La découverte de scarabées souligne l’emprise des pharaons sur Canaan
Des archéologues ont sauvé des centaines d'artefacts des mains de voleurs d'antiquités, dans le Sud d'Israël
Ilan Ben Zion est journaliste au Times of Israel. Il est titulaire d'une maîtrise en diplomatie de l'Université de Tel Aviv et d'une licence de l'Université de Toronto en études du Proche-Orient et en études juives
Des scarabées portant le sceau du pharaon, signes évidents de l’hégémonie de l’Egypte ancienne sur le Canaan de l’âge du bronze, ont émergé d’une grotte dans le sud d’Israël, après que des agents de l’Autorité des antiquités d’Israël (AAI) ont intercepté des voleurs.
Les artefacts trouvés sur le site en septembre ont été présentés à la presse pour la première fois mercredi avant la fête de Pessah, qui célèbre la libération des Hébreux de l’esclavage égyptien. Pendant la période des scarabées, les 15e et 14e siècles avant notre ère, cependant, Canaan, qui correspond à l’actuel territoire d’Israël, était sous l’hégémonie des rois égyptiens.
La grotte située près de Tel Halif, une ancienne ville à environ 15 kilomètres au nord de Beer-Sheva, contenait plus de 300 artefacts du Chalcolithique, de la fin de l’Age du bronze, de l’Age du fer et de la période du Second Temple. Les plus remarquables, cependant, étaient une douzaine de sceaux de scarabées, dont un couple, Thoutmosis III, et un autre d’Amenhotep III, ainsi que deux chevalières.
Le scarabée était vénéré par les anciens Egyptiens comme une manifestation du soleil levant, Khépri, et était souvent représenté sur les sceaux officiels. Les sceaux de scarabées de faïence trouvés dans la grotte furent probablement fabriqués en Egypte et utilisés comme amulettes funéraires pour un responsable local. Certains étaient certainement des objets de famille.
« Les scarabées étaient utilisés et réutilisés tout le temps parce qu’ils avaient une valeur magique, » explique Dr Daphna Ben-Tor, conservatrice d’archéologie égyptienne au Musée d’Israël de Jérusalem.
Les archéologues ont également trouvé quatre petites amulettes, dont une en forme de dieu des artisans, Ptah.
La présence d’une telle richesse d’artefacts égyptiens indique, non seulement une domination militaire et politique égyptienne sur l’ancienne Canaan pendant cette période, mais aussi une suprématie culturelle.
Le Roi Thoutmosis III, considéré comme l’un des « grands conquérants de l’Egypte ancienne », selon l’égyptologue Donald Redford, a marché avec son armée à Canaan en 1482 avant notre ère, et réduit à néant une coalition syro-cananéen à Megiddo. Il a soumis une grande partie du Levant, la plaçant sous la suzeraineté égyptienne, qui devait perdurer pendant près de 300 ans.
Certains des objets sont de styles locaux, mélangés aux styles égyptiens. Une chevalière pourpre en cornaline porte au dos un guerrier gravé, à la mode cananéenne. Une paire de vases, qui pourraient avoir contenu des cosmétiques ou des onguents précieux, sont constitués de faux albâtre, contrefaçon d’un produit de luxe prisé.
La collection dans son ensemble montre que, pendant l’Age du bronze tardif, « en sus de la culture locale [cananéenne], il y avait de nombreux éléments de la culture égyptienne, et les gens du pays… ont adopté la culture égyptienne », explique Dr Amir Golani, un archéologue aux AAI . « Il y avait une certaine assimilation. »
Leurs propriétaires étaient probablement des individus importants socialement « qui ont emporté les symboles de leur stature avec eux » dans l’Au-delà, pointe Golani.
« Vous ne trouvez [généralement] pas une telle collection en un seul site » et aussi excellemment conservée, note-t-il.
Ceux qui ont identifié le vol des antiquités de l’AAI ont remarqué des signes de fouilles illégales à proximité de la grotte lors d’une inspection de routine et, avant que les voleurs ne puissent revenir, ont excavé le site archéologique, explique Amir Ganor, directeur de l’Unité de prévention de vol des AAI.
D’après lui, les deux pillards présumés qui ont été repérés n’ont pas été arrêtés, mais font probablement partie d’un réseau mafieux de voleurs d’antiquités opérant dans le sud d’Israël. Les trouvailles sauvées par les AAI étaient de valeur importante, dit-il, estimant que les sceaux de scarabées à eux seuls pourraient rapporter plusieurs milliers de dollars au marché noir.
« Comme les archéologues, nous nous soucions moins de la valeur monétaire que de la valeur historique, précise Ganor. Les sceaux que nous avons trouvés racontent une Histoire. »