Ivan Levaï : « Le monde entier est dangereux pour les Juifs »
Le journaliste et essayiste juif français publiera dans les semaines qui viennent un ouvrage fait de témoignages intitulé : « Il vous reste une minute pour conclure »
C’est une phrase qu’il abhorre et qui trop souvent à son goût conclut les débats télévisés.
Ivan Levaï s’insurge contre la « pensée rapide », telle que l’a définie Daniel Kahnemann, prix Nobel d’Économie. Elle s’est emparée de la presse et donne l’illusion de la
réflexion : « je souhaite toujours qu’un invité fasse un coup d’éclat et refuse de conclure en une minute des questions qui souvent méritent que l’on s’y attarde ».
Il vous reste une minute pour conclure se nourrit de témoignages, de réflexions, notamment sur les événements qui ont émaillé l’année 2015 en France, telle la tuerie dans les bureaux de Charlie Hebdo, le 7 janvier dernier et ceux du 13 novembre.
« J’ai pris part à la manifestation, mais moi, j’ai poussé jusqu’à l’Hyper Cacher ».
Les manifestations ne sont pas allées jusque là : « Y a-t-il des victimes du terrorisme qui le sont moins que d’autres ? » s’interroge le journaliste. Une question que personne à part lui n’a osée soulever, sauf Georges Orwell dans la Ferme des animaux, mais c’était en 1945.
Depuis il juge la presse frileuse dans ses prises de positions, sur la question de la déchéance de la nationalité française. Là encore personne n’a posé la bonne question, estime-t-il.
« En France, la peine de mort a été abolie par le tandem Badinter-Mitterrand qui ont dénié à l’Etat le droit de tuer. Et l’on ne pourrait rien faire contre des gens qui s’arrogent ce droit ? En quoi leur retirer une nationalité dans laquelle ils ne se reconnaissent pas est un acte injuste ? » s’insurge t-il.
« Le monde entier est dangereux pour les Juifs »
En 2015, près de 8 000 citoyens français de confession juive ont fait leur alyah. « Cela m’attriste, mais les événements du mois de janvier 2015, les ont quelque peu poussés vers la sortie. Cela dit, même si j’estime que leur place est bien là, en France, je peux les comprendre ! Mais ne nous voilons pas la face, le monde entier est dangereux pour les Juifs ».
Cet amoureux d’Israël n’a jamais souhaité franchir le pas. « Je me souviens d’une année où [Ariel] Sharon [ancien Premier ministre d’Israël] était venu en visite officielle en France, je lui ai alors dit : ‘cela vous choque t-il si je vous dis que je ne souhaite pas faire mon alyah ?’ A ma grande surprise, il m’a répondu en touchant son ventre : ‘Je vous comprends, car qu’est-ce qu’on y mange bien !' ».
Mais un lien tacite, quasi subliminal avec Israël a fait Ivan Levaï le témoin privilégié des grandes heures du pays. « Lorsque Sadate est arrivé en Israël en 1977, j’ai rencontré à Jérusalem, Pierre Mendès-France, il était ému de vivre un moment historique ».
Depuis, il y a eu plusieurs intifada, les accords d’Oslo et des guerres de riposte qu’Israël a dû mener. Mais il dresse un triste constat du sort réservé à ces hommes de bonne volonté qu’étaient Rabin et Sadate, qui ont eu assez de cran pour porter à bout de bras la paix et ont payé le prix fort de leur engagement.
« Je suis un survivant »
À travers ce livre, Ivan Levaï a choisi de « se raconter », d’ouvrir une porte jusque là tenue volontairement close. Et pour cause, celle-ci ouvre sur une page douloureuse de sa vie, lorsqu’à trois ans, il arrive en France avec Lili sa mère : « elle était chapelière à Budapest et en 1939, elle a tout quitté pour venir s’installer en France ».
Dans ses souvenirs, il y a des trains et le visage bienveillant de sa mère, sur son lit d’hôpital Cochin et qui décèdera en 1941. Elle sera enterrée dans une fosse commune.
Pendant l’exode, comme 700 000 enfants, il restera à Paris et sera élevé à l’Assistance publique : « je suis un vrai survivant et rien ne me destinait à vivre ».
