Katz : le cessez-le-feu est suspendu au retrait du Hezbollah du Sud-Liban
Selon le ministre de la Défense, si le groupe terroriste ne retire pas ses agents et ses armes, comme le prévoit la trêve, "il n'y aura plus d'accord et Israël prendra les mesures qui s'imposent"
Emanuel Fabian est le correspondant militaire du Times of Israël.
Israël devra « prendre les mesures qui s’imposent » si le Hezbollah ne se retire pas du Sud-Liban comme le prévoit l’accord de cessez-le-feu, a rappelé, dimanche, le ministre de la Défense, Israel Katz.
« Israël entend mettre en œuvre l’accord au Liban et continuer à l’appliquer pleinement et sans compromis pour garantir le retour dans de parfaites conditions de sécurité des habitants du nord », a déclaré Katz à l’occasion d’un déplacement sur une base de l’armée israélienne du nord d’Israël, où l’armée expose des armes saisies au Hezbollah.
Dans le cadre de l’accord de trêve qui a été signé par Israël et l’organisation terroriste, le 27 novembre dernier, l’armée israélienne est tenue de rétrocéder à l’armée libanaise toutes ses positions du sud-Liban dans un délai de 60 jours. Dans le même temps, le Hezbollah est placé dans l’obligation de se replier au nord du fleuve Litani, à une trentaine de kilomètres de la frontière avec Israël.
Un membre des autorités israéliennes a déclaré dimanche au Times of Israel qu’Israël avait récemment fait valoir qu’il pourrait rester au Liban à l’issue des 60 jours dans le but de faire pression sur les forces armées libanaises afin qu’elles remplissent leurs obligations avant la fin de la période.
Israël préférerait que l’armée libanaise se déploie dans le sud-Liban et s’assure que le Hezbollah se retire complètement de la zone, a précisé le responsable.
Les forces israéliennes se sont jusqu’à présent retirées de deux villes du sud-Liban – Khiam et Shamaa – mais selon l’Organisation internationale pour les migrations, elles demeurent stationnées dans une soixantaine d’autres emprises et 160 000 Libanais restent déplacés.
Par ailleurs, l’armée israélienne continue de mener des frappes contre les agents et infrastructures du Hezbollah dans le sud-Liban. Tsahal nie toute infraction aux termes de l’accord, assurant que ses frappes ne sont que des ripostes aux violations du Hezbollah.
« La première condition de la mise en œuvre de l’accord est le retrait complet de l’organisation terroriste du Hezbollah au-delà du fleuve Litani, le démantèlement des armes et des infrastructures terroristes par l’armée libanaise, ce qui n’est pas encore le cas », a expliqué Katz.
« Si cette condition n’est pas remplie, il n’y a plus d’accord et Israël prendra les mesures qui s’imposent pour garantir le retour des habitants du nord dans de parfaites conditions de sécurité », a-t-il ajouté.
Dans un discours prononcé samedi, le nouveau chef du Hezbollah, Naim Qassem, a dit que sa « patience avait des limites » face aux agissements israéliens, et ce indépendamment de la fin de la période de retrait de 60 jours stipulée dans l’accord de trêve de novembre.
La guerre au Liban s’était ouverte lorsque le Hezbollah, sans provocation aucune, avait commencé à tirer sur Israël presque chaque jour à partir du 8 octobre 2023, au lendemain du pogrom commis par le Hamas – autre organisation terroriste soutenue par l’Iran – qui avait coûté la vie à 1 200 personnes et fait 251 otages, déclenchant la guerre à Gaza.
Israël a redoublé d’activités militaires contre le groupe terroriste en septembre 2024, tuant une grande partie de ses dirigeants et le privant d’une part importante de ses capacités, ce afin de mettre un terme aux tirs de roquettes qui ont conduit à l’évacuation de 60 000 habitants du nord d’Israël.
Les combats ont pris fin à la faveur de l’entrée en vigueur de l’accord de cessez-le-feu, le 27 novembre dernier, mais les deux parties s’accusent mutuellement et fréquemment d’en violer les termes.
Un haut responsable du Hezbollah a déclaré dimanche que le chef terroriste Hassan Nasrallah, tué par Israël en septembre dernier, serait inhumé à l’issue de la période de cessez-le-feu initiale de 60 jours.
