La Cour rejette le report de la démolition de Khan al-Ahmar
La demande gouvernementale d'un délai de quatre mois a été rejetée; l'État est sommé de se soumettre à la requête du groupe de droite qui exige la démolition rapide du hameau
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
La Haute-cour de justice a rejeté, mardi, la demande récente qui avait été soumise par le gouvernement de bénéficier d’un nouveau délai dans la mise en œuvre d’une ordonnance émise par le tribunal qui réclame l’évacuation du hameau de Khan al-Ahmar en Cisjordanie, habité par des membres de la communauté bédouine.
Le juge Noam Sohlberg a rejeté la requête du gouvernement qui voulait bénéficier d’un délai supplémentaire de quatre mois pour présenter son positionnement sur la question. Il a prévu une audience qui sera consacrée à une requête qui avait été soumise par l’organisation de droite Regavim, co-fondée par l’actuel ministre des Finances, Bezalel Smotrich, et qui somme la Cour d’émettre une ordonnance définitive qui exigera l’évacuation et la démolition immédiate du hameau.
Le gouvernement avait demandé un délai supplémentaire de quatre mois concernant une ordonnance intérimaire judiciaire, prononcée en 2018, prévoyant l’évacuation de Khan al-Ahmar, affirmant qu’il avait besoin de ce sursis pour être en mesure de formuler un plan d’exécution.
Regavim avait répondu qu’il s’agirait du neuvième délai offert dans ce dossier et l’organisation avait demandé à la Cour d’émettre une ordonnance définitive demandant à l’État de détruire sans plus attendre le hameau bédouin.
Dans sa décision, mardi, Sohlberg a accusé le gouvernement de traîner les pieds dans ce dossier et de se contredire en affirmant être engagé en faveur de la démolition du hameau bédouin tout en ne faisant rien.
« Autant dire que nous ne sommes pas du tout satisfaits de la conduite de l’État », a écrit le magistrat.
Sohlberg a ajouté que le comportement de l’État était apparemment la démonstration que « la situation existante est confortable en ce qui le concerne : Il dépose, tous les quelques mois, une demande de prolongation à laquelle s’oppose le plaignant et la Cour accède à cette demande en serrant les dents, et tout reste normal en décidant de ne pas prendre de décision ».
Il a affirmé que « ce mode d’opération, qui peut être possible dans certaines circonstances en dehors de l’enceinte de ce tribunal, n’est pas acceptable à nos yeux et certainement pas pendant une période de temps si longue ».
Sohlberg a déclaré que la Cour avait pris en compte le fait que le gouvernement venait d’accéder aux responsabilités mais qu’elle ne pouvait pas pour autant accepter ce nouveau délai de quatre mois « alors que l’expérience nous a appris qu’un report en entraîne un autre et que jamais une réponse substantielle ne nous a été apportée dans l’intervalle ».
Il a donc prévu une audience traitant de la demande soumise par Regavim d’évacuer au plus vite Khan al-Ahmar en date du 1er mai, et il a donné à l’État jusqu’au 2 avril pour soumettre une réponse à la requête. Il a aussi ordonné le versement de la somme de 20 000 shekels en frais à Regavim, un signal clair de mécontentement de la Cour.
Suite au jugement émis par le tribunal, les députés de l’opposition ont raillé les leaders du mouvement ultranationaliste qui siègent au gouvernement, notamment Smotrich et le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, qui demandent depuis longtemps la démolition de Khan al-Ahmar mais qui sont aujourd’hui des personnalités de premier plan d’un gouvernement ayant une nouvelle fois réclamé un report.
La législatrice d’Yisrael Beytenu Yulia Malinovsky – qui était membre de la précédente coalition qui n’avait pas fait évacuer le hameau – a écrit sur Twitter un post acerbe, estimant que « lorsqu’il faut passer à l’acte, les magistrats de la Cour suprême sont plus à droite que Smotrich et que Ben Gvir. »
Khan al-Ahmar, un hameau situé à l’Est de Jérusalem, pas très loin de Maale Adumim, qui accueillerait moins de 200 habitants, avait été approuvé à la démolition en 2018 par la Haute-cour.
L’État affirme que les structures, principalement des cabanes et tentes de fortune, ont été construites sans permis et constituent une menace pour les habitants du village en raison de leur proximité avec une autoroute.
Les habitants palestiniens de Khan al-Ahmar, membres de la tribu Jahalin, disent être arrivés dans la région dans les années 1950, alors qu’elle était sous domination jordanienne, après avoir déjà été déplacés pendant la guerre d’indépendance de 1948.
Mais la démolition a été reportée à plusieurs reprises pour éviter un tollé international, le village ayant obtenu le soutien public des militants des droits de l’homme, des groupes pro-palestiniens et de l’Union européenne.
L’État a préparé un site où pourraient s’installer les résidents du hameau à une quinzaine de kilomètres à l’Ouest de Khan al-Ahmar, aux abords de la ville palestinienne d’Abu Dis, près de Jérusalem, où ont été installées des structures rudimentaires variées et les infrastructures nécessaires à un système d’assainissement ainsi qu’à l’approvisionnement en eau et en électricité.
Mais l’ONU, l’UE et d’autres instances internationales ont averti que le déplacement forcé des habitants de Khan al-Ahmar violerait le droit international et pourrait même constituer un crime de guerre, le déplacement d’une population placée sous occupation étant interdit par la loi internationale.