La suite de sa vie sera heureuse, cinquante ans de journalisme, enchainant les rencontres, les plus belles et il évoque, « les femmes admirables de sa vie » dont Anne Sinclair, avec qui il a eu deux fils, David et Élie, et son actuelle épouse Catherine Turmot. Des rencontres magnifiques de Trenet à Barbara sans oublier les amis de toujours, Simone Signoret et Yves Montand avec lequel il part en 1987 en Israël.
« C’était une période riche en événements. L’URSS refusait de laisser les Juifs partir. Finalement, Natan Sharansky, est arrivé. Montand n’avait plus mis les pieds en Israël depuis 1964 et nous avons été invités sur le Golan par Shimon Peres. Moment mémorable, Montand a interprété le chant des Partisans à la piscine Siloé ».
Un moment fort parmi tant d’autres dans ce livre résolument optimiste qui parle « du bonheur d’être heureux » avec un espoir : celui de le partager, car « dans la vie il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rencontres » !
Monsieur cent mille volts
Chaque anecdote ou réflexion est liée à ce métier de journaliste qu’il a exercé pendant près de cinquante ans : « mais quand je vois la presse qui agonise, cela me rend malade » affirme-t-il.
Il débute sa carrière dans les années 1950. Il rejoint l’association Presse Information Jeunesse, qui lui permet de rencontrer des journalistes professionnels, Henri Poumerol (Radio ORTF), Albert du Roy (L’Express), Christian Génicot RMC, Claude Gambiez (Le Figaro), Yves Agnès (Le Monde), Jacques Bouzerand (L’Aurore).
Il se lance dans le journalisme et entre au Service de la jeunesse de l’ORTF et anime de 1963 à 1964 une émission sur France Inter en compagnie de José Artur, Claude Dupont et Michel Godard.
Pendant ce temps, il participe à la création de la deuxième chaîne de télévision avec l’émission Main dans la main. En 1966, Ivan Levaï rejoint l’équipe de Françoise Giroud à L’Express où il devient auprès de Danièle Granet, responsable de la rubrique « Éducation-jeunesse ».
En 1968, Michel Péricard et Jean-Émile Jeannesson le chargent d’un magazine quotidien pour les jeunes, Contact, destiné aux téléspectateurs de la première chaîne de télévision.
Ivan Levaï poursuit sa carrière comme journaliste à France Inter, avant de devenir chef du service politique d’Europe 1 (1972-1974), puis responsable de la revue de presse matinale sur les ondes d’Europe 1, et animateur de l’émission Expliquez-vous (1973-1984). C’est à cette époque (1975-1976) qu’il collabore à l’émission de FR3 Vendredi, avec Christine Ockrent et André Campana.
En septembre 1981, il est nommé conseiller spécial du président délégué d’Europe 1 qui est alors Jean-Luc Lagardère et contribue à l’évolution des programmes de la station.
En juin 1981, il crée l’émission quotidienne Radio Libre à … . Deux ans plus tard, il prend la direction de la rédaction d’Europe 1.
En février, il est chargé de mission à la cellule de réflexion à la télévision pour Europe 1, éditorialiste et responsable de la revue de presse. Il assure ces fonctions jusqu’en 1987 et de 1987 à 1989, il assume ensuite la responsabilité des rédactions des quotidiens Le Provençal et Le Soir.
Retour à la case Radio France, mais cette fois en tant que directeur de l’information et responsable de la revue de presse du matin à France Inter (1989-1996).

Après la direction déléguée du quotidien La Tribune en octobre 1997, Ivan Levaï lance la Chaîne parlementaire de l’Assemblée nationale en octobre 1999, chaîne dont il sera président de 2001 à 2003.
En parallèle à la revue de presse de France Musique dont il est chargé depuis septembre 1999, Ivan Levaï relance en 2004, Tribune juive. Il en assure la direction de la publication avec Yves Azéroual comme rédacteur en chef.
En automne 2005, il revient à France Inter où il produit et anime, avec Sophie Loubière, chaque samedi l’émission Intermedia, consacrée aux média. De l’automne 2006 à 2014, il présente la revue de presse Le Kiosque les samedis et dimanches matins sur France Inter. Il est ensuite renvoyé par la direction.
En retrait momentané du monde de la radio, il attend avec impatience de pouvoir faire entendre sa voix à travers ce livre.
Ivan Levaï, Il vous reste une minute pour conclure, éditions du Cherche-midi, 2016 [La date de publication n’a pas encore été arrêtée.]
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