Israël dénonce le prix remis au photographe gazaoui du NYT, soupçonné de liens avec le Hamas
Le ministère des Affaires étrangères a écrit au jury du prix George Polk à propos de Yousef Massoud ; le journal dénonce des « accusations infondées » contre Massoud
Le ministère israélien des Affaires étrangères a critiqué vendredi le comité d’un prestigieux prix américain pour avoir décerné un premier prix à un photojournaliste palestinien qui, selon lui, ne se cache pas d’entretenir des relations avec le Hamas et aurait été informé des projets d’attaque du Hamas, le 7 octobre.
Le photographe Yousef Massoud a remporté cette semaine le prix de photojournalisme George Polk pour ses clichés du conflit entre Israël et le Hamas, ouvert par la brutale attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, lorsque des roquettes ont commencé à pleuvoir, tôt dans la matinée, sur le sud et le centre d’Israël et que des terroristes se sont introduits en territoire israélien avant de se lancer dans une frénésie meurtrière qui a coûté la vie à 1 200 personnes, essentiellement des civils, et fait 253 otages emmenés à Gaza ce jour-là.
« Le prix de photojournalisme est décerné à Samar Abu Elouf et Yousef Massoud, du New York Times, pour leur chronique des bombardements et de l’invasion par Israël de leur patrie, Gaza », a annoncé le comité. « Les deux hommes photographient le conflit depuis ses toute premières heures, le 7 octobre, jusqu’à leur départ, deux mois plus tard. Dans des circonstances éprouvantes, ils ont pris des images saisissantes et inoubliables. D’enfants apeurés regardant vers le ciel, en direction d’un avion israélien. De corps extraits des décombres d’immeubles réduits à l’état de ruines. D’un petit garçon touchant le visage ensanglanté de sa petite sœur morte. Et du chaos des hôpitaux submergés par des patients hébétés et gravement blessés. »
Itay Milner, porte-parole du consulat général d’Israël à New York, a écrit une lettre au jury des prix de l’université de Long Island, évoquée par Ynet News vendredi, « pour dire sa profonde préoccupation quant aux nominés pour le prix George Polk 2024 ».
Dans cette lettre, Milner ajoute qu’est « tout aussi troublant le prix décerné à Yousef Masoud, dont les relations avec le Hamas et la connaissance préalable des projets mortifères de l’organisation terroriste sont de notoriété publique et compromettent l’intégrité de ses reportages ».
« En accordant cette distinction à Massoud, le prix George Polk apporte son soutien à un journaliste dont le travail est profondément entaché d’irrégularités, ce qui laisse entendre que le travail journalistique peut s’apprécier indépendamment des circonstances éthiques. Massoud est intimement lié à un dangereux groupe terroriste désigné comme tel par les États-Unis, l’UE et une grande partie du monde civilisé », a-t-il poursuivi.
« Accorder une récompense à des complices de crimes contre l’humanité met à mal la réputation du Prix George Polk comme référence en matière d’intégrité journalistique et soulève de profondes questions morales sur le fait de fermer les yeux sur des actes malfaisants. Ne laissez pas les mœurs et pressions actuelles obscurcir votre sens moral », a écrit Milner, pressant le comité de revoir sa décision.
Massoud est l’un des quatre photojournalistes gazaouis mentionnés dans un rapport publié en novembre par le groupe de surveillance pro-israélien Honest Reporting, établissant que des photographes employés par l’Associated Press (AP), Reuters, le New York Times ou CNN avaient fourni des images prises lors de l’attaque, au niveau de la zone frontalière et du territoire israélien – laissant entendre qu’ils avaient peut-être eu connaissance des projets d’attaque. Massoud « était là lui aussi – à temps pour mettre le pied en territoire israélien et prendre des photos de chars », a déclaré le groupe de surveillance.
Le New York Times nie formellement l’information selon laquelle Massoud, dont les photos du char israélien aux mains du Hamas ont été publiées par le journal et l’AP, aurait été informé de l’attaque bien à l’avance. Ses premières photos, ce jour-là, ont été prises 90 minutes après le début de l’assaut dévastateur, soit vers 6 h 30 du matin.
Le Times nie qu’il ait été préalablement informé du projet d’attaque ou même qu’il ait accompagné les terroristes du Hamas, qualifiant ces affirmations de « fausses et scandaleuses ». Il estime qu’il n’y a « aucune preuve des insinuations de Honest Reporting » au sujet de Massoud.
