Israël et l’Autorité Palestinienne se dirigent-ils vers une guerre commerciale ?
Naftali Bennett a interdit les importations de fruits et légumes après des mois de boycott de la viande israélienne par l'AP, Ramallah réfléchirait à exclure d'autres produits
Israël et l’Autorité palestinienne (AP) semblaient être sur le point d’entrer dans une guerre commerciale, vendredi, après l’annonce par l’Etat juif qu’il cesserait toutes les importations agricoles depuis la Cisjordanie et que Ramallah a menacé de riposter à cette décision.
A l’origine de ce conflit, la décision prise au mois d’octobre par les Palestiniens de boycotter les viandes issues du bétail et du mouton. L’Autorité palestinienne avait alors déploré qu’Israël l’obligeait à acheter auprès des agriculteurs israéliens et limitait l’accès à des produits carnés moins chers provenant de l’étranger.
Ce boycott a entraîné de lourdes pertes chez les agriculteurs israéliens et les éleveurs locaux ont demandé au gouvernement de mettre un terme à cette crise – allant jusqu’à installer des têtes de bétail aux abords du jardin de Naftali Bennett à Raanana, au début du mois, pour exercer des pressions.
« Le ministre peut s’occuper d’eux ou mettre un terme au boycott », avait clamé un agriculteur à ce moment-là en montrant les animaux, des propos repris par le site Ynet.
En réponse, Bennett a annoncé vendredi qu’il avait ordonné de stopper l’importation de tous les produits agricoles en provenance de la Cisjordanie en Israël et ce, dès le dimanche 2 février.
« La décision du ministre a été prise à l’issue de mois de tentatives répétées… de trouver une solution à la crise de la viande qui a gravement porté préjudice au secteur de l’élevage en Israël et qui a entraîné l’effondrement de centaines d’exploitations agricoles », a-t-il dit.
La chaîne publique israélienne Kan a fait savoir que le président de l’AP Mahmoud Abbas avait ordonné l’arrêt de toutes les importations israéliennes. Un porte-parole de l’Autorité palestinienne, Ibrahim Milhem, a néanmoins établi dans un communiqué que Ramallah « étudiera » la décision prise par Bennett et prendra « les mesures appropriées » en réponse.
Il n’a pas détaillé quelles pourraient être ces initiatives.
Les importations depuis Israël de l’AP représentent des dizaines de milliards de shekels par an. Pour sa part, l’Etat juif importe environ 700 millions de shekels de produits, en particulier des fruits et des légumes.
Le député Ofer Kasif, membre juif de la Liste arabe unie, aurait envoyé une lettre au Premier ministre Benjamin Netanyahu, lui demandant d’intervenir.
Kasif a expliqué dans son courrier que Bennett, du parti de droite Yamina, tentait d’affamer la Cisjordanie à des fins électorales à la veille du scrutin du mois de mars, selon la radio israélienne.
Ce conflit survient dans un contexte de tensions accrues entre l’Etat juif et l’AP suite à la révélation du plan de paix de l’administration du président américain Donald Trump, rejeté avec amertume par les Palestiniens.
Au début de la semaine, le ministre des Affaires civiles de l’Autorité palestinienne Hussein al-Sheikh avait rencontré le ministre des Finances Moshe Kahlon pour lui dire que l’AP considérait le plan, dont le contenu a été dévoilé mardi dernier à Washington, comme vidant de sa substance les accords de paix d’Oslo et que les Palestiniens se sentaient dorénavant libres de rompre leurs engagements – et notamment la coopération sécuritaire.
Abbas aurait envoyé une lettre écrite à la main à Netanyahu le mettant en garde contre les conséquences de l’adoption du plan – qui inclut l’annexion de la vallée du Jourdain et des implantations de Cisjordanie – par Israël.
Abbas a menacé à de multiples occasions, dans le passé, d’abroger les accords passés avec Israël, avec parmi eux les accords d’Oslo signés en 1993.
Les deux gouvernements travaillent ensemble sur des dossiers allant de l’eau à la sécurité et le retrait de l’Autorité palestinienne de ces arrangements conclus pourrait avoir un impact sur la sécurité en Cisjordanie.
Adam Rasgon a contribué à cet article.