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Jérusalem-Est : Les habitants d’Issawiya en ébullition contre la police

Les responsables de la sécurité affirment avoir intensifié leurs opérations en raison de l'escalade de violence émanant du quartier palestinien, où vivent 18 000 personnes

Des Palestiniens sont arrêtés lors d'affrontements avec la police israélienne dans le quartier de Jérusalem d'Issawiya, le 28 juin 2019, un jour après qu'un Palestinien a été abattu par un policier lors de manifestations dans le même quartier. (AP Photo/Mahmoud Illean)
Des Palestiniens sont arrêtés lors d'affrontements avec la police israélienne dans le quartier de Jérusalem d'Issawiya, le 28 juin 2019, un jour après qu'un Palestinien a été abattu par un policier lors de manifestations dans le même quartier. (AP Photo/Mahmoud Illean)

Depuis le début de l’année scolaire, en septembre, Khader Obeid, le directeur de l’unique collège du quartier d’Issawiya à Jérusalem-Est, a consacré une grande partie de son temps à surveiller les déplacements de ses élèves entre les cours.

Obeid, qui dirige l’école depuis 16 ans, a déclaré qu’il passait plus de quatre heures par jour, debout devant l’entrée, à empêcher la police israélienne d’entrer en contact avec ses 430 élèves.

Dans une série d’entretiens avec le Times of Israël, Obeid, ainsi que des dirigeants et des membres de la communauté, ont soutenu que la police a intensifié de manière déraisonnable ses activités à Issawiya et fait un usage excessif de la force contre ses résidents, sapant la stabilité et alimentant les tensions dans le quartier tout en compliquant les déplacements des étudiants.

La police a rejeté les accusations, affirmant que l’intensification des opérations à Issawiya était en corrélation directe avec ce qu’elle a décrit comme une augmentation de la violence émanant du quartier.

« J’ai l’impression de ne plus être le directeur de l’école, mais plutôt son gardien », a fait remarquer M. Obeid. « La police a utilisé la force contre beaucoup de nos élèves, ce qui rend leur concentration en classe très difficile. »

Obeid a déclaré que, si certains affrontements avaient été déclenchés par des étudiants qui lançaient des pierres sur la police, la police avait souvent porté de fausses accusations contre les élèves.

Des Palestiniens jettent des pierres lors d’affrontements avec la police israélienne dans le quartier d’Issawiya à Jérusalem le 28 juin 2019, un jour après qu’un Palestinien a été tué par balle par la police lors d’une manifestation dans le même quartier. (Crédit : Hazem Bader/AFP)

Issawiya, un des nombreux quartiers de Jérusalem-Est, est pris en sandwich entre l’Université hébraïque de Jérusalem, l’hôpital Hadassah du Mont Scopus, le quartier French Hill et la Route 1, la principale autoroute qui relie Jérusalem et la vallée du Jourdain.

Plus de 18 000 Palestiniens vivent dans ce quartier densément peuplé. Amy Cohen, porte-parole d’Ir Amim, une ONG israélienne pro-palestinienne, a déclaré que ce quartier souffrait d’un manque important de plans de zonage et de permis de construire, de services d’assainissement inadéquats, d’un manque d’espaces publics pour les loisirs et de salles de classe insuffisantes, entre autres problèmes.

Les quartiers d’Issawiyah et de Shuafat à Jérusalem-Est. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

Même si les Palestiniens de Jérusalem-Est représentent 38 % des plus de 900 000 habitants de la ville, la municipalité de Jérusalem n’investit que 10 à 12 % de son budget dans leurs quartiers, a déclaré Daniel Seidemann, un expert des affaires de Jérusalem.

Depuis qu’Israël a récupéré Jérusalem-Est lors de la guerre des Six Jours de 1967 et a ensuite revendiqué sa souveraineté, il a officiellement offert aux résidents de cette zone la possibilité de demander la citoyenneté israélienne. Très peu l’ont fait.

Ces dernières années ont vu une augmentation du nombre d’habitants de Jérusalem-Est demandant la citoyenneté israélienne, mais beaucoup de ces demandes n’ont pas encore été traitées.

