La découverte d’une mosaïque indique-t-elle le site d’un miracle de Jésus ?
Les archéologues ont différentes théories sur l'interprétation à donner à cette trouvaille importante faite à proximité du lac de Tibériade- qui évoque la multiplication des pains
Récemment découverte au lac de Tibériade, une mosaïque représentant un poisson, des oiseaux et des paniers – de ce qui pourrait être du pain – pourrait bien commémorer le lieu historique du miracle raconté dans le Nouveau testament où Jésus-Christ multiplie miraculeusement les pains, selon le responsable de la fouille archéologique du site, le Dr Michael Eisenberg de l’université de Haïfa.
La mosaïque en couleur a été découverte lors du Projet de fouille Hippos-Sussita au sud-ouest du parc national Sussita, également connu sous le nom de l’Eglise brûlée. La mosaïque de 15 mètres sur 10 présente des poisons, des oiseaux et 12 paniers remplis de fruits, de fleurs et – mais c’est discutable – de pain. Le lieu traditionnel du miracle se trouve de l’autre côté du lac, à l’Eglise de la Multiplication des pains et des poissons à Tabgha, qui abrite une célèbre mosaïque représentant deux poissons de chaque côté de ce que l’on pense être une corbeille à pain.
C’est la combinaison à l’Eglise Sussita du poisson et des corbeilles de pain qui a conduit Eisenberg à penser que la mosaïque pourrait être un hommage au miracle de la multiplication des pains et des poissons et un indice sur le lieu historique de l’exploit.
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Lors d’une conversation avec le Times of Israël mercredi, Eisenberg a dit que ce miracle, mais aussi beaucoup d’autres miracles de Jésus-Christ, s’est produit en présence directe de l’église – située à proximité des bords du lac de Tibériade. Il pense que tous ces éléments sont symboliquement représentés sur la mosaïque.
« Le symbolisme derrière [la mosaïque] et la position de l’Eglise à l’endroit parfait, surplombant le lac de Tibériade où presque tous ses miracles ont eu lieu, signifie très probablement que les gens reconnaissaient et interagissaient avec les lieux géographiques et physiques où les miracles se sont produits », a-t-il dit.
Eisenberg a expliqué que l’on peut voir, sur la mosaïque, des poissons, dont deux occupent une position héraldique dans l’abside de l’église, mais aussi 12 corbeilles, dont certaines sont remplies de grenades et probablement une avec des pommes et de fleurs. D’autres corbeilles, a-t-il expliqué, font encore plus directement référence au célèbre miracle et sont remplies de miches de pain : une corbeille avec cinq miches, un ou deux avec sept miches et deux avec six miches, a-t-il dit.
Comme le Times of Israël l’a expliqué en juillet, l’Eglise brûlée a été construite en deux phases, dans la seconde moitié du 5e et 6e siècles, a déclaré Eisenberg, et les mosaïques – y compris au moins trois inscriptions – sont probablement du 6e siècle. L’archéologue a fait l’hypothèse qu’elle avait été rasée lors de la conquête persane Sassanide de la terre sainte au début du 7e siècle. Aucune de six autres églises faisant l’objet d’une fouille sur le site n’a subi une telle destruction.
L’un des éléments uniques de la mosaïque de l’Eglise brûlée, a-t-il dit, se situe dans le fait qu’elle est « très simple, naïve, même charmante dans sa nativité. Elle a été commandée par les gens locaux, c’est pourquoi les dessins sont plus intéressants », a-t-il dit. 20 % restants de la mosaïque doivent encore faire l’objet d’une fouille.
Le miracle des pains et de poissons apparaît en réalité dans deux histoires du Nouveau testament, a déclaré le prêtre Dr Francesco Giosuè Voltaggio, basé en Galilée, et qui a un doctorat en archéologie. Jésus a fait deux multiplications de pains et des poissons, toutes les deux au bord du lac de Tibériade.
« Selon l’Evangile et l’ancienne tradition chrétienne, il y a deux multiplications et deux endroits, a déclaré Voltaggio. Un passage dans Marc 8:16-21 fait référence à deux miracles de multiplications des pains et des poissons dans un dialogue.
Le premier miracle comprenait cinq miches et deux poissons qui ont suffit pour environ 5 000 hommes juifs (les femmes et les enfants n’étaient pas comptés) sur un côté de la Galilée. Son lieu est traditionnellement situé à Tabgha. L’autre, a déclaré Voltaggio, a été réalisé pour 4 000 hommes païens et s’est produit sur le côté du lac. Ce miracle, raconté dans Marc et Matthieu, impliquait sept miches de pain et « un plus petit nombre de poissons ».
Lors de la première multiplication pour les Juifs, a déclaré Voltaggio, les apôtres ont emporté 12 corbeilles de pain (pour les 12 tribus); dans le deuxième passage, il est resté assez de pain pour remplir sept corbeilles. Les nombres 7 ou 70 sont des symboles pour les non Juifs, a-t-il déclaré.