Massoud a travaillé comme pigiste pour le Times peu de temps après le début de la guerre et « fait un travail important pour nous », comme le dit le New York Times, mais, toujours selon le journal, pas au moment de l’article de Honest Reporting, pas le matin du 7 octobre.
« L’accusation selon laquelle un collaborateur du New York Times aurait eu connaissance des projets d’attaque du Hamas ou accompagné les terroristes pendant les attaques est absolument fausse et scandaleuse », a déclaré le journal. « Il est imprudent de porter de telles accusations, qui mettent en danger la vie de nos journalistes sur le terrain, en Israël comme à Gaza. Le Times a couvert les attentats du 7 octobre et la guerre avec équité, impartialité et une compréhension des complexités du conflit. »
Le Times assure avoir examiné le travail de Massoud pour l’Associated Press le 7 octobre et conclu qu’il « avait fait ce que les photojournalistes font lors d’événements d’actualité majeurs, c’est-à-dire garder des traces de la tragédie à mesure qu’elle se produit ».
Le journal précise qu’après « avoir examiné le travail de M. Massoud, les rédacteurs en chef du Times ont déterminé que la première photo transmise à l’AP – celle du char israélien détruit – avait été prise plus de 90 minutes après le début de l’attaque. Selon un rédacteur du journal témoignant sous couvert d’anonymat, M. Massoud aurait expliqué au rédacteur en chef avoir été réveillé, à Khan Younès, dans le sud de Gaza, par le bruit des roquettes, un peu après 6h30 ce samedi matin.
Il aurait ensuite dit s’être rendu à la frontière, où il avait vu que la barrière de sécurité avait été ouverte et un char israélien, détruit. Il aurait précisé au rédacteur en chef du Times ne pas s’être attardé en Israël et ne pas avoir pris de photos des otages ou des actes de brutalité commis par les hommes armés du Hamas. »
Samedi, le Times a publié la lettre adressée à Milner, dans laquelle il lui reproche de colporter des propos qu’il estime inexacts à propos de Massoud. « Vous ne rendez service ni à votre institution ni même au public en vous joignant à ce qui n’est rien d’autre qu’une campagne de diffamation ».
Honest Reporting avait mentionné les noms de Hassan Eslaiah, Ali Mahmud et Hatem Ali, en plus de celui de Massoud, dans son rapport de novembre dernier.
Selon cette information, Eslaiah aurait traversé la frontière avec Israël le 7 octobre et pris des photos d’un char de Tsahal en feu. Il aurait également photographié des assaillants en train de pénétrer dans le kibboutz Kfar Aza, où des dizaines de civils ont été massacrés. Selon cette information, toujours, dans des tweets aujourd’hui supprimés mais publiés sur son fil X, Eslaiah apparaissait devant le char sans son gilet de presse l’identifiant comme membre des médias.
Cette même information soulevait la questions des relations entre certains de ces photographes et l’organisation terroriste du Hamas à la tête de Gaza.
En 2020, Eslaiah avait été photographié en train d’être embrassé par le chef du Hamas à Gaza, Yahya Sinwar. Eslaiah avait publié la photo le 9 janvier 2020.
Mahmud et Ali ont tous deux pris des photos d’otages conduits à Gaza.
Honest Reporting a plus tard expliqué « soulever simplement des questions », en se demandant publiquement si les photojournalistes palestiniens qui ont pris des photos de l’attaque et envoyé les toute premières images des événements avaient été avertis de ce qui se tramait.
Cette semaine, Eslaiah s’est retrouvé au cœur d’une poursuite intentée contre l’Associated Press par un collectif de rescapés et de proches de victimes de l’attaque du Hamas contre le festival de musique Supernova, le 7 octobre, lorsque des terroristes ont massacré 360 personnes.
Les plaignants, qui ont pour certains la double nationalité israélo-américaine ou sont américains et ont pris part au festival organisé dans le kibboutz Reim, le 7 octobre, accusent l’agence de presse de complicité dans le déchaînement meurtrier du groupe terroriste palestinien pour avoir recouru aux services de photojournalistes indépendants qui, selon eux, s’étaient joints aux terroristes ce jour-là.
L’AP a déclaré que cette affaire était « infondée ».