Israël aurait eu connaissance de l’empire financier du Hamas en 2018 – média
Selon le New York Times, les agences de renseignement israéliens n'ont rien fait pour interrompre les opérations d'un fonds d'investissement privé du groupe terroriste palestinien
Les agences de renseignement israéliens ont obtenu des détails complets sur l’empire financier du groupe terroriste palestinien du Hamas en 2018, mais n’ont rien fait pour le fermer et endiguer le flux de fonds vers le groupe terroriste, a rapporté samedi le New York Times.
Selon le quotidien, les documents trouvés sur l’ordinateur d’un haut responsable du Hamas ont énuméré ce qui s’apparente à un fonds d’investissement privé d’une valeur de plusieurs centaines de millions de dollars.
Ce fonds comprenait « des sociétés d’exploitation minière, d’élevage de poulets et de construction de routes au Soudan contrôlées par le Hamas, deux gratte-ciel aux Émirats arabes unis, un promoteur immobilier en Algérie et une société immobilière cotée à la bourse turque ».
Cependant, selon cet article, même si les documents ont été partagés à Jérusalem et à Washington, rien n’a été fait pour interrompre les opérations.
« Tout le monde parle de l’échec des agences de renseignement le 7 octobre, mais personne ne parle de l’incapacité à bloquer l’argent », a déclaré Udi Levy, ancien chef de la division de guerre économique de l’agence de renseignement du Mossad, au New York Times. « C’est l’argent – l’argent – qui a permis tout cela. »
Au total, selon l’article, les fonds s’élèvent à quelque 500 millions de dollars.
Levy a déclaré qu’il avait informé le Premier ministre Benjamin Netanyahu en 2015 sur les finances du Hamas.
« Je peux vous dire avec certitude que je lui en ai parlé », a affirmé Levy. « Mais il ne s’en est pas vraiment soucié. »
Netanyahu a refusé de répondre aux allégations, a indiqué le quotidien.
Peu de temps après, le chef du Mossad de l’époque, Yossi Cohen, a fermé la Task Force Harpoon dans le cadre d’une réorganisation de l’agence, a déclaré Levy.
Les agents du renseignement ont continué à suivre l’argent, mais sans la même structure de soutien que celle qui existait avec le groupe de travail.
En 2018, Israël a réussi à avoir accès aux registres, créés par un comptable nommé Mahmoud Ghazal, qui ont donné l’image la plus claire à ce jour des intérêts financiers du Hamas.
« Cela a constitué une grande avancée », explique un responsable. « Le Hamas pouvait bien se cacher derrière des hommes de paille et des actionnaires, l’argent, lui, finit toujours par parler. »
Dans le même temps, l’Arabie saoudite a interpelé Ghazal, qui vivait sur son sol, après avoir eu connaissance de documents d’entreprise révélant son implication – et celle d’autres personnes – dans 18 sociétés identifiées.
A la suite, le New York Times a déclaré que l’équipe d’enquête israélienne avait fait part de ses conclusions à ses homologues américains dans l’espoir de sanctions financières.
Néanmoins, ni Israël ni les États-Unis n’ont agi en ce sens, car de hauts responsables israéliens faisaient pression sur les États-Unis pour qu’ils imposent des sanctions à l’Iran.
Cette même année, en 2018, Netanyahu a décidé d’autoriser l’entrée de millions de dollars dans la bande de Gaza via le Qatar, dans l’espoir d’apaiser le Hamas et de le dissuader de faire la guerre.
Toujours selon le New York Times, il aurait à plusieurs reprises dit en privé voir d’un bon oeil le renforcement du Hamas, dans la mesure où, ainsi, Gaza et la Cisjordanie restaient divisées et le dispensaient des pressions pour négocier par la voie diplomatique avec l’Autorité palestinienne.
Ce n’est qu’en mai 2022 que le département du Trésor américain a pris des sanctions financières contre le vaste réseau financier du Hamas.
« Le Hamas a généré des revenus pharamineux grâce à un portefeuille d’investissements secrets tout en déstabilisant Gaza, confrontée à des conditions de vie et à une économie des plus difficiles », avait à l’époque commenté la Secrétaire adjointe au Trésor pour le financement du terrorisme et les crimes financiers, Elizabeth Rosenberg.
Figurent parmi les personnes sanctionnées Ahmed Sharif Abdallah Odeh, ressortissant jordanien qui a dirigé le portefeuille d’investissements internationaux du Hamas jusqu’en 2017 et est resté impliqué même après sa démission. Lui a succédé Oussama Ali, nommé en 2019 au Conseil de la Choura du Hamas – branche quasi législative – qui a par la suite siégé au Comité exécutif du Hamas et est aujourd’hui en contact direct, entre autres, avec le chef du bureau politique du Hamas, Ismail Haniyeh, le chef adjoint du bureau, Saleh al-Arouri.
Hisham Younis Yahia Qafisheh, ressortissant jordanien installé en Turquie qui a servi d’adjoint à Ali et a été impliqué dans le transfert de fonds pour le compte de diverses sociétés liées au portefeuille d’investissement du Hamas, a lui aussi été désigné.
Toutes les personnes sanctionnées par les États-Unis en 2022 étaient nommées dans les registres fournis aux États-Unis par les agents de renseignement israéliens des années plus tôt.
S’adressant au New York Times, Tamir Pardo, qui a été à la tête du Mossad entre 2011 et 2016, a déclaré ignorer ce qui a pu se passer après sa démission, lorsque Cohen a dissous la Task Force Harpoon.
« Je crois que si quelqu’un avait effectivement suivi cet argent et avait pu mettre la main dessus », a-t-il déclaré, « nous n’aurions pas vu tout ce que nous voyons aujourd’hui. »
Le New York Times a fait savoir que Netanyahu avait refusé de commenter ces allégations.
Jacob Magid a contribué à cet article.