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Interview

Joann Sfar : « J’adore l’idée de provoquer le rire et l’effroi »

On rit beaucoup en lisant Le dernier juif d'Europe... avant d'être glacé d'effroi quand, entre deux éclats de rire, l'auteur nous ramène au poison de l'antisémitisme

Désiré Abergel, un personnage de Joann Sfar. (Autorisation)
Désiré Abergel, un personnage de Joann Sfar. (Autorisation)

« Moi qui ai grandi dans une France où la haine des juifs était un repoussoir, aujourd’hui c’est devenu quelque chose de consensuel », estime l’écrivain, réalisateur et auteur de bande dessinée Joann Sfar qui choisit d’en rire, pour ne pas en pleurer, dans son nouveau roman Le dernier juif d’Europe.

L’antisémitisme est « devenu une manière de rassembler des gens qui n’ont rien en commun mais qui se retrouvent là-dessus », affirme le créateur du « Chat du rabbin » au cours d’une rencontre avec un journaliste de l’AFP à Paris.

Le dernier juif d’Europe (Albin Michel, 320 pages, 19,90 euros) est l’histoire d’un vieux juif français qui aimerait ne plus être juif et qui ne trouvera comme solution, pour se débarrasser de ce fardeau identitaire et devenir antisémite comme tout un chacun, que de demander à un chirurgien de lui reconstituer son prépuce…

Le ton est donné. Pour dénoncer l’effroyable, Joann Sfar choisit la comédie. Il est question d’un vampire mort en 1917 et amoureux d’une psychanalyste qui côtoie des monstres, d’une femme rabbin anglaise qui décoiffe, d’un humoriste carrément pas drôle mais totalement antisémite, appelé « Donnémoidufric » et d’une galerie d’autres personnages surnaturels.

Joann Sfar. (Crédit : YouTube/Capture d’écran)

« Je suis terrifié à l’idée d’ennuyer mes lecteurs », se justifie Joann Sfar qui explique s’être débarrassé « depuis bien longtemps de l’envie de convaincre ». « Je n’écris pas pour faire changer le monde. Je n’écris pas de manière militante ».

On rit beaucoup à la lecture de ce roman… avant d’être glacé d’effroi quand, entre deux éclats de rire, Joann Sfar nous ramène au poison de l’antisémitisme.

« J’adore l’idée de provoquer le rire et l’effroi », admet l’écrivain.

Rappelant la célèbre phrase de Pierre Desproges affirmant qu' »on pouvait rire de tout mais pas avec n’importe qui », Joann Sfar fait le pari que son lecteur « n’est pas n’importe qui ».

« Il y a heureusement assez de citoyens aujourd’hui qui sont capables de rire de tout et qui ne sont absolument pas dupes », dit-il.

Pourtant, son constat est accablant.

« Il y a 20 ou 30 ans, la communauté juive, terrifiée à chaque agression antisémite, en parlait (parfois trop) et suscitait des réactions de sympathie. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Tous les juifs savent très très bien que lorsqu’on dénonce un acte anti-juif, la conséquence c’est une recrudescence des actes anti-juifs », soutient le romancier.

« Le rire du pogrom »

« Après les meurtres de Mohammed Merah, toutes les écoles juives de France ont reçu des lettres de menaces et des coups de fil anonymes. Le carré juif du cimetière de l’Est à Nice (où est enterré la mère de l’écrivain, ndlr) a été profané », énumère Joann Sfar.

Les portraits des sept victimes – Imad Ibn Ziaten, Abel Chennouf, Mohamed Legouad, Gabriel Sandler, Aryeh Sandler, Myriam Monsonégo et Jonathan Sandler – de Mohamed Merah pendant une cérémonie de commémoration organisée par le CRIF à Toulouse, le 19 mars 2014. (Crédit : Rémy Gabalda/AFP)

« Toute la communauté juive sait très bien qu’à chaque fois qu’on ose dénoncer de l’antisémitisme on va être puni », souligne-t-il.

« Même parmi des proches, même parmi des amis, un silence sourd se fait là-dessus. J’ai l’impression que nos alliés d’hier nous disent : ‘Désolés, on a fait ce qu’on a pu’ « , déplore l’écrivain.

« Ce qu’on oublie quand on parle des juifs c’est que ce n’est pas une idée, ce sont des corps », insiste l’écrivain.

« Je suis étonné par la jouissance avec laquelle certaines personnes prononcent certains patronymes juifs, la jouissance avec laquelle des gens disent Rothschild quand ils parlent du passé de (Emmanuel) Macron », fait-il remarquer. « Je n’ai aucune sympathie pour Macron mais je regrette qu’il n’ait pas travaillé pour HSBC », ajoute-t-il en souriant.

Pessimiste, l’écrivain affirme n’avoir « aucun espoir » et note qu' »il y a des moments où certaines vagues de haine sont inexorables ».

Des carnavaliers déguisés en Juifs ultra-orthodoxes avant le début du Carnaval d’Alost le 23 février 2020, Alost, Belgique. (Crédit : JAMES ARTHUR GEKIERE / AFP)

Joann Sfar reconnaît avoir été choqué par les images du récent carnaval d’Alost en Belgique où l’on a vu défiler des gens grimés en SS et d’autres censés représenter des juifs en insectes.

« Ce qui m’a le plus marqué c’est le sourire des gars maquillés en SS. Ce sourire-là c’était le rire du pogrom », s’indigne-t-il. « C’est un rire qui prépare au massacre ».

« Il faut arrêter de dire que la bêtise ou l’inculture sont des excuses pour la haine », souligne l’écrivain.

« Ma certitude, ajoute-t-il, est qu’on n’est pas au bout des horreurs, on n’a pas fini d’en voir et ça va durer ».

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