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Israël va s’allier à ses voisins arabes de la mer Rouge pour sauver les coraux

Cette alliance encadrée par une école suisse sera composée d'Israël, de la Jordanie, de l'Egypte, du Soudan, de l'Erythrée, de Djibouti, de l'Arabie saoudite et du Yémen

Le Centre de recherche transnational de la mer Rouge va étudier des milliers d'espèces de poissons et de coraux présents dans la mer Rouge, comme ceux-ci photographiés près d'Eilat par le Professeur Maoz Fine en 2019. (Crédit : Maoz Fine)
Le Centre de recherche transnational de la mer Rouge va étudier des milliers d'espèces de poissons et de coraux présents dans la mer Rouge, comme ceux-ci photographiés près d'Eilat par le Professeur Maoz Fine en 2019. (Crédit : Maoz Fine)

Dans une course contre la montre visant à sauver les coraux chatoyants qui ornent les côtes de la mer Rouge, Israël a rejoint un projet unique de collaboration régionale constitué de sept autres pays majoritairement musulmans, dont la plupart n’entretiennent pas de relations diplomatiques avec l’État juif.

Le Centre de recherche transnational de la Mer Rouge, chapeauté par l’École polytechnique fédérale de Lausanne, va étudier les immenses récifs coralliens de la mer Rouge et ce qui leur a permis de résister à la décoloration qui touche d’autres récifs du monde.

Cette alliance sera composée de pays bordant la mer : Israël, la Jordanie, l’Egypte, le Soudan, l’Erythrée, Djibouti, l’Arabie saoudite et le Yémen. Israël n’entretient des relations qu’avec la Jordanie et l’Egypte.

L’École polytechnique suisse supervisera de façon « neutre » le projet et fera la liaison entre tous les pays, selon le chercheur israélien Maoz Fine, un biologiste marin de la Faculté Goodman des sciences de la vie à l’Université Bar-Ilan.

En 2017, le professeur et l’institution suisse (EFPL) avaient annoncé que les coraux du nord de la mer Rouge étaient très résistants à la décoloration causée par le réchauffement climatique. « Ces 30 dernières années, nous avons perdu 50 % des coraux du monde », avait indiqué Maoz Fine à l’époque.

Lorsque la température de l’eau augmente sous l’effet du réchauffement de la planète, les coraux meurent. Avec leur disparition, les millions de poissons dépendants d’eux pour se protéger et se nourrir périssent avec eux.

« Aujourd’hui en Polynésie française, au Sri Lanka et ailleurs, nous assistons à des phénomènes importants de décoloration des coraux qui disparaissent dans un laps de temps très court », déplore le chercheur.

Le Golfe d’Eilat dans la mer Rouge, le 19 mai 2018 (Crédit : Maor Kinsburksy/Flash90)

Mais la mer Rouge a opéré comme une sorte de « refuge thermique », ses coraux ayant réussi à résister à des expériences les ayant soumis à des températures de plus en plus élevées et à des processus d’acidification, dans le but de reproduire les futures conditions estivales envisagées.

D’autres régions du monde abritent des coraux similaires à ceux de la mer Rouge et sont victimes d’un phénomène important de blanchiment.

Le chercheur israélien et ses collègues suisses ont voulu identifier les gènes leur permettant de survivre à ces températures élevées, dans l’espoir que leur recherche puisse rendre d’autres coraux plus résistants. Mais ils se sont rendus compte que les données récoltées dans d’autres zones de la mer Rouge étaient insuffisantes en quantité et en qualité.

Avec le Centre de recherche transnational, les chercheurs suisses travailleront individuellement avec chaque pays pour placer des centaines d’écrans de contrôle dans la mer, lesquels transmettront des données en temps réel à la base de données hébergée dans le cloud de l’EPFL. Des éléments comme la température, les courants et les vents seront ainsi enregistrés.

Le centre de recherche transnational de la mer Rouge fera coopérer des chercheurs de sept pays, qui étudieront les poissons et coraux comme ceux photographiés ici en 2019 près d’Eilat. (Crédit : autorisation Maoz Fine)

D’après Maoz Fine, les pays mal à l’aise à l’idée de collaborer avec d’autres pays impliqués dans le projet pourront limiter leur activité à leurs frontières et compter sur la Suisse pour conserver les données.

« Si certains pays ne veulent pas travailler ensemble, ils peuvent très bien opérer dans leur pays uniquement », explique-t-il. Les chercheurs suisses veilleront à s’assurer que les données soient récoltées de façon uniformisée à travers la région.

Dans un deuxième temps, le chercheur dit espérer que tous les chercheurs pourront se retrouver en Suisse pour discuter de leurs découvertes, même s’il sait que cela ne sera pas une mince affaire.

« Pour l’instant, chaque pays agit comme s’il était seul », regrette le Prof. Fine. « Personne ne demande à l’autre ce dont il a besoin, et cela peut avoir des effets négatifs sur l’environnement et le tourisme ».

Il existe d’autres modèles de projets de recherche encadrés par des pays neutres, notamment celui supervisé par la Suisse, réunissant des chercheurs israéliens, palestiniens et jordaniens et a pour but d’étudier la possibilité de faire appel aux chouettes effraies pour lutter contre les rongeurs plutôt qu’à des pesticides.

Cependant, le centre de recherche transnational de la mer Rouge représente la plus grande initiative conjointe dans la région, à la fois pour le nombre de pays concernés et pour la vaste région et la complexité des éco-systèmes étudiés. Selon le Prof. Fine, la zone de recherche s’étend sur
2 000 kilomètres de côte et 14 500 kilomètres de récif.

Des coraux de la mer Rouge connus pour leur diversité et leurs couleurs chatoyantes, comme ceux photographiés ici près d’Eilat en 2019. (Crédit : autorisation Maoz Fine)

Même si ce projet pourrait s’avérer essentiel pour sauver les coraux menacés dans le monde, la meilleure chose à faire pour lutter contre leur disparition serait de s’attaquer au problème du réchauffement climatique, pour le chercheur israélien.

« Le plus important, c’est de réduire les émissions de CO2 afin de mettre un terme au réchauffement de la planète, mais également de s’attaquer aux substances polluantes qui affectent la capacité de résistance des récifs », explique-t-il.

Les océans absorbent également un tiers du dioxyde de carbone produit par l’activité humaine, ce qui accroît le phénomène d’acidification nuisible aux coraux.

Le centre étudiera d’autres éléments affectant l’écosystème de la mer Rouge, comme l’agriculture, l’urbanisation, la pêche illégale et les déchets industriels.

Le rebond de l’activité touristique en Égypte, par exemple, a fragilisé les récifs coralliens au large de la péninsule du Sinaï.

Des plongeurs au large de la ville balnéaire de Hurghada, sur la côte égyptienne de la mer Rouge, le 4 avril 2019. (Crédit : Mohamed el-Shahed / AFP)

Maoz Fine espère que le centre de recherche servira de modèle à de futurs projets de recherche impliquant d’autres pays de la région.

« Je pense que c’est ce qui motive les Suisses, car ce n’est pas une région qui s’intéresse beaucoup aux coraux », croit le biologiste. « Ils étudient l’idée de ‘diplomatie pour les sciences, les sciences pour la diplomatie’. Cela pourrait vraiment servir les relations diplomatiques dans la région ».

« Tout le monde dans la région souhaite conserver les coraux », ajoute-t-il. « Il est vraiment essentiel de coopérer et de développer la coopération scientifique et environnementale ici ».

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