Israël-Jordanie : « l’accord gazier est un rempart contre les djihadistes »
Selon un haut responsable de la sécurité, la vente de 15 milliards de dollars de gaz israélien pourrait renforcer les régimes jordanien et égyptien

L’énorme vente de gaz naturel israélien à la Jordanie pourrait contrer la menace des extrémistes islamistes et renforcer le royaume, selon un expert en sécurité.
L’accord de vente de gaz sur les 15 prochaines années est la troisième étape d’un accord régional trilatéral visant à consolider les relations entre Jérusalem, Amman et Le Caire – et pour assurer la survie des régimes des deux nations arabes, selon le brig. général (rés.) Nitzan Nouriel, associé de recherche à l’Institut international pour la lutte contre le terrorisme, IDC Herzliya.
« Israël produira le gaz, l’Egypte le liquéfiera, et la Jordanie en bénéficiera, avec l’Egypte et Israël », explique Nouriel.
« Les populations des trois pays seront très heureuses de bénéficier d’un approvisionnement sûr en énergie et à un prix raisonnable. »
Mais d’abord, l’accord doit être approuvé par les gouvernements israélien et jordanien. « Il est vrai qu’un contrat a été signé, mais entre des entreprises privées », déclare Nouriel. « Il est presque sûr qu’Israël l’approuvera, et je crois que la Jordanie aussi, malgré le risque d’une pression politique s’y opposant. »
Cet accord intervient à un moment où les radicaux de l’État islamique progressent en Irak, qui partage une frontière avec la Jordanie.
Pays faible essayant de se glisser à travers les gouttes de pluie de pressions contradictoires, la Jordanie a un passé inégal s’agissant de ses relations avec Israël.
Si le traité de paix entre les deux pays signé en 1994 a résisté à la pression de nombreuses guerres, les groupes d’intérêts anti-israéliens en Jordanie se sont efforcés de l’écorner, cherchant à empêcher les Israéliens de se rendre dans le pays, ou à faire pression sur le gouvernement pour qu’il rappelle son ambassadeur à Tel Aviv.
D’ailleurs, jeudi, un responsable du gouvernement jordanien a souligné que l’accord n’était pas conclu avec Israël, mais avec la société américaine Noble Energy, qui détient 35 % du champ de gaz naturel Léviathan.
« Nous permettons à toutes les entreprises jordaniennes, publiques ou privées, d’importer du gaz d’où elles le souhaitent. Cet accord entre la compagnie d’électricité et Noble Energy entre dans le cadre de l’intérêt du gouvernement d’aider les institutions à relever les défis auxquelles elles sont confrontées en raison de la hausse des coûts de l’énergie », a déclaré le ministre jordanien de l’Energie et des Ressources minérales, Mohammed Hamed.
Mais restons pragmatiques, dit Nuriel.
« Bien sûr, ils sont libres de se retirer de l’affaire, mais ils savent qu’elle est la meilleure solution pour eux. Israël ne va pas faire de la politique avec le gaz, comme certains pays du Golfe l’ont tenté, et ils le savent. Avec Israël, un contrat est un contrat, et la sécurité d’approvisionnement en énergie à un prix raisonnable aidera les gens à ‘oublier’ d’où elle provient ».
En juin, Israël a signé un accord avec l’Egypte pour y transférer du gaz, où il sera liquéfié, puis réexpédié en Israël – et maintenant vers la Jordanie aussi – pour être utilisé dans les installations électriques.
« Pour la première fois, les trois pays jouissent d’un approvisionnement sûr, garanti, et pas cher en l’électricité », assure Nouriel. « Les Israéliens en profiteront, bien sûr, mais en Jordanie et en Égypte – deux pays avec d’importantes populations pauvres – l’accord sur le gaz sera un barème solide et mesurable des bienfaits de la paix et de la coopération régionale.
Il aidera à stimuler les régimes aux yeux des masses, et à renforcer à la fois le président égyptien Al-Sissi et le roi Abdallah de Jordanie dans leur lutte contre les insurgés islamistes. »
Les islamistes sont un facteur important, à la fois pour l’Egypte et la Jordanie, dans leur aspiration au succès de l’accord.
« Les djihadistes ont détruit l’entreprise de gaz égyptienne, fondée sur le gaz récolté et diffusé via les pipelines du Sinaï », explique Nouriel, en faisant exploser régulièrement les pipelines. « Malheureusement, le Sinaï est un no-man’s land, au-delà du contrôle de toute l’armée. En faisant exploser les pipelines, les islamistes ont ironiquement poussé l’Egypte vers un accord avec Israël. »
Selon l’accord avec l’Egypte, Nobel Energy et Delek Group, les partenaires de Leviathan, transféreront le gaz à une usine de gaz naturel liquéfié à Idku, près d’Alexandrie, en Egypte même. De là, il sera transporté en Jordanie.
« Les zones où les tuyaux doivent être installés sont sous le contrôle strict des autorités. Elles sont beaucoup moins susceptibles d’être attaquées que les pipelines du Sinaï », fait remarquer Nouriel.
Et si les régimes en Jordanie ou en Egypte étaient remplacés par pire ?
« Alors Israël trouvera un autre pays auquel vendre son gaz. »
Israël parie sur la stabilité à long terme des régimes d’Al-Sissi et d’Abdallah. « Israël a décidé de saborder son accord naissant avec la Turquie pour se diriger vers l’Egypte, parce que le gouvernement turc a montré qu’il ne peut être fiable », explique Nouriel.
« Les élections présidentielles en Turquie le mois passé ont garanti que Recep Tayyip Erdogan restera au pouvoir pendant au moins une décennie. Les relations avec la Turquie ne s’amélioreront pas de sitôt, certainement pas suffisamment pour justifier un contrat de plusieurs milliards de dollars comme celui-là. »
Si le roi Abdallah est capable de résister à la critique, il est susceptible d’affronter des éléments anti-israéliens, ou les griefs du monde arabe.
Mais selon Nouriel, la critique de la Ligue arabe n’impressionne pas vraiment Abdallah. « Les pays du Golfe ont fait de nombreuses promesses à la Jordanie s’agissant de l’énergie, et en ont tenues que peu. Tout ce qu’Abdallah doit faire si les Saoudiens et les Qataris se lamentent [au sujet de l’accord avec Israël] est de les inciter à lui vendre du pétrole ou du gaz dans les mêmes quantités et au même prix qu’Israël. Mais s’ils ne l’ont pas fait jusqu’à présent, il est peu probable qu’ils le fassent maintenant. »
En outre, dit Nouriel, il est devenu clair pour les Saoudiens – et même les Qataris – qu’ils sont mieux lotis avec Israël comme partenaire commercial, si ce n’est comme partenaire de paix.
« Même au Qatar, qui a été un grand partisan des Frères musulmans et du Hamas, je crois que les choses sont en train de changer. »
La montée de l’EI, le groupe islamiste qui cherche à établir un califat musulman qui balaiera les régimes actuels du Moyen Orient, « montre ce qui arrive quand vous laissez le génie islamiste sortir de la bouteille », image Nouriel.
« Vous ne pouvez pas contrôler ce génie, et entre l’EI et Israël, je pense que la plupart des dirigeants du Moyen Orient opteront pour le moindre ‘mal’ ».
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