La verdoyante route 232, dans le sud d’Israël, est devenue route de la mort
Les journalistes du Times of Israel ont emprunté cette route du Neguev, utilisée par le Hamas lors de ses exactions, samedi. C'est un paysage de désolation, de sang et de feu
Il régnait un certain calme, mercredi matin, lorsque Canaan Lidor, journaliste au Times of Israel, et moi-même nous sommes engagés sur la route 232, qui serpente entre exploitations agricoles et lits de rivières asséchées, et relie les kibboutzim du Neguev occidental.
En dépit de ce décor bucolique, les preuves de la guerre sont absolument partout.
Des panaches de fumée s’élèvent de la bande de Gaza toute proche, à seulement quelques kilomètres à l’ouest. Des véhicules verts de Tsahal passent en petits convois.
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A quelques centaines de mètres d’un poste de contrôle de l’armée, une camionnette Toyota blanche – chère à l’État islamique, dans leurs vidéos de propagande – git dans le fossé, complètement écrasée du côté passager.
Revêtue d’une plaque d’immatriculation blanche et verte – de celles que l’on trouve à Gaza -, elle a été utilisée par des terroristes du Hamas qui ont franchi la barrière de sécurité, samedi matin.
L’absence d’impacts de balles, de cartouches ou de sang sur le sol nous laisse circonspects quant au sort de ses occupants. Mais ce qui se trouve à l’intérieur ou et éparpillé sur les blancs rochers à proximité indique sans équivoque ce à quoi elle devait servir.
Une grosse bombe de gaz métallique se trouve dans une boîte métallique, dans la partie coffre. Cette bombe artisanale aurait pu causer des dégâts effroyables si elle avait explosé. Le dispositif improvisé pour détoner la charge se trouve au sol. Une pièce de système d’alarme domestique, permettant d’activer la bombe par téléphone, est encore reliée à un câble blanc.
Au vu de cet équipement, les terroristes semblaient prêts à passer des jours cachés dans les buissons. Ils avaient en effet des collecteurs d’urine pour leur permettre de se soulager sans avoir à quitter leur cachette.
Les sacs à dos, remplis de vêtements de rechange et de chaussures, étaient ouverts sur le sol.
Un chargeur de fabrication russe est rempli de balles de calibre 7,62 mm.
Plus macabre encore, un sac en plastique rempli de clés de voiture et de maison se trouve sur la banquette arrière, sans doute des trophées des exactions commises en Israël. De l’autre côté de Besor Stream, des dizaines de voitures sont encore sagement stationnées : certaines d’entre elles, incendiées, contiennent les corps carbonisés de jeunes festivaliers abattus ou brûlés vifs.
Il n’y a pas de corps dans la Toyota. Un X jaune dans un cercle, tracé sur le pare-brise, indique que le service de recherche et sauvetage de Zaka a vérifié et n’en a trouvé aucun.
Au détour d’une route vers Reim, le sort d’un autre groupe de terroristes était plus clair.
Dans un champ, le long de la clôture de la base militaire de Reim, des taches humides et sombres sont encore visibles sur la terre brune. Les mouches bourdonnent autour du sang qui sèche. Deux paires de bottes indiquent que deux terroristes ont été tués ici, en tentant de s’infiltrer dans la base.
Les corps ont disparu, mais la puanteur de la mort persiste dans le champ.
Le long de la clôture de la base, la végétation noircie est le témoin muet de la fusillade qui a eu lieu samedi matin.
À l’intérieur, deux soldats aux aguets et un peu nerveux nous intiment, en criant, de ne pas nous approcher de la base.
Les effets personnels des terroristes se trouvent le long de la route. Sous un eucalyptus, un Coran de poche marron git près d’un étui de tireur d’élite rembourré de grande qualité. Des canettes de boissons énergétiques XL jonchent le sol, aux côtés de vêtements et d’un sac à dos bleu de l’Université de Palestine.
Un carnet utilisé par l’un des terroristes est décoré du personnage Elsa, du film de Disney « La Reine des Neiges ». Une trousse à outils est ouverte, avec un tournevis, une pince, une clé et un cric.
Ces scènes, aussi déchirantes soient-elles, n’ont rien de comparables aux scènes apocalyptiques que nous avons trouvées après le coucher du soleil.
Après nous être rendus au kibboutz Beeri, dont un dixième des habitants ont été assassinés, nous faisons route vers le nord, dans l’obscurité, pour rentrer chez nous.
La route est sombre et quasi-vide. Les seules lumières sont celles de quelques chars ou de fusées éclairantes. Les tirs de mortier et de roquettes de Gaza font trembler les vitres des voitures toutes les minutes environ.
À l’est d’une courbe plutôt serrée de la route 232, plusieurs incendies embrasent des bosquets. Nous ignorons ce qui a causé cet incendie – une récente frappe de roquette peut-être ? Ou alors une fusée éclairante de Tsahal ?
En nous approchant du sinistre, un arbre s’est brusquement embrasé, sifflant et crépitant, des vrilles orange serpentant le long de son mince tronc.
« Stop ! » s’exclame Canaan, ce qui me fait baisser les yeux, instinctivement. Le corps gonflé d’un terroriste se trouve à mes pieds, son bras droit tendu vers son gilet pare-balles. Son visage est tellement brûlé qu’il en est méconnaissable.
Trois mètres plus loin, la scène est digne de l’enfer. Les restes d’un autre terroriste sont en flammes, son bras gauche fléchi comme s’il tentait de se relever. Le sol au-delà est rouge et des branches sombres se détachent de ce brasier comme les bras d’un squelette.
Nous ignorons ce qui s’est passé mais les cartouches au sol nous font penser que les deux terroristes du Hamas ont été abattus suite à une fusillade et que leurs corps ont été abandonnés au bord de la route. Tsahal estime à 1 500 le nombre de corps de terroristes du Hamas découverts en Israël depuis l’assaut de samedi.
Quoi que ce soit, ce qui a frappé la forêt, peu de temps avant notre arrivée, a probablement mis le feu aux corps des terroristes. Le phosphore blanc, utilisé pour s’éclairer, est peut-être en cause, même s’il serait surprenant qu’un militaire utilise cette substance hautement inflammable sur son propre territoire.
Il faudra de longues semaines à Israël pour retirer de la route 232 les restes sanglants de l’assaut épouvantable du Hamas, et des années pour que les communautés environnantes, pour lesquelles cette route était un passage obligé, commencent à reconstruire.
Pour l’heure, la terre est toujours tachée du sang des innocents et de celui de leurs bourreaux. Ce qui a servi à perpétrer les crimes git, abandonné, au bord de la route, et raconte une histoire atroce qui restera gravée dans la mémoire juive pour les siècles à venir.
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