir. Nous relions toutes les parties de la Jérusalem réunifiée. J’ai supprimé toutes les restrictions, et maintenant Jérusalem se construit sous mon autorité. »
La communauté internationale a fermement condamné les précédents efforts israéliens pour faire avancer la construction dans cette zone. La France et l’Allemagne, ainsi que l’Union européenne et plusieurs autres États membres, ont tous rejeté les plans de construction du quartier après l’annonce de Netanyahu.
Après l’intervention de Netanyahu, l’ouverture des appels d’offres pour la construction a été reportée de quelques mois supplémentaires jusqu’à l’ouverture des marchés dimanche. Cette procédure se poursuivra jusqu’au 18 janvier – deux jours seulement avant que l’administration relativement favorable aux implantations du président américain Donald Trump ne soit remplacée par celle du président désigné Joe Biden – lorsque le gouvernement annoncera quels entrepreneurs ont gagné la bataille des appels d’offres.
Zohar, le représentant de la coalition, semblait laisser entendre que Netanyahu utilisait les derniers jours du mandat de Trump pour poursuivre cette initiative controversée, l’administration Biden étant susceptible de jeter un regard bien plus hostile sur cette construction.
« Ces quelques jours sont une opportunité qui ne se répétera pas pour asseoir notre emprise sur la Terre d’Israël. Je suis certain que le président Trump et le Premier ministre Netanyahu s’efforceront de les utiliser de la meilleure façon possible », a déclaré M. Zohar.
Selon M. Tatarsky, de l’association Ir Amim, si le processus n’est pas à nouveau retardé, la construction pourrait commencer dans les six mois.
« Dès qu’il y a un contrat, cela devient un accord économique formel. Il devient beaucoup plus difficile pour le gouvernement d’arrêter », a noté Tatarsky.
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