Israël méritait (beaucoup) mieux pour ses 75 ans
À l’aube des trois quarts de siècle du pays, un Netanyahu sourd et aveugle prône l’unité dans son discours sur grand écran à la cérémonie de lancement de Yom HaAtsmaout
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Ce n’est pas ce à quoi Israël s’attendait à la veille de son 75e anniversaire. Israël méritait mieux que cela pour célébrer sa 75e année d’existence.
Mieux que ce spectacle de familles endeuillées, immergées dans des dissensions politiques alors qu’elles se recueillaient sur leurs proches à l’occasion de Yom Hazikaron, mardi dernier. La présence, jusqu’à présent respectée et respectueuse, des ministres du gouvernement dans les cimetières, dont le but est de témoigner du respect des dirigeants pour ceux tombés en défendant la patrie et de leur soutien aux familles qui ne seront plus jamais complètes, a été cette année un véritable calvaire pour beaucoup, et plus particulièrement pour ceux qui, à Beer Sheva, ont dû tolérer les propos provocateurs et racistes du ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir.
Mieux que toutes ces précautions rigoureuses prises lors de la cérémonie d’ouverture de Yom HaAtsmaout à Jérusalem ; sécurité de routine pour prévenir tout acte terroriste, mais aussi ces mesures supplémentaires destinées à prévenir et à contrecarrer rapidement tout signe public embarrassant de dissidence anti-gouvernementale des participants ou du public.
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Mieux que cette cérémonie annuelle sur le mont Herzl, assombrie cette année, par des craintes concernant la nature même et les valeurs de ce pays, tellement sombre que les applaudissements les plus nourris ont retenti après le discours bref et passionné d’Avigdor Kahalani, héros de la guerre du Kippour, qui a affirmé allumer son flambeau de Yom HaAtsmaout par respect pour « mon pays, que j’aime tant, qui est juif et démocratique ». Non loin de là, des centaines de manifestants avaient organisé un rassemblement pour dénoncer le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui « déchire le pays » en tentant de politiser et d’entraver le système judiciaire. À Tel Aviv, des dizaines de milliers de personnes s’étaient rassemblées en début de soirée pour une autre manifestation organisée pour Yom HaAtsmaout, au cours de laquelle les orateurs se sont engagés à protéger l’État de droit et ont défilé sous une vaste banderole sur laquelle on pouvait lire « Le flambeau de la démocratie ».
Netanyahu a choisi de ne pas risquer d’être sifflé ou bousculé en prononçant son discours en direct à la cérémonie organisée à Jérusalem, préférant transmettre une vidéo de deux minutes et demie dont le contenu soulignait précisément tout ce qu’Israël aurait dû célébrer à l’occasion de ce 75e anniversaire marquant, précisément tout ce qu’Israël méritait de célébrer.
« Faisons cesser tout bruit pour un instant », a commencé Netanyahu, pré-enregistré. « Arrêtons-nous pour admirer un instant ce grand miracle qu’est l’État d’Israël ».
Il a ensuite évoqué 75 années de miracles, accomplis par « un seul peuple », travaillant « ensemble ». En tant que peuple uni, « nous nous sommes relevés des cendres de la Shoah pour atteindre le sommet de la renaissance », s’est-il émerveillé. « En tant que peuple uni », Israël a gagné ses guerres, accueilli des millions d’immigrants, développé une économie florissante, conclu des accords de paix historiques, développé les villes et les infrastructures de la nation, et bâti une armée, Tsahal.
D’autres miracles sont à venir, a-t-il promis, mais ils ne seront possibles que « lorsque nous marcherons ensemble… ce n’est qu’ensemble que nous pourrons atteindre nos objectifs ».
« Y parvenir ensemble », a-t-il développé, « c’est discuter du pour et du contre autour de la table de Shabbat, jusqu’au moment où la nourriture arrive. Y parvenir ensemble, c’est pleurer ensemble lors des cérémonies du Yom HaZikaron et célébrer ensemble Yom HaAtsmaout. »
Les Israéliens ont rarement été capables de mettre fin à leurs disputes lorsque le repas arrivait, et ils ont rarement été aussi déchirés qu’aujourd’hui. Et comme le Premier ministre ne le sait que trop bien, cette année, peut-être plus que toute autre au cours des 75 dernières années, nous n’avons pas été capables de pleurer ensemble aux cérémonies de Yom Hazikaron.
Malgré toute la bonhomie paternelle de son message à l’occasion du Yom HaAtsmaout, y compris la petite blague sur l’invention de Waze pour être sûrs de choisir la bonne direction, ou sa rhétorique sur l’impératif fondamental de l’unité, c’est lui qui a exacerbé nos divisions, avec des conséquences désastreuses, depuis son triomphe électoral à la fin de l’année dernière.
C’est lui qui a nommé l’incendiaire Ben Gvir au poste de ministre de la Police et le théocrate Bezalel Smotrich au poste de ministre des Finances, à qui il a également octroyé des pouvoirs au sein du ministère de la Défense.
C’est lui qui a passé les quatre premiers mois de son retour au pouvoir à faire passer des lois qui lui donneraient un pouvoir quasi absolu. Il a refusé les exhortations de notre président ainsi que celles du dirigeant de notre allié le plus important, qui lui demandaient d’abandonner ce projet de loi, pour privilégier la constitution d’un large consensus en faveur d’une véritable réforme judiciaire. La suspension temporaire de ce projet n’a été décidée qu’après qu’il eut dépassé les bornes en limogeant son ministre de la Défense, sa chute dans les sondages, et le fait que certains des partisans fidèles de sa coalition se soient dégonflés.
C’est lui qui attend avec impatience le grand rassemblement prévu jeudi devant la Knesset en faveur de la réforme, rassemblement dont la promotion est faite dans certains milieux avec des connotations des plus délibérément clivantes.
« Nous n’avons qu’un seul peuple et qu’un seul pays », a affirmé pieusement Netanyahu sur grand écran à l’aube de ce 75e anniversaire de l’Etat. On ne peut qu’espérer que s’écoutant parler dans la salle parmi le public, il entendra ce qu’il a dit.
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