Jean-Michel Jarre, le prophète électronique à la mer Morte
A la veille de Pessah, les Hébreux sont retournés dans le désert pour écouter Moïse 2.0 en son et lumière
- Le concert de Jean-Michel Jarre à la mer Morte, au pied de la forteresse de Massada, le 6 avril 2017. (Crédit : Michael Nedjar)
- Le concert de Jean-Michel Jarre à la mer Morte, au pied de la forteresse de Massada, le 6 avril 2017. (Crédit : Michael Nedjar)
- Le concert de Jean-Michel Jarre à la mer Morte, au pied de la forteresse de Massada, le 6 avril 2017. (Crédit : Stéphane Belaisch)
- Le concert de Jean-Michel Jarre à la mer Morte, au pied de la forteresse de Massada, le 6 avril 2017. (Crédit : Menahem Kahana/AFP)
- Le concert de Jean-Michel Jarre à la mer Morte, au pied de la forteresse de Massada, le 6 avril 2017. (Crédit : Menahem Kahana/AFP)
- Le concert de Jean-Michel Jarre à la mer Morte, au pied de la forteresse de Massada, le 6 avril 2017. (Crédit : Menahem Kahana/AFP)
- Le concert de Jean-Michel Jarre à la mer Morte, au pied de la forteresse de Massada, le 6 avril 2017. (Crédit : Menahem Kahana/AFP)
L’endroit ressemble à un cratère, l’impression d’arriver sur un paysage lunaire, le sol est jonché de pierres, les DJ, appelés les scientifiques, portent des blouses blanches, on marche en gravité au son de leur musique planante.
Des drones passent et repassent au-dessus de notre tête, la scène, gigantesque, majestueuse, est composée d’immenses plaques lumineuses numériques futuristes.
Une lumière blanche nous pourfend, on avance pas à pas sur cette planète et lorsqu’on s’aperçoit qu’il y a des stands de hot-dogs, hamburgers et de la bière dans l’espace, on redescend sur Terre.
L’endroit est découpé en zones et l’énorme scène à l’architecture ambitieuse de quelque mille mètres carrés fait penser à un vaisseau spatial planté dans le désert de Judée Samarie, sur lequel des images et motifs numériques apparaissent et disparaissent.

Et puis soudain, les façades numérique du vaisseau s’écartent, coulissent sur elles-mêmes et le maitre de cérémonie, Jean-Michel Jarre, apparait tel un extraterrestre venu se présenter à notre planète, sur une bande son futuriste. Il est entouré de drones, qui comme de petits gardes du corps volants, virevoltent au-dessus de sa tête et le suivent dans chacun de ses mouvements. Ils transmettent au public des images filmés en temps réel de l’artiste.
Au milieu de sa tournée mondiale, Jean-Michel Jarre, l’homme aux multiples records (80 millions d’albums, cinq concerts parmi les plus grands au monde), a fait escale près de la mer Morte pour une date exceptionnelle. Entre anciens tubes et nouveaux morceaux, à la pointe de la musique électronique, il réussit à captiver son public, toujours fidèle.
Car bien plus qu’un concert, nous assistons à un véritable spectacle visuel. Sur les énormes façades numériques, des thèmes s’enchainent, des algorithmes façon Matrix, des motifs hypnotiques, des images du cerveau humain défileront toute la nuit.
Et dans ce lieu magique, au pied du mont Massada, au bout d’un moment on ne pense plus à l’extraterrestre venu s’adresser à la terre mais au veau d’or, version 2017. On imagine le peuple hébreu agglutiné devant ce vaisseau, happé par cette scène lumineuse et fascinante, sur une musique hypnotique, venu entendre Moïse, lunettes de soleil sur le nez, penché sur son clavier à faisceaux électroniques, qui, se sentant un peu trop seul sur son mont, en serait descendu, serait rentré dans le veau d’or pour en prendre contrôle et s’adresser à son peuple.
Le peuple.
Face à la scène, à même le sol, il est invité à aller prendre poufs, matelas et coussins à volonté pour s’installer confortablement. On découvre le public de Jean-Michel Jarre, les mêmes que lors de ses premiers concerts, et c’est là qu’on réalise qu’il s’agit en fait de la première rave… pour 2e et 3e âge. Tout un concept. Difficile de trouver des jeunes ici.

Au-dessus de la fosse, la zone première loge est conçue pour ceux qui veulent profiter du spectacle dans un salon exclusif installé sur une plate-forme élevée à 3.5 m du sol.
Plus haut encore, la zone VIP pour assister au concert depuis les divans surélevés en dégustant un cocktail au bar et danser sous les étoiles. « Je peux bien boire une coupe de champagne, j’ai investi 2 millions de shekels dans le spectacle », nous dit une Israélienne d’une quarantaine d’années accoudée au bar.
Enfin, toujours plus haut, comme dans un mirador de luxe, des penthouses équipés d’une piste de danse privée, d’un mobilier haut de gamme, et d’un télescope pour observer les étoiles, se hissent au-dessus de l’amphithéâtre et donnent une vue panoramique sur la scène, le désert de Judée et le mont. Les prix varient entre 500 et 700 euros. Dans l’endroit le plus bas du monde, plus on monte, plus les prix s’élèvent.

Et puis on se rend derrière la scène, et là on découvre tout un village avec des tranchées, creusé dans le désert, des petites cabanes, des caravanes, un endroit surréaliste, où se sont installés les organisateurs, la sécurité et tous ceux qui font vivre le vaisseau spatial.
Il est 1h30 du matin, soit 2h30 de show plus tard, Jean-Michel Jarre arrive en titubant, entouré de ses proches, ils le soutiennent, il est épuisé, il a tout donné et ça s’est vu et entendu. Une fille franchit la barrière de sécurité pour le rejoindre, un garde l’arrête.
La fille semble comme en transe, cela fait 10 ans qu’elle cherche à avoir une photo avec son idole, elle ne bouge pas, ne répond plus, les gens de la sécurité sont littéralement obligés de la prendre et de la porter hors de l’enceinte, elle se met à crier, à pleurer.
Sur la scène, le DJ du Bouddha Bar prend le relai, la musique est excellente, peut-être même meilleure que celle du prophète mais la foule s’est dispersée, elle rentre chez elle, il n’y a plus grand monde.
Les drones font un dernier tour de piste, quelques personnes dansent encore, probablement les rares jeunes, les autres sont déjà partis se coucher.

Pourtant le spectacle est prévu jusqu’à 4hOO du matin, avec DJ Ilya et Astral Projection. L’un d’entre eux a même annulé un concert à l’autre bout du monde pour jouer ce soir avec Jarre, 68 ans, le pape de l’électro, le pionnier, le vétéran dont l’album « Electronica 1 » a été élu meilleur album de dance-électro aux Grammy Awards 2017.
Bizarrement son message, sauvons la mer Morte, est un peu passé à la trappe. La nuit, la mer est invisible, même Massada est peu visible, tout s’est effacé devant ce spectacle grandiose. Le show laser visuel démentiel et musical a écrasé la nature, et ce soir-là tout le monde se fichait bien de la mer qui se mourait.
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