Israël appelle les États-Unis à agir contre l’antisémitisme dans les universités
Arrestations massives lors de "seders" anti-Israël près de chez Schumer ; Herzog soulève la question de l’antisémitisme avec Harris ; la Maison Blanche s'engage à dénoncer la haine des Juifs

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a fustigé mardi soir ce qu’il a appelé « une poussée antisémite », au sein des campus universitaires américains.
« Des foules antisémites ont investi les principales universités. Ils appellent à l’anéantissement d’Israël, ils attaquent les étudiants juifs, ils attaquent les professeurs juifs. Cela n’est pas sans rappeler ce qui s’est passé dans les universités allemandes des années 1930. C’est inadmissible. Il faut arrêter cela. Il faut le condamner sans équivoque. Mais ce n’est pas ce qui est arrivé », accuse Netanyahu dans une déclaration vidéo.
« Quand on les écoute, ils disent non seulement ‘Mort à Israël’ et ‘Mort aux Juifs’, mais aussi ‘Mort à l’Amérique’ », a-t-il ajouté.
Netanyahu a déploré la recrudescence des actes antisémites aux États-Unis « alors qu’Israël tente de se défendre contre les terroristes génocidaires qui se cachent derrière les civils ».
« Nous avons vu dans l’Histoire que les attaques antisémites étaient toujours précédées de diffamations et de calomnies… Nous devons mettre fin à l’antisémitisme », a déclaré le Premier ministre.
PM Netanyahu's statement with regard to the latest events in American university campuses. pic.twitter.com/r0XIW03Wtp
— Ofir Gendelman (@ofirgendelman) April 24, 2024
Cette déclaration intervient après celle du chef de l’opposition Yair Lapid qui a exhorté mardi l’administration Biden à agir alors que les universités américaines sont secouées par une vague d’intenses manifestations anti-Israël et que des manifestants organisent des « seders » pour protester contre l’aide militaire américaine apportée à Israël dans sa guerre contre le Hamas.
Les universités, de la Californie au Massachusetts, sont depuis une semaine le théâtre d’importantes protestations, dont certaines ont donné lieu à des appels à la violence et à des allégations de harcèlement d’étudiants juifs. Sur de nombreux campus, les manifestants ont installé des campements de tentes non autorisés pour revendiquer leurs idées, comme c’est le cas notamment à l’université de Columbia à New York.
La présidente de l’université, Minouche Shafik, a lancé mardi un ultimatum aux manifestants pour minuit le même jour. Un accord devait être trouvé avant cette heure limite pour démanteler le campement, sinon l’université étudierait des « options alternatives ». Immédiatement après l’annonce, des centaines d’autres étudiants ont afflué sur les lieux de la manifestation. La date limite a finalement été étendue de 48 heures et mercredi matin, le campement avait retrouvé son activité normale et une atmosphère plus apaisée.
« Ce qui se passe dans les universités américaines est impardonnable », a déploré Lapid sur X, « c’est de l’antisémitisme, c’est un soutien au terrorisme, c’est un soutien au Hamas qui assassine des personnes LGBT et opprime les femmes ». « L’administration ne peut pas rester les bras croisés, elle doit intervenir », a-t-il ajouté.
La Maison Blanche a fait savoir mardi qu’elle suivait de près la situation sur les campus universitaires, rappelant le droit de protester du public mais pas de se livrer à des intimidations physiques ou à des appels à la violence, citant certains « discours alarmants. »
« Nous nous élèverons, en termes très clairs, contre quiconque tiendra des propos antisémites révoltants et dangereux », a affirmé le porte-parole de la Maison Blanche, Andrew Bates, aux journalistes à bord d’Air Force One, à bord duquel il se trouvait pour accompagner le président Joe Biden en Floride.
Bates a ajouté que le ministère américain de l’Éducation avait « un rôle intégral à jouer » dans la lutte contre les manifestations antisémites.