Des mois de frictions

Mohammed Abu Hummus, 53 ans, membre du Comité des parents d’Issawiya, a déclaré que les opérations renforcées de la police dans le quartier remontaient à mai 2019.

« À cette époque, ils ont commencé à causer beaucoup de problèmes. Nous avons donc organisé une manifestation le 27 juin, puis ils sont venus quelques heures plus tard et ont abattu quelqu’un qui ne représentait pas une menace pour eux », a-t-il déclaré. « Depuis ce jour, ils sont hors de contrôle et provoquent et attisent inutilement les tensions. »

Le 27 juin, la police a abattu Mohammed Obeid, un résident d’Issawiya âgé de 20 ans qui, selon les responsables de la sécurité, tirait des feux d’artifice sur des policiers, mettant ainsi leur vie en danger.

Abu Hummus a déclaré que depuis le mois de mai, la police a fait des descentes dans plus de 500 maisons à Issawiya et arrêté plus de 600 résidents – dont seulement une vingtaine ont été inculpés. Il a également déclaré que les policiers ont fréquemment mis en place des barrages routiers dans le quartier, arrêtant les conducteurs afin de les interroger.

« Ce décalage entre les arrestations et les accusations montre que la police a dépassé son rôle », a-t-il dit, ajoutant qu’il pensait qu’elle avait accru ses activités à Issawiya pour « nous imposer son occupation ».

« Ils savent que nous rejetons l’occupation ici. Ils essaient donc maintenant de nous faire accepter progressivement le statu quo, mais cela n’arrivera jamais », a-t-il dit.

Mohammed Abu Hummus, 53 ans, membre du Comité des parents d’Issawiya, assis dans son salon fin 2019. (Crédit : Adam Rasgon/Times of Israel)

Le porte-parole de la police, Micky Rosenfeld, a rejeté une grande partie les critiques, affirmant que la police n’avait pris des mesures qu’en réponse aux actes de violence perpétrés par les habitants d’Issawiya.

« Nous avons récemment fait face à de nombreux incidents graves à Issawiya, notamment des résidents locaux qui lançaient des cocktails Molotov, des feux d’artifice et des pierres contre la police », a-t-il expliqué, précisant que deux voitures de police patrouillaient régulièrement dans le quartier, la police des frontières et l’unité de reconnaissance d’élite Yasam assurant un soutien pendant les affrontements.

« Nos activités sont une réponse directe à l’augmentation importante de la violence que nous avons constatée là-bas », a-t-il dit, ajoutant que les résidents ont récemment attaqué une ambulance.

Interrogé sur les déclarations de Rosenfeld, Abu Hummus a accusé les autorités de provoquer les habitants pour les contraindre à la confrontation.

« Quand vous venez ici et semez la pagaille, il est évident qu’il y aura une réponse », a-t-il dit.

Des affrontements violents

Les vidéos diffusées sur les médias sociaux au cours des derniers mois ont montré des résidents et des policiers prenant part à des affrontements violents, les premiers déclenchant des feux d’artifice et lançant des pierres, des bombes incendiaires et d’autres objets sur les forces de l’ordre.

Mais d’autres vidéos ont montré la police utilisant une force importante contre les habitants. Par exemple, dans des images du 9 novembre, un policier frappe au visage Ahmad al-Masri, 38 ans, lors de son arrestation, avant de le jeter au sol. Peu après dans cette même vidéo, deux policiers relèvent Masri et l’un d’eux le frappe au visage. Ils l’ont ensuite poussé à nouveau au sol et le deuxième policier a commencé à le frapper.

S’exprimant dans une pizzeria, Masri a déclaré que les policiers avaient également utilisé du gaz poivre contre lui et a ajouté qu’il avait perdu connaissance pendant l’incident. Il a dit qu’il s’était d’abord adressé aux policiers le 9 novembre pour leur demander de ne pas garer leur fourgonnette sur ce qu’il a décrit comme étant sa propriété privée.

