La Cour approuve l’ouverture d’une école haredi dans un quartier laïc de Jérusalem
La municipalité l'a emporté contre les activistes du quartier Kiryat HaYovel devant la Cour suprême ; l'école pour filles Bais Yaakov verra le jour à la prochaine rentrée scolaire
Une nouvelle école ultra-orthodoxe pour filles ouvrira ses portes dans le quartier Kiryat HaYovel de Jérusalem, un quartier majoritairement laïc, après que la Cour suprême a renversé le jugement émis par une juridiction inférieure qui avait bloqué ce projet avancé par la municipalité.
Haaretz a annoncé jeudi que la Cour suprême avait donné à la municipalité de Jérusalem le feu vert pour l’ouverture d’une école ultra-orthodoxe pour filles, l’école Bais Yaakov, d’ici deux semaines. L’établissement pourra donc accueillir les élèves dès la rentrée scolaire 2023. Il y a un mois, la Cour de district de Jérusalem avait pourtant accepté l’appel déposé par les résidents laïcs du secteur qui s’opposaient à ce plan.
Le bâtiment utilisé hébergeait jusqu’à présent l’école Amal Lady Davis, un établissement enseignant des disciplines majoritairement liées au secteur des technologies, qui avait ouvert il y a plus de 40 ans. Depuis, l’école a déménagé dans une autre partie de la ville, selon Haaretz, et la municipalité a cherché à y installer une nouvelle école haredi.
Cela sera la toute première école ultra-orthodoxe du quartier – et les résidents et activistes laïcs de ce dernier ont lancé une campagne féroce contre ce projet, une campagne qui a commencé au début de l’année. Haaretz a noté que les habitants estiment que l’ouverture de l’établissement accélérera la « haredisation » du secteur dans le contexte de l’arrivée massive dans le quartier de résidents ultra-orthodoxes depuis 2015.
Depuis une dizaine d’années, le quartier Kiryat HaYovel est au cœur d’une fracture entre religieux et laïcs – une fracture qui ne cesse de s’aggraver à Jérusalem de façon plus large. Depuis sa création en 1952 et pendant des décennies, le secteur avait eu une population diverse formée d’Israéliens issus d’une grande variété d’horizons religieux, à l’exception des ultra-orthodoxes, qui étaient peu nombreux.
Après la construction, en 2008, d’une crèche ultra-orthodoxe, les habitants laïcs de Kiryat HaYovel avaient commencé à déplorer ce qu’ils avaient considéré comme une mainmise des haredim sur le quartier. Affirmant ne pas avoir de problème avec les résidents issus de cette communauté eux-mêmes, ils avaient déclaré être inquiets de la tendance anti-pluraliste qu’ils constataient chez les ultra-orthodoxes.
Au mois de juillet, les activistes laïcs avaient déposé un appel contre la décision prise par la municipalité de Jérusalem d’ouvrir l’école haredi, dans le cadre du réseau Bais Yaakov d’écoles primaires et secondaires pour les jeunes filles ultra-orthodoxes. Ils avaient mis en cause devant la justice un processus d’attribution municipal qui, selon eux, avait comporté des failles. Cet argument avait été accepté par un juge de la Cour de district de Jérusalem qui avait indiqué que la municipalité avait fait son travail trop rapidement, sans prendre en compte un certain nombre de procédures établies.
Un argument qui a été rejeté jeudi par Isaac Amit, juge à la Cour suprême, qui a écrit dans sa décision qu’il n’avait pas « trouvé » de faille dans la décision prise par la municipalité d’allouer le bâtiment dans le cadre de la procédure d’attribution.
« En général, les autorités locales ont une grande latitude en ce qui concerne l’allocation des ressources publiques relevant de leurs compétences parce que ce sont les autorités locales qui sont dans la meilleure position s’agissant de déterminer les priorités », a écrit Amit, selon Haaretz.
Yosi Havilio, adjoint au maire de Jérusalem, opposant au projet qui avait organisé la campagne lancée pour le dénoncer, avait fait savoir dans une déclaration que la décision prise par la municipalité « empestait » la « corruption électorale » en tentant d’en appeler aux électeurs ultra-orthodoxes en amont du prochain scrutin municipal. Il avait déploré une décision qui, selon lui, se basait sur « une conduite illégale, une anarchie économique et une absence totale de valeurs ».
« L’ouverture d’une école Bais Yaakov au cœur d’un quartier non-orthodoxe équivaut à une gifle portée au visage de la population laïque de Kiryat HaYovel et de la ville dans son ensemble », avait-il commenté.
L’adjoint au maire – avocat et activiste communautaire qui a été procureur-général à Jérusalem – avait ajouté que « c’est seulement en revenant à une majorité sioniste modérée au sein du conseil municipal, lors des prochaines des élections » que les habitants de la ville « seront en mesure de sauver les quartiers – et Jérusalem – d’un avenir non-sioniste, d’un avenir de pauvreté ».
Suite à la décision prise par la Cour suprême, le maire de Jérusalem, Moshe Lion, a exprimé sa « gratitude » et sa « satisfaction » à l’égard des juges, qui « ont déterminé de manière claire et nette que la municipalité de Jérusalem a agi conformément à la loi et conformément aux procédures » – des propos transmis par son bureau qui ont été cités par la branche locale du site Ynet pour Jérusalem, Mynet Jerusalem.
« Aujourd’hui, les élèves de Bais Yaakov seront capables de se préparer pour le début de l’année de scolaire comme c’est déjà le cas de tous les autres élèves de Jérusalem », a expliqué le maire.