La France alerte sur la Ritaline, largement prescrite aux enfants en Israël
Il serait administré aux enfants français "trop souvent, et à hautes doses, des psychotropes modifiant le comportement et les émotions" - un problème aussi répandu en Israël
Le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), organisme consultatif français placé auprès du Premier ministre, publie ce lundi un rapport sur la prescription de psychotropes aux enfants français.
« Quand les enfants vont mal, comment les aider ? », s’intitule le document de 190 pages sur le mal-être des jeunes de 6 à 17 ans.
Il rapporte que, « alors que les enfants en France sont soumis à davantage d’épisodes dépressifs ou de troubles de l’humeur, on leur administre trop souvent, et à hautes doses, des psychotropes modifiant leur comportement et leurs émotions », écrit le Parisien.
Parmi ces médicaments : la Ritaline, largement prescrite aux enfants en Israël, stimulant du système nerveux central considéré comme un stupéfiant dans de nombreux pays. Utilisée dans le traitement symptomatique du trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), elle peut ainsi les rendre somnolents et parfois apathiques.
Si elle est bien classée parmi les « médicaments dangereux » par le ministère de la Santé israélien, sa consommation a pourtant explosé ces dernières années. Et ce alors, qu’en 2010, le ministère de la Santé s’alarmait déjà d’une explosion de la prise de Ritaline et de Concerta. Comme en France aujourd’hui, plusieurs témoignages reflètent un certain laxisme dans leur prescription.
Selon les estimations, la prise de Ritaline concernerait un Israélien sur 28, un chiffre bien plus important qu’en France.
Parmi ces consommateurs : Ruben, 9 ans. Une psychologue d’origine française qui dispense des formations sur la Ritaline avait cité son cas en 2018 dans une enquête du Times of Israel sur les importantes questions de santé que masquait l’efficacité de la Ritaline en Israël.
Après l’avoir reçu dans son cabinet avec ses parents, elle expliquait que l’enfant, scolarisé dans la ville de Raanana, dans le centre d’Israël, avait du mal à suivre. « Il se levait sans arrêt, il avait du mal à rester en place, et n’était pas actif en classe… Il n’était pas là en somme », racontait la médecin Sarah Abelanski.
Ses parents s’étaient alors entendus dire par ses professeurs que Ruben devrait prendre de la Ritaline, cette ‘pilule miracle’ qui transforme les enfants turbulents en doux agneaux.
Ses parents avaient alors entrepris avec lui les consultations nécessaires avec un psychiatre ou un neurologue, démarche nécessaire précédant la prescription. Sa mère lui avait alors administré de la Ritaline, mais assez vite, elle avait été surprise par les résultats. Certes Ruben se montrait plus calme. Mais « l’enfant était devenu comme un zombie, il ne manifestait plus de joie de vivre », s’était souvenu Abelanski. « Alors, sa mère a décidé d’arrêter les prises, tout en faisant croire qu’il continuait, car l’école menaçait de renvoyer l’enfant, ou de le placer dans une école spécialisée. »
Cette psychologue rapportait également le cas de Doron, âgé de 11 ans. Les nouveaux professeurs israéliens de ce petit Français fraîchement arrivé en Israël étaient persuadés qu’il était hyperactif. Les parents avaient alors été convoqués. À moins de prendre de la Ritaline, s’étaient-ils entendu dire par ses professeurs, il serait orienté vers une classe spécialisée – la douche froide pour les parents qui ne voyaient pas leur enfant comme un cas problématique.
Appelée, Sarah Abelanski a compris, après plusieurs consultations, que si Doron avait l’air absent en classe, et s’il était vrai qu’il ne répondait pas aux questions, cela n’avait en fin de compte rien à voir avec un trouble de l’attention.
« En fait, il se faisait bizuter par d’autres élèves parce qu’il était le petit nouveau. Mais cela, les professeurs ne nous l’avaient pas dit. Les parents l’ont donc changé d’école, depuis tout va bien, et ses notes remontent », avait-elle expliqué.
Deux cas qui illustraient alors ce recours massif à la Ritaline pour les enfants en Israël. Selon la psychiatre Brigitte Assouline, installée à Jérusalem, « on a parfois besoin de la Ritaline pour passer un cap, pour surmonter un sentiment d’échec, de déprime. Si l’enfant en souffrance est sur le point d’arrêter l’école par exemple ». Dans ce cas, « le temps d’installer une thérapie psycho-éducative, il est utile d’en prendre pendant six mois ou un an ».
Pour expliquer le recours massif à la Ritaline en Israël, elle pointait « la concurrence et l’élitisme » très forts dans les établissements scolaires israéliens, « où il faut être le meilleur, et où il n’y a pas de place pour le ludique et le plaisir ». Et pour ne rien faciliter « le cadre social très permissif ». L’enfant étant moins cadré, il lui en faut peu pour se sentir inadapté et vouloir recourir à une béquille médicale qui promet (et qui tient en partie la promesse) d’une meilleure concentration en classe.
Même écho chez Almogit, 38 ans, éducatrice chez Ironi Tet, une école pour enfants avec difficultés d’apprentissage à Petah Tikvah : « En Israël, il faut obtenir de bons scores aux examens psychométriques pour pouvoir aller dans les meilleures écoles. Alors beaucoup de parents veulent aider leurs enfants et considèrent avec bienveillance cette pilule qui leur permet de rester assis 6 heures d’affilée à leur bureau pour apprendre leurs leçons. »
En France, les Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant, annoncées au mois de juin, pourraient pousser les pouvoirs publics à s’emparer de la problématique des psychotropes et de la Ritaline. Si un changement sur cette politique survient et si des mises en garde plus larges sont émises sur les effets du médicament, peut-être le recours à celui-ci en Israël sera là aussi moins systématique.