Israël dégringole à la 10e place du financement des écosystèmes technologiques
Les investissements dans la tech israélienne chutent plus rapidement qu'ailleurs cette année, mais "de nombreuses start-ups israéliennes ont de la marge"
Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans les technologies pour le Times of Israel.
Selon une information publiée lundi par la société de capital-risque Viola, Israël a perdu cinq places pour atterrir à la 10e place du financement des start-ups. Son écosystème technologique a été plus durement touché par le ralentissement économique que celui de ses concurrents, notamment en raisons des incertitudes politiques.
Au premier semestre, les levées de fonds des entreprises de la tech israéliennes ont chuté de 73 %, à 3,2 milliards de dollars contre 12 milliards de dollars au premier semestre 2022 : il s’agit du chiffre le plus bas depuis 2018. Ailleurs, les investissements dans la tech ont continué à reculer, mais à un rythme plus lent. Durant les six premiers mois de l’année, ils ont chuté de 50 %, à 168 milliards de dollars par rapport aux 333 milliards de dollars levés au cours de la même période en 2022 et aux 348 milliards de dollars du premier semestre 2021.
« Israël avait jusqu’à présent réussi à se maintenir au 5e rang en matière de financement de son écosystème technologique, mais en raison des fortes baisses enregistrées en 2022 et 2023, il est tombé à la 10e place, derrière la Corée du Sud, Singapour, la France, l’Allemagne et le Canada », précisent les directeurs de Viola, Tomer Meridor et Uri Lampert.
Selon les données compilées par Viola, au premier semestre, c’est le secteur de la tech américaine qui a attiré le plus de capitaux avec 84 milliards de dollars, suivi de la Chine avec 23 milliards et du Royaume-Uni, avec 9 milliards. En quatrième place, on trouve la Corée du Sud, avec 6,4 milliards de dollars, et à la cinquième place, l’Inde, avec 5,5 milliards.
Au premier semestre 2023, les entreprises israéliennes ont également enregistré une baisse de 80 % par rapport à l’an dernier dans le domaine des « méga » transactions, ces levées de fonds de 100 millions de dollars et plus, et les premières levées ont baissé de 56 % par rapport à l’an dernier. Les levées de fonds dites de « croissance », c’est-à-dire les investissements de séries B et C de l’ordre de 20 à 50 millions de dollars, ont également plongé de 71 % au cours des six premiers mois de l’année.
Les premiers gros investissements, cette année, concernent la start-up américano-israélienne de cybersécurité Wiz – valorisée à 10 milliards de dollars – qui a levé 300 millions de dollars, et la plate-forme de négociation eToro, valorisée à 3,5 milliards de dollars, qui a obtenu 250 millions de dollars.
La contraction mondiale des investissements dans la tech, entamée au second semestre 2022, s’est creusée sous le coup de l’inflation, du relèvement des taux d’intérêt pour freiner la surchauffe côté prix et de la relative faiblesse des marchés boursiers. Par ailleurs, le projet de réforme judiciaire du gouvernement israélien, en début d’année, a donné lieu à des manifestations de grande ampleur dans tout le pays ces six derniers mois, auxquelles ont pris part les cadres et employés de la tech, inquiets à l’idée de la remise en cause du caractère démocratique du pays et de son système de contrepouvoirs, de nature à dissuader les investissements étrangers.
Le rapport Viola souligne que l’écosystème israélien présente des « caractéristiques uniques » cette année. Il est vrai que les « troubles politiques » liés au projet de réforme judiciaire entament la confiance des investisseurs.
« L’écosystème technologique israélien fait le maximum pour tenter de trouver une résolution consensuelle, de nature à satisfaire les deux camps », font remarquer Meridor et Lampert.
L’analyse montre par ailleurs qu’avant la crise mondiale des financements, les entreprises israéliennes de la tech avaient levé plus de capitaux que tous leurs concurrents. Les investissements dans les startups israéliennes avaient ainsi enregistré une hausse de 250 % entre le premier semestre 2018 et celui de 2021, alors que les investissements ailleurs dans le monde augmentaient de 108 %.
Les investissements en Israël ont atteint leur plus haut niveau en 2021, avec un record de 25,6 milliards de dollars. Selon le rapport, avant le grand ralentissement entamé au second semestre 2022, les startups israéliennes avaient continué à capter l’essentiel des financements au premier semestre 2022.
« Avec de tels montants, nombre de startups israéliennes ont encore de la marge, avec moins de besoins de lever des fonds au 1er semestre 2023 », expliquent Meridor et Lampert.
Cette année, on a enregistré une légère augmentation des cycles d’extension, qui permettent de continuer à financer les start ups et de préserver le niveau d’évaluation. Toujours selon les mêmes sources, les levées de vulgarisation comptent pour plus d’un tiers des levées révélées au premier semestre. Les cycles de prolongation, souvent des indicateurs de problèmes de marché, permettent de gagner du temps pour augmenter les revenus et espérer réunir des fonds dans des conditions plus favorables, plus tard.
« Nous pensons que le nombre réel de cycles de prolongation est plus élevé encore », écrivent Meridor et Lampert.
« De nombreuses start-ups préfèrent ne pas publier d’information là-dessus de manière à éviter une communication négative. »
Le rythme des fusions/acquisitions en Israël s’est ralenti au premier semestre 2023, mais Viola estime qu’un grand nombre de transactions est en attente, qui va avoir lieu des 12 prochains mois. Au premier semestre, seules 27 opérations de fusions et acquisitions, pour une valeur totale de 1,8 milliard de dollars, ont été conclues. Au premier semestre 2022, on en était à 64 pour un montant total de 4,9 milliards de dollars.
« Il y a un fort intérêt de tous côtés : les start-ups explorent la liquidation, les entreprises stratégiques et les PE à la recherche d’opportunités et tentent de trouver des cibles attrayantes et des transactions robustes. Nous pensons qu’une vague de fusions et acquisitions arrivera dans les 12 prochains mois. »
Fondée en 2000, Viola gère plus de 5 milliards de dollars d’actifs et a soutenu plus de 200 entreprises de la tech, parmi lesquelles ironSource, Payoneer, Lightricks, Redis, Pagaya et Verbit.