Jordanie : un sommet pour tenter de désamorcer les crises régionales
La conférence "Bagdad II" se tient sur les rives de la mer Morte, après une première édition dans la capitale irakienne à l'initiative d'Emmanuel Macron et de l'Irak
La Jordanie accueille mardi un sommet rassemblant le président français et des représentants des principaux acteurs du Moyen-Orient, dont l’Iran et l’Arabie saoudite à couteaux tirés, pour tenter de désamorcer les crises qui secouent la région.
La conférence « Bagdad II » se tient sur les rives de la mer Morte, après une première édition dans la capitale irakienne en août 2021 à l’initiative d’Emmanuel Macron et de l’Irak.
« L’objet d’une telle réunion est de mettre autour de la table des voisins, des partenaires de l’Irak pour essayer d’avancer en favorisant le dialogue », selon la présidence française.
Un pari difficile dans une région toujours instable. L’Iran réprime une vague de manifestations contre le pouvoir, l’Irak sort tout juste d’un an de crise politique, la Syrie demeure un terrain d’affrontements entre puissances et le Liban est sans président, pour ne citer que quelques-unes des crises régionales.
Selon l’Elysée, la rencontre vise à « apporter un soutien à la stabilité, la sécurité, la prospérité de l’Irak et traiter de l’ensemble de la région puisque l’Irak en est un pays pivot ».
« Ce sommet a de grandes ambitions mais personne ne s’attend à des miracles », estime Riad Kahwaji, directeur de l’Institut du Proche-Orient et du Golfe pour les analyses militaires (Inegma).
Il explique que la France joue un rôle crucial, en « gardant le fil du dialogue au nom des Occidentaux avec l’Iran, surtout que les négociations de Vienne sur le nucléaire (iranien) sont actuellement en difficulté ».
Josep Borrell, le chef de la diplomatie de l’Union européenne qui coordonne ces pourparlers, a rencontré avant l’ouverture du sommet le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian.
Ce dernier avait estimé que le sommet serait « une bonne opportunité » pour l’Iran « de finaliser » les négociations.
La rencontre est intervenue alors que celles-ci sont au point mort et que l’UE a imposé de nouvelles sanctions à l’Iran pour protester contre sa répression des manifestations qui secouent le pays, déclenchées par la mort en détention d’une jeune Kurde.
Le ministre saoudien des Affaires étrangères Fayçal ben Farhane est également attendu à la conférence, de même que l’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani.
Pour M. Kahwaji, analyste basé à Dubai, il faudra voir « quelle est la disposition de Téhéran, qui joue un rôle central dans les crises de la région, de l’Irak à la Syrie en passant par le Liban et le Yémen, à faire des compromis ».
Téhéran a accusé pour sa part plusieurs pays étrangers, dont son rival régional, l’Arabie saoudite, avec lequel les relations diplomatiques sont rompues depuis 2016, d’encourager le mouvement de contestation inédit en Iran.
« Nous sommes disposés à revenir à des relations normales et rouvrir les ambassades quand la partie saoudienne sera prête », a assuré lundi M. Amir-Abdollahian.
L’entrée en jeu de l’Iran dans le conflit ukrainien à travers la fourniture de drones à la Russie complique encore la situation, selon M. Kahwaji.
La conférence fera figure de test pour le Premier ministre irakien, Mohamed Chia al-Soudani, désigné en octobre après plus d’une année d’impasse politique et jugé plus proche de l’Iran que son prédécesseur.
« Le Premier ministre Soudani co-organise avec nous cette conférence. Donc, il y a une volonté de continuité de sa part qui est à relever », souligne la présidence française.
Hamzeh Hadad, chercheur invité au Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), estime que « les Irakiens et les non-Irakiens aimeraient voir la réunion déboucher sur un programme plus sérieux » qu’en 2021.
Le sommet doit en outre se pencher sur des problèmes communs, comme le réchauffement climatique et la sécurité alimentaire, ainsi que sur la coopération régionale en matière d’énergie.
Emmanuel Macron, qui s’est rendu lundi sur le porte-avions français Charles de Gaulle au large de l’Egypte pour la fête de Noël avec les troupes françaises, s’entretiendra également avec le roi de Jordanie Abdallah II, « allié dans la lutte contre le terrorisme », selon Paris.
L’armée jordanienne s’est déployée en force depuis l’aéroport d’Amman jusqu’au centre de conférence de la mer Morte, à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de la capitale, où se tient la réunion.
Israël, bien que situé dans la région, n’est pas représenté dans cette réunion.