Selon un haut responsable de la sécurité du Hezbollah, Wafiq Safa, les préparatifs de l’inhumation du chef terroriste et de son éphémère successeur, Hashem Safieddine, sont en cours.
Israël avait tué Nasrallah le 27 septembre dernier et Safieddine quelques jours plus tard. Nasrallah a, semble-t-il, été inhumé à titre provisoire dans un lieu tenu secret, de peur d’une attaque d’Israël lors de funérailles de grande ampleur.
Safa a ajouté que le président du Parlement libanais, Nabih Berri, qui a négocié l’accord de cessez-le-feu avec Washington, avait déclaré au Hezbollah que le gouvernement rencontrerait bientôt l’envoyé américain Amos Hochstein. « Et suivant ce qui se passera, une décision sera prise. »
« Le Hezbollah est prêt à faire face à toute agression comme il l’entend », a-t-il rappelé.
Les analystes de la situation estiment que la trêve va tenir
C’est à Hochstein que l’on doit le succès diplomatique ayant abouti à la conclusion de cette fragile trêve, qui, d’après les analystes, devrait tenir malgré les accusations mutuelles de violations du cessez-le-feu.
« Les termes de l’accord de cessez-le-feu sont plutôt opaques et laissent place à l’interprétation », explique Firas Maksad, chercheur principal à l’Institut du Moyen-Orient à Washington. C’est précisément cette flexibilité, poursuit-il, qui lui donne de meilleures chances de tenir face aux circonstances, comme celles de l’éviction du dirigeant syrien Bachar al-Assad, quelques jours seulement après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu.
Depuis le départ d’Assad, le Hezbollah est privé de ce qui était l’une des principales voies d’acheminement des armes en provenance d’Iran, ce qui l’affaiblit davantage.
« L’essentiel n’est pas de savoir si l’accord va tenir le coup, mais quelle version va être mise en œuvre », estime M. Maksad.
Le porte-parole de Tsahal, le lieutenant-colonel Nadav Shoshani, a déclaré que le retrait d’Israël des villes libanaises avait été plus lent que prévu faute de soldats libanais prêts à prendre le relais en nombre suffisant. Le Liban conteste cette version des faits et assure attendre le retrait d’Israël avant de faire son entrée dans ces villes.
Shoshani a fait état de la satisfaction d’Israël en ce qui concerne le contrôle de l’armée libanaise sur les zones dont il s’est retiré. Il a ajouté qu’il aurait préféré un transfert de pouvoir plus rapide mais que la sécurité était le critère le plus important.
Selon Harel Chorev, expert des relations israélo-libanaises à l’Université de Tel Aviv, pour Israël, le calendrier de retrait et ses 60 jours n’ont rien de « sacré ». Il estime que le Liban devra recruter et déployer des milliers de soldats supplémentaires pour qu’Israël accepte de lui céder le contrôle.
Ces deux derniers mois de guerre, le Hezbollah a encaissé des coups durs, que ce soit au niveau de sa direction, de ses stock d’armes ou de ses forces en raison des frappes aériennes israéliennes intenses doublées d’incursions terrestres qui ont donné à des combats acharnés dans le sud-Liban.
La chute d’Assad a été un coup dur de plus.
« Le déséquilibre des forces est tel qu’Israël pourrait avoir la tentation de s’assurer une plus grande liberté d’action à l’issue de la période des 60 jours », ajoute Maksad, l’analyste. Et le Hezbollah, affaibli comme il l’est, a maintenant un « grand intérêt » à s’assurer que l’accord ne s’effondre pas, et ce « malgré les violations israéliennes », souligne-t-il.
Le Hezbollah n’est sans doute pas capable de reprendre un conflit ouvert contre Israël, mais lui ou d’autres groupes terroristes pourraient mener des attaques avec des armes légères si les soldats israéliens restaient dans le sud-Liban, estime l’ancien général de l’armée libanaise Hassan Jouni.
Et même si Israël se retirait totalement du terrain, poursuit Jouni, son armée pourrait toujours mener des frappes aériennes sporadiques au Liban, comme elle l’a fait en Syrie pendant des années.