Jay Z cautionne t-il un « stéréotype juif » antisémite ?
Le nouvel album du rappeur, qui contient un titre sur les Juifs possédant "l'ensemble des biens" aux Etats-unis, a provoqué des réactions mitigées au sein de la communauté juive
Yaakov Schwartz est le rédacteur adjoint de la section Le monde juif du Times of Israël
Depuis que Jay Z a sorti son 14ème album vendredi, une plate-forme de fans fébriles s’est penchée sur les paroles de la chanson titre de l’album, « 4:44 ».
Des fans à la recherche d’indices autour des rumeurs accusant l’artiste de nombreuses infidélités et dont souffrirait son épouse, l’icône pop Beyoncé. Dans son album de 2016 « Limonade », la diva semble en effet avoir accusé son mari de la tromper et la sortie du nouvel opus du rappeur ce vendredi inclurait un mea culpa qui, s’il s’avérait authentique, devrait épargner le couple, encore heureusement marié.
Les fans juifs de l’artiste ne s’inquiètent pas moins de la situation conjugale du couple, mais ils semblent également tendre l’oreille à l’écoute d’un autre titre moins remarquable, intitulé « The Story of OJ » et qui contiendrait des paroles illustrant des stéréotypes juifs antisémites.
Évoquant une propension à gaspiller l’argent inutilement, la chanson interpelle le public :
« Vous voulez savoir ce qui est plus important que de débiter de l’argent dans un club de strip-tease ? Le crédit. Vous vous êtes déjà demandé pourquoi les Juifs possédaient tous les biens en Amérique ? C’est parce que c’est comme ça qu’ils y sont parvenus ».
Sur les réseaux sociaux juifs, des internautes se sont exprimés et une série d’opinions a déferlé sur la Toile concernant le cliché mis en cause, particulièrement caractéristique de la ville de New York, la ville natale de Jay Z, et qui compte nombre de propriétaires fonciers juifs.
As a non-property owner with bad credit who goes to strip clubs, I am offended by Jay Z's blatant antisemitism. #JayZ444
— Matt Lieb?? (@mattlieb) June 30, 2017
Né en Israël, le talentueux manager, écrivain et homme d’affaires Guy Oseary, qui compte notamment Madonna et U2 parmi ses clients, affirme que les paroles de Jay Z ont été reprises en dehors de leur contexte.
« Si vous écoutez la chanson dans son intégralité, vous verrez que la totalité du titre est basée sur des stéréotypes exagérés afin de faire le bilan », écrit-il sur Instagram. « Il tente de décrire les Juifs comme une communauté de personnes qui pensent avoir pris les meilleures décisions dans les affaires. »
On remarquera que les excuses inversées ne sont pas une voie à sens unique. En 2009, dans « Funny People », le film de Judd Apatow, le rappeur RZA évoquait une manifestation de racisme sur scène par un comédien qui n’était pas techniquement juif, Michael Richards, avec la phrase « Kramer a des passes-droits, parce qu’il est mon renoi »
L’histoire de Jay Z ne le dépeint pas comme un antisémite. Lors de l’inauguration du Brooklyn Barclays Center, dans lequel il était un investisseur, Jay Z a allumé une menorah, symbole du Second Temple de Jérusalem après son saccage par les Grecs. Il est également apparu dans une vidéo dénonçant toutes les formes de racisme, et l’antisémitisme spécifiquement, avec le producteur de musique Russell Simmons.
https://youtu.be/WY8mn_9JCy4
Pourtant, les paroles de « The Story of OJ » font suite à d’autres stéréotypes similaires, moins flatteurs pour les Juifs. Le mois dernier, un candidat au Conseil municipal démocratique et candidat pour Manhattan aurait publié une vidéo sur YouTube décrivant sa plate-forme de campagne. Une plate-forme visiblement mobilisée afin de lutter contre le problème des « propriétaires juifs gourmands ».
En 2015, Shaquille O’Neal s’est beaucoup exprimé sur l’engagement d’un « joli petit homme juif » en tant que conseiller financier, autre stéréotype juif « positif ».
Et une compilation vidéo choquante de références aux avocats juifs du hip-hop, à la fois positive et négative, a cumulé près de 128 000 vues sur YouTube.
Il semble que, comme la musique de Jay Z elle-même, la beauté ou la laideur de ces généralités s’appuieraient avant tout sur le regard du spectateur.