Israël annonce un accord « historique » sur la frontière maritime avec le Liban
À l’issue d’intenses négociations, suite aux revendications libanaises de dernière minute, Lapid devrait sous peu présenter l’accord au Conseil des ministres
Israël a annoncé, mardi matin, être parvenu à un accord « historique » avec le Liban sur la question de la frontière maritime entre les deux pays dans les eaux méditerranéennes, riches en gaz.
Le Premier ministre Yair Lapid a déclaré que l’accord « renforcerait la sécurité d’Israël, injecterait des milliards de shekels dans l’économie et assurerait la stabilité à la frontière nord ».
Le Premier ministre rencontrera le Conseil de sécurité mercredi, puis le Conseil des ministres lors d’une réunion extraordinaire pour approuver l’accord, a annoncé le ministère des Affaires étrangères.
Cette annonce des autorités israéliennes fait suite à celle du président libanais Michel Aoun qui, sur Twitter, a écrit que « la version finale de l’accord satisfait le Liban, puisqu’elle répond à ses exigences et qu’elle garantit ses droits sur ses ressources naturelles ».
La conclusion de cet accord est à mettre au crédit du médiateur américain, Amos Hochstein, qui est parvenu à concilier les revendications des deux parties.
Mardi matin, Israël a reçu un projet d’accord et établi qu’il répondait en tout point à ses revendications économiques, juridiques et d’ordre sécuritaire.
« Toutes nos revendications sont satisfaites, les changements que nous avions demandés ont été inclus. Nous avons veillé à ce que soit garantie la sécurité d’Israël et sommes maintenant en bonne voie pour conclure un accord historique », a déclaré Eyal Hulata, conseiller à la sécurité nationale et négociateur en chef des pourparlers, dans un communiqué.
Ses propos ont fait suite à une déclaration du négociateur libanais, qui a assuré que la nouvelle mouture du projet présentée par les États-Unis respectait les revendications de son pays et pourrait entraîner la conclusion de ce qui est d’ores et déjà présenté comme un « accord historique ».
« Si tout se passe bien, les efforts d’Amos Hochstein pourraient bien déboucher sur un accord historique », a affirmé Bou Saab à Reuters, évoquant l’envoyé de l’administration Biden pour l’énergie, qui a mené les négociations entre Jérusalem et Beyrouth au cours de ces 15 derniers mois.
Les négociations s’étaient intensifiées, il y a une semaine, sur la base du précédent projet proposé par Hochstein, dont la mission était d’apporter une solution au différend portant sur le contrôle de plusieurs gisements de gaz au large des côtes d’Israël et du Liban – deux pays officiellement en guerre et sans frontière maritime officiellement convenue entre les deux parties.
Cet accord mettra fin à un conflit déjà ancien qui portait sur une zone de quelque 860 kilomètres carrés en mer Méditerranée qui couvre les gisements gaziers de Karish et de Cana.
Le ministre de la Défense, Benny Gantz, a déclaré que le nouvel accord sur la frontière maritime avec le Liban était « juste et bon pour les deux parties ». Il a affirmé qu’Israël voulait « un voisin libanais stable et prospère ».
Lors d’une visite au quartier général du Commandement du Nord à Safed, le ministre a déclaré que les détails de l’accord seront communiqués au public « en toute transparence ». Il a dit que l’establishment de la défense avait veillé à ce que l’accord réponde à tous les besoins de sécurité.
« Nous n’avons pas concédé et ne concéderons pas un millimètre sur notre sécurité. »
Gantz a affirmé également que l’accord progressait « malgré les menaces du groupe terroriste du Hezbollah, qui a tenté de saboter le processus ».
Ainsi, si les détails de l’accord n’ont pas encore été rendus publics, des responsables ont indiqué qu’il accorderait à Jérusalem la reconnaissance internationale de sa frontière, matérialisée en l’an 2000 par des bouées situées à cinq kilomètres au large des côtes de la ville de Rosh Hanikra, dans le nord.
La frontière d’Israël suivrait ensuite la ligne sud de la zone contestée connue sous le nom de ligne 23.
