La France, pays leader dans le combat contre le révisionnisme de la Shoah
Une étude montre comment Paris "a effectué un remarquable virage, entre le mythe fondateur de l’après-guerre de résistance aux nazis, et la vérité de la responsabilité du pays"
Une longue étude montre comment la France « a effectué un remarquable virage, entre le mythe fondateur de l’après-guerre de résistance aux nazis, et la vérité de la responsabilité du gouvernement collaborationniste français »
Dans un rapport indépendant, publié à l’occasion de la Journée internationale de commémoration des victimes de l’Holocauste le 27 janvier dernier, la France est présentée « comme un pays leader, à l’échelle européenne, du combat contre le révisionnisme de l’Holocauste ».
De plus de 150 pages, l’étude est le fruit d’un vaste projet de recherche mené l’année dernière conjointement par l’Université de Yale et le Grinnell College, ainsi que par l’European Union for Progressive Judaism (EUPJ), une organisation qui regroupe plus de 170 communautés juives « libérales » ou « réformées » en Europe.
Le rapport, publié sur un site Internet dédié, montre ainsi comment, ces dernières décennies, la France « a effectué un remarquable virage, entre le mythe fondateur de l’après-guerre de résistance aux nazis, et la vérité de la responsabilité du gouvernement collaborationniste français ». « Il décrit clairement les étapes successives de cette prise de distance avec le mythe gaullien d’après-guerre d’une France unie dans la résistance contre les occupants nazis et leurs collaborateurs de Vichy. »
Selon l’étude, cette vision de l’histoire a pris forme dans les années 1980, grâce notamment aux efforts de Serge et Beate Klarsfled, qui ont entamé des procédures judiciaires à l’encontre des complices français de la Shoah, notamment ceux qui ont été réhabilités et ont repris des fonctions officielles après la guerre. Grâce au couple, ont ainsi été arrêtés les collaborateurs René Bousquet, le chef de la police de Vichy, ou encore Jean Leguay, Maurice Papon et Paul Touvier.
L’étude rappelle que, jusqu’à la présidence de Jacques Chirac, et notamment sous François Mitterand, le mythe gaullien prévalait. « Le changement de position officiel s’est produit en 1995, lorsque le président Jacques Chirac a reconnu que c’était bien la police française, et non les soldats allemands, qui avait effectué les rafles dans les écoles et envoyé les enfants à la mort. Deux mois après sa prise de fonction, il a reconnu : ‘Oui, la folie criminelle des occupants a été secondée par l’État français.’ »

Lors des mandats présidentiels suivants, François Hollande est allé plus loin en affirmant que les rafles consistaient en « un crime commis en France par la France ». En juillet 2017, au mémorial du Vel d’Hiv, 75 ans après la rafle du même nom menée par 7 000 policiers et gendarmes français et qui a conduit à l’arrestation et à la déportation de 13 152 Juifs français, Emmanuel Macron a cité individuellement les noms de collaborateurs. Il a également condamné la réhabilitation de fonctionnaires qui ont œuvré durant le régime de Vichy. « Il est très commode de voir Vichy comme une monstruosité née de rien et retournée à rien. Mais ceci est faux, et nous ne pouvons tirer aucune fierté d’un mensonge » avait-il déclaré.
« C’est ainsi qu’au cours des dernières décennies, la France a effectué des progrès remarquables, à la fois en intégrant la mémoire de l’Holocauste dans la conscience nationale, et en assumant la responsabilité de la France », avance le rapport. « Et à la différence de plusieurs autres pays de par le monde, la France se montre également convaincue de la nécessité d’une vigilance constante afin d’éviter que des récits de complaisance en viennent à remplacer les vrais. »

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, durant le régime de Vichy, de 1940 à 1944, le gouvernement français s’est rendu coupable d’une collaboration très active avec l’occupant allemand. Celle-ci a notamment conduit à des rafles massives parmi la population juive. Cette politique fit de 10 000 à 15 000 morts et 80 000 déportés civils.
Au contraire de la France, le rapport cite également des pays qui se démarquent par leur réhabilitation actuelle de collaborateurs et criminels de guerre, « tout en minimisant leur responsabilité dans la tentative d’extermination des Juifs ». Le phénomène serait ainsi présent en Pologne, Hongrie, Croatie et Lituanie, mais aussi en Italie.
La Roumanie est quant à elle présentée comme un modèle à suivre, notamment grâce à sa nomination d’une commission indépendante chargée d’étudier la Shoah. L’Autriche, dont le gouvernement est pourtant composé d’un parti d’extrême droite fondé par d’anciens nazis, est également citée en exemple grâce à ses efforts concernant la restitution d’œuvres d’art spoliés.
« Ce combat au sujet de l’histoire a une portée qui dépasse la simple exactitude historique. Il comporte des implications importantes pour l’Europe d’aujourd’hui », a déclaré William Echikson, directeur du Bureau européen de l’European Union for Progressive Judaism à Bruxelles, qui a participé à ce projet sur le révisionnisme.

« Le révisionnisme actuel coïncide avec une montée de mouvements politiques d’extrême droite et d’un nationalisme extrême, qui s’efforcent de contrecarrer les règles démocratiques. »
Katharina von Schnurbein, coordinatrice de la Commission européenne contre l’antisémitisme, l’a quant à elle jugé « réellement pertinent ». « Nos études montrent que l’antisémitisme est en hausse en Europe » et que « la mémoire de l’Holocauste occupe une place centrale dans l’identité juive », a-t-elle justifié.
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