La diplomatie israélienne demande à ses diplomates d’expliquer la refonte
"Les manifestations sont le signe de la démocratie," voici le mot d'ordre à relayer auprès des interlocuteurs dans le monde
La réforme judiciaire suscite un très vif intérêt à l’étranger, assorti de critiques de certains alliés d’Israël sur l’attitude de cavalier seul du gouvernement, aussi le ministère des Affaires étrangères a-t-il donné jeudi des instructions à ses postes, partout dans le monde, pour expliquer les récents événements.
Le ministère demande ainsi à ses représentants de dire que le gouvernement « promeut une réforme dont le but est de renforcer le pouvoir législatif », que les manifestations de grande ampleur contre la réforme « sont un exemple de la vigueur de la démocratie israélienne » et que tout est fait pour dégager un compromis – bien qu’aucun dialogue n’ait actuellement lieu.
Les manifestations ont fait l’objet d’une violence policière injustifiée qui a été décriée par les militants et les journalistes.
« Comme le Premier ministre l’a clairement indiqué, Israël doit rester une démocratie forte. Il continuera à garantir les droits individuels pour tous et ne deviendra en aucun cas un État halakhique. »
« Le pouvoir judiciaire demeurera indépendant et aucun pouvoir ne prendra le pas sur les autres. »
La première étape du programme de refonte judiciaire controversé à être inscrite dans la loi, empêche la Cour suprême d’invalider une décision gouvernementale en se prononçant sur son « caractère raisonnable ».
« Cette loi met un terme à la possibilité pour la Cour suprême d’invalider une nomination du gouvernement, ce qui signifie la fin du recours à la justice contre une décision gouvernementale », explique Claude Klein, professeur émérite de droit à l’Université hébraïque de Jérusalem. « Cette décision est extrêmement grave car le gouvernement ou un ministre peut maintenant nommer qui il veut sans contrôle, lui donnant un pouvoir illimité », ajoute M. Klein.
Cette clause du « caractère raisonnable » a été rarement utilisée par la Cour suprême, affirme de son côté Suzie Navot, professeure de droit constitutionnel et vice-présidente de l’Institut pour la démocratie israélienne (IDI). »Si la décision du gouvernement est corrompue, alors la Cour intervient », explique Mme Navot.
« Il ne s’agit pas d’intervenir dans un domaine politique, ce que la Cour ne fait pas, mais sur le caractère raisonnable des nominations effectuées par le gouvernement ou par un ministre », précise M. Klein.
« Une loi fondamentale ne peut pas aller à l’encontre des valeurs fondamentales d’Israël en tant qu’Etat juif et démocratique », affirme Mme Navot.
« La Knesset n’est pas habilitée à changer le caractère fondamental du pays, et si elle le fait, la Cour pourra même déclarer une loi fondamentale inconstitutionnelle », a-t-elle ajouté.
« La partie la plus importante du projet de réforme est le processus de nomination des juges, pas cette clause », explique M. Klein. « Nous vivons la plus grosse crise législative de l’histoire du pays car ça touche aux fondements de la vie des citoyens et peut ouvrir la voie à des lois dangereuses qui porteront atteinte aux droits de chacun », estime Claude Klein.
Les opposants à cette loi affirment qu’elle affaiblira la capacité de la Cour à protéger les droits civils et qu’elle entravera considérablement sa capacité à protéger les hauts fonctionnaires qui occupent des postes (très) sensibles, tels que le procureur général, le chef de la police israélienne et le procureur de l’État, contre les licenciements pour des motifs inappropriés, politisant ainsi ces rôles.
Le gouvernement affirme de son côté que l’interdiction du recours à la doctrine est nécessaire pour mettre fin à ce qu’elle appelle l’ingérence judiciaire dans la politique d’un gouvernement élu par des juges non-élus. Ils estiment que la Cour y a eu recours trop fréquemment, subvertissant ainsi la volonté de l’électorat et sapant le principe de la règle de la majorité démocratique.