Le Liban pourrait ainsi bénéficier des avantages économiques du secteur situé au nord de la ligne 23 – y-compris du gisement gazier de Cana.
Toutefois, le haut-responsable israélien qui a donné aux journalistes les détails de l’accord a précisé que Jérusalem recevrait une compensation pour avoir cédé une partie de ses droits sur Cana, et notamment la reconnaissance du statut israélien de ces eaux.
Jérusalem s’était rapidement dite ouverte à la précédente version du projet d’accord, finalement rejetée par le Liban en raison de réserves sur la reconnaissance officielle de la frontière unilatéralement matérialisée par des bouées israéliennes.
Le cabinet du Premier ministre Yair Lapid avait précisé que cette reconnaissance faisait partie des revendications essentielles d’Israël.
Le Liban se serait également opposé à ce qu’Israël perçoive une part des revenus gaziers du gisement de Cana.
Saab – le négociateur libanais – n’a pas révélé les détails des derniers amendements proposés par Hochstein, mais ils seraient liés à la fois à la question des bouées et au gisement de Cana.
Jeudi dernier, les médias israéliens avaient indiqué que le directeur du ministère israélien de l’Énergie avait déclaré, lors du Conseil des ministres, que les estimations des quantités de gaz extractibles à Cana – le gisement au cœur du différend maritime – étaient bien inférieures aux projections initiales.
Il est possible que cette déclaration ait eu pour objectif de persuader les ministres encore réticents de se rallier à ce projet d’accord, en soulignant que le compromis portait sur des réserves somme toute limitées, en contrepartie de la reconnaissance internationale sur d’autres gisements en Méditerranée, nettement plus rentables.
La Maison Blanche a refusé de confirmer avoir proposé une nouvelle version de l’accord à Israël et au Liban lundi soir, mais un porte-parole du Conseil de sécurité nationale a déclaré que Hochstein « continuait de travailler sans relâche pour trouver une solution à ce différend sur la frontière maritime. Nous restons en communication étroite avec les Israéliens et les Libanais ».
Un haut-responsable du Département d’État a déclaré à Al Arabiya English que les États-Unis étaient « très proches » d’un accord, ajoutant que « l’alternative était le conflit armé ».
À l’issue d’une conversation téléphonique avec Hochstein, dimanche, le président libanais Michel Aoun s’était dit optimiste, concernant la finalisation d’un accord « dans les tout prochains jours ».
« Les négociations ont beaucoup avancé et les problèmes ont été réglés la semaine passée », avait-il ajouté.
Samedi, les autorités israéliennes ont donné à Energean le feu vert pour commencer les tests sur l’oléoduc de Karish, avec la perspective de commencer le travail d’exploitation dans les prochaines semaines.
Israël avait indiqué qu’il n’attendrait pas la conclusion d’un accord pour lancer ses activités à Karish mais l’État juif n’a, dans les faits, autorisé Energean qu’à effectuer un travail préparatoire.
Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait menacé à plusieurs reprises de s’en prendre à Israël si l’exploration gazière à Karish commençait avant la conclusion d’un accord.
À l’occasion de récentes négociations, le Liban avait revendiqué la souveraineté sur Karish en plus de Cana. Cette revendication avait été rapidement écartée, Israël insistant sur le fait que ses droits sur Karish n’étaient en aucune manière négociables.
Israël et le Liban n’ont pas davantage délimité ensemble leur frontière terrestre, s’en tenant à une « ligne bleue » de cessez-le-feu imposée par l’ONU et laissant dans le flou pendant longtemps leur zone économique exclusive en mer.
L’absence de frontière maritime avait commencé à poser problème il y a une dizaine d’années, lorsque des gisements de gaz avaient été découverts en Méditerranée orientale, redessinant l’avenir économique de la région.
Les administrations américaines successives auront tenté de négocier un accord maritime : Hochstein avait d’ailleurs déjà négocié sur la question pour le compte de l’administration Obama. Cette initiative, reprise quelques années plus tard lors de la présidence de Donald Trump, était restée dans l’impasse.