« Le pèlerins gardent la mémoire de ce deuxième miracle à Tel Hadar », a expliqué Voltaggio, qui se trouve à environ 10 kilomètres aux nord du lieu de l’ancien Hippos/Sussita où la mosaïque de l’Eglise brûlée a été retrouvée.
L’archéologue Eisenberg a reconnu que le premier miracle est traditionnellement lié à Tabgha du côté ouest du lac de Tibériade, mais il a laissé entendre qu’une lecture prudente du texte raconte une histoire différente. « Jésus a marché sur l’eau vers Tabgha après le miracle des pains et des poissons : comment le miracle a-t-il pu se produire là-bas ? », s’interroge-t-il.
Eisenberg a fait l’hypothèse qu’il aurait pu se produire à l’extrémité nord du domaine Hippos, que les Romains ont appelé le Hippos Territorium, qui s’étendait de la partie sud du Lac de Tibériade, et allait peut-être jusqu’à l’extrémité nord, le nord du Kursi, qui est très proche de Tel Hadar. « Je pense que le miracle s’est produit là », a déclaré Eisenberg.
Même si le miracle a été relaté dans deux des quatre livres de Evangiles, certains pensent que le deuxième miracle ne s’est pas réellement produit.
« Pour certains universitaires, la deuxième multiplication est une duplication purement symbolique », a déclaré Voltaggio, qui dirige un séminaire en Galilée. La nouvelle découverte, a-t-il dit, « réévalue l’historicité des deux miracles », qui selon les Evangiles se produisent sur les deux rives du lac de Tibériade.
« Les deux lieux, Tabgha et Sussita ne sont pas opposés », a souligné Voltaggio.
Mais, tout le monde n’est pas d’accord avec l’identification d’Eisenberg des corbeilles à pain. L’archéologue Anat Avital, une expert en mosaïque de la période byzantine qui n’est pas associée à la fouille Sussita, ne soutient pas le point de vue d’Eisenberg.
Après avoir étudié de milliers de mosaïque dans la région, en Europe et en Amérique du nord, elle affirme que les soi-disant miches de pain sont en réalité des fruits.
« Cele ne pourrait être qu’un fruit, à l’échelle de pommes. J’ai vu de nombreuses autres mosaïques avec exactement les mêmes corbeilles, qui contiennent habituellement des fruits, parfois des fleurs », a-t-il dit au Times of Israël.
« Un autre signe et un indice important indiquant que l’artiste voulait montrer des fruits est que l’on peut voir un outil d’élagage représenté à côté d’une des corbeilles, a déclaré Avital. Les artistes, a-t-elle, dit « veulent nous dire que nous avons pris ce couteau recourbé pour cueillir le fruit ».
Le seul autre endroit connu avec une représentation d’une corbeille de pains est Tabgha, et, même si elle ne veut pas s’attaquer à une lecture traditionnelle, elle n’est pas entièrement convaincue non plus.
Comme beaucoup d’autres mosaïques en Israël et en Jordanie, a-t-elle expliqué, le tapis doit être pris très littéralement et montre que « si on vient à l’Eglise, si on croit en Dieu, on aura de très bons fruits à manger », a-t-elle dit. La description de la récompense dans la mosaïque est « symbolique de l’une des choses les plus fondamentales de nos existences, nous avons besoin de manger », a-t-il dit.
A l’époque byzantine, a-t-elle déclaré, il est rare de trouver un art symbolique dans les églises. Les artistes préfèrent plutôt montrer l’existence terrestre, les choses dont vous avez immédiatement besoin – l’air, l’eau, la nourriture et la protection contre les ennemis/ les bêtes, etc. »
Dans la même logique, il n’y a aucune signification dans le nombre de corbeilles ou de médaillons dans la mosaïque, a déclaré Avital et leur donner des significations supplémentaires est un anachronisme a-historique. « Nous devons comprendre que les gens étaient illettrés, pour la grande majorité ». Les mosaïques représentent des thèmes « de manière à être facilement compréhensibles, pas avec des indices, pas comme maintenant », a-t-elle dit.
Avital a plaisanté en disant que tant que l’artiste de mosaïque ne sort pas de sa tombe, nous ne connaîtrons jamais vraiment ses intentions, mais elle a fait l’hypothèse que quand les 20 % restants de la mosaïque auront été découverts, l’équipe va probablement voir quelque chose d’autre.
Eisenberg s’est félicité de ce « débat [d’idées] sain ». « Où se situe exactement la limite entre religion, décoration et symbolisme? » a-t-il demandé. Il a dit que l’équipe va continuer à discuter de la signification de la mosaïque.
« Nous avons assez de miracles pour tout le monde », a ri Eisenberg.
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