Jérusalem aura-t-elle son système de vélos en partage ?
Les ultra-orthodoxes juifs s'opposent à ce qu'on circule à deux roues dans la ville sainte le jour du Shabbat
Réduire trafic et pollution, favoriser tourisme et modernité : Jérusalem veut son système de vélos en partage comme New York ou Paris, mais les ultra-orthodoxes juifs s’opposent à ce qu’on circule à deux roues dans la ville sainte le jour du Shabbat.
C’est la dernière en date des querelles provoquées par la confrontation entre les règles du judaïsme et les réalités de la vie moderne.
Elles existent depuis la création même d’Israël mais elles se sont multipliées ces derniers mois, autour de l’ouverture des cinémas et des supérettes, de la circulation des bus et des matchs de foot disputés le jour du Shabbat.
« Nous considérons cela comme une affaire extrêmement grave », disait récemment le conseiller municipal ultra-orthodoxe Eliezer Rauchberger à la radio au sujet du projet de créer un système de vélos en partage qui fonctionnerait sept jours sur sept, y compris donc pendant le Shabbat, du vendredi soir au samedi soir.
Ce n’est pas tant que les ultra-orthodoxes soient contre la bicyclette. La vision d’hommes au costume noir, chapeau à large bord et bouclettes rituelles gravissant les collines de Jérusalem sur des vélos électriques fait partie des images de Jérusalem.
Le judaïsme proscrit le travail, dans une acception très large, ce jour-là et encourage l’étude de la Torah, la prière. Beaucoup d’ultra-orthodoxes sont opposés à la bicyclette le jour du Shabbat parce qu’un pneu crevé nécessiterait de réparer, ou simplement par tradition.
‘Le shabbat appartient à tout le monde’
Dans une ville où le sacré le plus ancien cohabite avec le profane le plus récent, le programme de vélos, qui débuterait au printemps 2016, fonctionnerait avec une application pour smartphones, autre motif d’interdiction religieuse.
A Tel-Aviv, plus connue pour sa vie nocturne que religieuse, un réseau de vélos en partage opère depuis 2011, y compris pendant le Shabbat.
Mais la religion doit être respectée à Jérusalem plus qu’ailleurs, disent les ultra-orthodoxes. « Nous ferons tout ce que nous pouvons pour empêcher ça », dit Eliezer Rauchberger, « Jérusalem est une ville sainte, et elle doit être gérée comme telle ».
Les ultra-orthodoxes sont une force qui compte. Ils représentent 20 % de la population de Jérusalem. Leurs partis détiennent un tiers des sièges au conseil municipal et l’actuelle coalition gouvernementale n’existerait pas sans leurs concours.
Le parrain du programme à Jérusalem, l’adjoint au maire Tamir Nir, dit à l’AFP n’avoir « aucune intention de laisser tomber, et je ne crois pas que le conseil municipal laissera tomber ». « Le Shabbat appartient à tout le monde, et tout le monde a le droit d’en profiter comme bon lui semble ».
La municipalité n’est pourtant pas insensible aux pressions. Elle vient de décider que huit supérettes jusqu’alors ouvertes pendant le Shabbat devaient fermer ce jour-là.
Wajdi Halawani, gérant de Supermarket 24, l’une des supérettes fermées, se désole pour son chiffre d’affaires. « Parmi nos clients, il y a beaucoup de touristes qui ne savent pas où faire leurs courses » le jour du Shabbat, dit-il, « nous ne dérangeons personne et nous rendons service à beaucoup de monde ».
La municipalité assure ne pas céder aux injonctions religieuses, mais se conformer à un arrêt de la Cour suprême exigeant le respect de lois souvent ignorées. Celles-ci autorisent les lieux de distraction comme les restaurants et les cinémas à ouvrir pendant le Shabbat, mais l’interdisent à d’autres catégories de commerces, comme elles interdisent les transports publics.