Jordanie: un policier tué lors de manifestations contre les prix des carburants
Les manifestations déclenchées par la grève des chauffeurs routiers s'étendent à plusieurs villes ; les agents utilisent des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants
Un haut responsable de la police a été tué par balle tôt vendredi lors de manifestations dans la province de Maan, dans le sud de la Jordanie, théâtre depuis plusieurs jours de protestations contre la hausse des prix des carburants, selon la Sûreté générale.
« Le directeur adjoint de la police du gouvernorat de Maan, le colonel Abdelrazzak Aldalabih, est décédé après avoir été blessé par balle à la tête, alors qu’il faisait face à des émeutes », a précisé la Sûreté générale dans un communiqué.
« Les émeutes ont été menées par un groupe de vandales et de hors-la-loi dans la région de Husseiniya, dans le gouvernorat de Maan », à environ 218 km au sud d’Amman, ajoute le texte.
La Sûreté générale a ajouté plus tard qu' »un officier et un sous-officier avaient été blessés par des coups de feu alors qu’ils faisaient face à des vandales et des émeutiers à Husseiniya ».
Les grèves ont touché plusieurs provinces du sud du pays.
Gunmen have shot dead the deputy police chief of Jordan's Maan city as the country just struck by riots following the Kingdom's resolution to increase fuel prices.
Footage from Amman. pic.twitter.com/JJWaGKcGY9— Majd Fahd ???????? (@Syria_Protector) December 15, 2022
Elles ont débuté il y a plus d’une semaine par un mouvement des chauffeurs de poids lourds qui ont été suivis par les chauffeurs de taxi. Des commerçants ont également baissé leurs rideaux mercredi pour protester contre la hausse des prix des carburants.
A certains endroits, les protestataires ont bloqué des routes avec des pneus enflammés et des échauffourées avec les forces de sécurité ont eu lieu.
La Sûreté générale a prévenu que « tout en assurant la protection de la liberté d’opinion et d’expression pacifique » elle agirait « en utilisant la force appropriée face aux émeutiers et ceux qui mènent des actes de vandalisme ».
« Nous frapperons d’une main de fer quiconque tenterait de mettre des vies en danger, s’attaquerait à des biens publics et menacerait la sécurité de la nation », ajoute-t-elle.
Situation économique difficile
Invoquant des incitations à la violence et des « appels au chaos », l’unité de lutte contre la cybercriminalité au sein de la Sûreté générale a annoncé avoir suspendu le fonctionnement de TikTok dans le royaume, « pour utilisation abusive ».
« Que peut-on dire à un gouvernement quand on ne peut pas se nourrir, se chauffer ou avoir du carburant? Est-ce cela que nous méritons de la part du gouvernement? », s’est interrogé un chauffeur cité par la chaîne Al-Mamlaka.
Les prix des carburants ont presque doublé par rapport à l’an dernier, en particulier pour le diesel, généralement utilisé par les camions et les bus, et le kérosène, principal carburant de chauffage.
Un litre d’essence 95 sans plomb coûte 1,6 USD et le litre de kérosène est vendu à 1,2 USD.
En 2018, le Premier ministre Hani Mulki avait démissionné après plusieurs jours de manifestations contre des réformes fiscales proposées et les augmentations des prix de l’énergie.
Des chauffeurs de poids lourds ont garé leurs véhicules le long d’une autoroute et ont organisé un sit-in, selon des images diffusées par la télévision d’Etat Al-Mamlaka à Maan.
Face à ce mécontentement, le gouvernement a proposé des aides notamment pour soutenir les familles les plus touchées, mais ces solutions ne semblent pas avoir satisfait les grévistes.
L’ambassade des Etats-Unis a émis jeudi une notice de sécurité appelant les ressortissants américains à la vigilance, faisant état de « fermetures de routes, d’incidents de sécurité fréquents et imprévisibles », en particulier dans le sud du pays.
Les manifestations surviennent alors que la Jordanie accueille mardi un sommet régional, qui doit réunir l’Irak, les pays voisins et la France.
La Jordanie est confrontée à une situation économique difficile, avec un taux de chômage de 23% en 2021, selon la Banque mondiale.
Dépourvu de ressources naturelles et très dépendant d’aides étrangères, notamment du Fonds monétaire international (FMI), ce petit pays durement touché par l’afflux de réfugiés syriens croule sous une dette publique dépassant 100% de son PIB.