« Ce qu’ils m’ont fait est barbare et inhumain », a-t-il dit, ajoutant que la police l’avait assigné à résidence pendant cinq jours, après avoir passé une journée à être soigné à l’hôpital Hadassah Ein Kerem.

Ahmad al-Masri, un résident d’Issawiya âgé de 38 ans, dans une pizzeria du quartier à la fin décembre. (Crédit : Adam Rasgon/Times of Israel)

Interrogé sur la vidéo, M. Rosenfeld a transmis un communiqué indiquant que la police avait été confrontée à « une agitation majeure qui comprenait une attaque et un lancement de bombes incendiaires et de pierres » le 9 novembre, notant que deux suspects avaient été arrêtés et qu’un policier avait été hospitalisé après avoir été heurté à la tête par une pierre.

Le communiqué, cependant, ne nomme pas Masri comme suspect et ne fait aucune référence explicite à lui ou à l’usage de la force par la police à son encontre.

Seidemann a déclaré qu’il était « complètement déconcerté » par les récentes opérations de police à Issawiya.

« Je n’ai jamais rien vu de cette ampleur, de cette durée et de cette intensité à Jérusalem depuis 1967 », a-t-il déclaré.

Échec des efforts visant à réduire les tensions

Entre-temps, le directeur, Obeid, a déclaré que la police, le maire de Jérusalem, Moshe Lion, et les dirigeants locaux s’étaient mis d’accord fin août sur une formule permettant aux élèves de se rendre à l’école et d’en revenir sans voir de policiers.

« Il y a eu un accord selon lequel la police n’entrera pas dans la zone pendant les heures où les élèves vont et viennent à l’école », a-t-il précisé. « Le seul problème est que la police a cessé de respecter l’accord quelques jours après que nous l’ayons accepté. »

Ben Avrahami, conseiller du maire M. Lion pour les affaires de Jérusalem-Est, a confirmé que des « ententes mutuelles » avaient été conclues pour « minimiser les frictions » entre les étudiants et la police, mais a déclaré qu’elles ont été minées par un certain nombre d’incidents violents.

« Ce qui s’est passé, c’est que des étudiants ont jeté des pierres sur la police dans des endroits qui ne sont pas proches des écoles », a-t-il dit. « Donc la police est venue en ville pour gérer ces situations, où ils ont dû faire face à une hostilité accrue. »

Obeid a ajouté qu’environ un mois après l’accord initial, la police, la municipalité et les dirigeants locaux ont convenu d’un nouvel arrangement, créant un groupe WhatsApp avec des représentants des trois parties.

« L’idée était que, s’il y avait un problème, il pourrait être immédiatement résolu par le groupe WhatsApp, mais la police l’a quitté quelques jours après son ouverture », a-t-il dit.

Rosenfeld a indiqué ne pas avoir connaissance de ce groupe WhatsApp.

Illustration : Des Palestiniens portent le corps de Mohammed Obeid lors de ses funérailles à Jérusalem-Est, dans le quartier d’Issawiya, le 1er juillet 2019. (Crédit : AP Photo/Mahmoud Ilean)

Avrahami a refusé de dire s’il pensait que les forces de l’ordre faisaient un usage excessif de la force à Issawiya, mais a souligné que la municipalité prenait des mesures pour améliorer la situation sur place.

« M. Lion a joué un rôle actif en essayant d’être un pont entre les différentes parties », a-t-il dit, précisant que le maire avait personnellement pris l’initiative de la rencontre entre la police et les dirigeants locaux à la fin du mois d’août.

Avrahami a également indiqué que Lion avait récemment ordonné la construction d’un terrain de jeux dans le quartier, qui a été achevé en deux semaines, et qu’il avait également pris des mesures pour faire avancer les plans de construction d’un nouveau centre communautaire.

Mohammed, un résident de 13 ans, a dit qu’il aimerait voir la situation s’améliorer.

« C’est effrayant d’être ici », dit Mohammed, qui a refusé de donner son nom de famille. « J’espère que les choses vont s’améliorer. »

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