La question a également été abordée lors d’un appel téléphonique à l’occasion de Pessah entre le président Isaac Herzog et la vice-présidente américaine Kamala Harris, au cours duquel ils ont également abordé d’autres sujets.
« Le président Herzog a vivement condamné la montée de l’antisémitisme dans les universités américaines. La vice-présidente a réitéré avec force la ferme condamnation par la Maison Blanche des discours de haine et d’antisémitisme entendus sur les campus américains, et a remercié le président Herzog pour son importante déclaration concernant l’incident violent survenu à l’université de Columbia », selon un communiqué du bureau de Herzog.
Le bureau de Harris a également indiqué qu’ils avaient « discuté des récents développements aux États-Unis, y compris des cas déplorables de harcèlement et d’appels à la violence contre des Juifs », sans mentionner où les incidents s’étaient produits.
« La vice-présidente a condamné cet antisémitisme répréhensible ainsi que la montée de l’antisémitisme dans le monde, et elle a souligné son engagement et celui du président Biden à s’y opposer.
Au cours de l’appel, Herzog a également salué l’avancée du Congrès qui a approuvé le financement de milliards de dollars de dépenses militaires pour Israël, approuvé par la Chambre des représentants au cours du week-end. Le Sénat américain a approuvé la législation plus tard dans la journée de mardi, après quoi le président Joe Biden s’est engagé à la signer rapidement.
Arrestations massives lors d’un Seder anti-Israël
Alors que le Sénat se réunissait, quelque 2 000 manifestants ont organisé « un Seder de Pessah d’urgence » près du domicile de Chuck Schumer, chef de la majorité au Sénat américain, à Brooklyn, pour protester contre le soutien des États-Unis à Israël.
Selon le New York Times, une centaine de personnes ont été arrêtées et emmenées les mains menottées pour avoir refusé l’ordre de la police de dégager une route. Au moment de la publication de cet article, la police de New York n’avait pas communiqué le nombre de personnes arrêtées, mais on a pu voir sur les images de la manifestation que les policiers ont procédé à de nombreuses arrestations.
Parmi les organisateurs de la manifestation figuraient l’organisation antisioniste Jewish Voice for Peace, l’organisation d’extrême gauche IfNotNow et l’organisation Jews for Racial & Economic Justice.
« Des centaines de personnes sont prêtes à risquer de se faire arrêter pour demander au sénateur Schumer, qui s’est récemment exprimé de manière virulente contre Netanyahu, de passer à l’étape suivante et d’arrêter de fournir des armes à Israël », peut-on lire dans un communiqué des organisateurs de la manifestation.
#NOW Hundreds of protesters block Brooklyn street, risking arrests, during 'Seder in the Streets' as they chant "Let Gaza Live" and "Free Palestine". Their banner reads "Jews say Stop Arming Israel".
Video by @yyeeaahhhboiii2 Desk@freedomnews.tv to license pic.twitter.com/LKq6knSoEu
— Oliya Scootercaster ???? (@ScooterCasterNY) April 24, 2024
Les manifestants ont d’abord investi une place proche du domicile de Schumer, où ils ont scandé « Arrêtez d’armer Israël », « Arrêtez de financer le génocide » et « Laissez Gaza vivre ».
« Je ne considère pas ce que fait Israël comme de l’autodéfense. Je vois des violations des droits de l’homme incroyables », a déclaré Katherine Stern, 62 ans, de Woodstock, dans l’État de New York, qui a renoncé à son Seder familial, à 190 kilomètres de là, pour participer à la manifestation de Brooklyn.

Les organisateurs ont organisé des concerts et des chants issus de cultures juives et autres, donnant la vedette à l’auteure canadienne Naomi Klein, une militante pour la paix qui s’est appuyée sur ses racines juives pour s’opposer au sionisme, qui est selon elle une « fausse idole ».
« Nous voulons nous libérer du projet qui établit un lien entre le génocide et nous », a affirmé Naomi Klein sous les acclamations. « Nous aspirons à faire migrer le judaïsme d’un ethno-état qui veille à maintenir les juifs dans une peur perpétuelle (…) ou à nous faire courir vers sa forteresse, ou du moins à continuer à lui envoyer des armes et des dons ».
La manifestation, organisée le deuxième soir de la semaine de fête juive de Pessah, faisait partie d’une douzaine d’autres qui se tiendront dans différentes villes du pays, notamment à Portland, dans l’Oregon, et à Seattle.
« L’administration de mon université, mes élus au Congrès et même le président se comportent comme s’ils étaient des porte-parole de la communauté juive, assimilant l’antisionisme à l’antisémitisme. Ils nous réduisent au silence, nous suspendent », a dénoncé devant la presse, keffiyeh sur les épaules, Sarah Borus, une étudiante juive pro-palestinienne du Barnard College de l’Université de Columbia.
Mardi après-midi, à l’extérieur du campus de Columbia, une centaine de manifestants marchaient pacifiquement en cercle, avec des pancartes appelant à « cesser toute aide américaine à Israël ».
Marianne Hirsch, enseignante à Columbia et elle-même de confession juive, a dit à la presse être « extrêmement préoccupée par l’antisémitisme, et ce depuis toujours ».
Mais « je suis extrêmement secouée en ce moment par le fait de voir comment l’antisémitisme est instrumentalisé, et utilisé à mauvais escient (…), pour mettre fin à la liberté académique, au libre débat, à la pensée critique », a-t-elle affirmé.
Le sujet s’est transformé en un débat mouvementé et souvent violent sur la liberté d’expression.
Des étudiants et enseignants accusent leurs universités de chercher à censurer un discours politique, tandis que plusieurs personnalités, dont des élus du Congrès, accusent en retour les militants d’attiser l’antisémitisme.
Le président républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson, a d’ailleurs annoncé qu’il rencontrerait des étudiants juifs à Columbia mercredi pour évoquer « l’inquiétante montée d’un antisémitisme virulent » sur les campus.
Sur CNN, un étudiant juif de Columbia, Nick Baum, a affirmé se sentir depuis quelques jours « carrément en danger ». « Ils nous ont qualifiés de colons », a-t-il déclaré.
Face aux tensions, l’université a affirmé oeuvrer « d’arrache-pied pour résoudre la situation sur le campus ».
Les étudiants « ont le droit de manifester, mais ils ne sont pas autorisés à perturber la vie du campus ou à harceler et intimider les autres étudiants et les membres de notre communauté. Nous agissons sur la base de préoccupations exprimées par nos étudiants juifs », a affirmé Ben Chang, un responsable de Columbia.